Explosion des cas de cancer colorectal chez les jeunes : une toxine bactérienne en cause ?
Au cours des 20 dernières années, l’incidence du cancer du côlon chez les jeunes adultes a pratiquement doublé chaque décennie. Faute d’explication claire, les scientifiques explorent de nouvelles pistes. L’une d’elles, récemment publiée dans Nature, désigne une toxine bactérienne, la colibactine, comme un facteur potentiel. Cette substance pourrait altérer l’ADN dès l’enfance et favoriser le développement du cancer plusieurs dizaines d’années plus tard.
Hausse des cancers colorectaux chez les jeunes : un phénomène mondial
Le cancer colorectal, touchant principalement les personnes âgées, connaît une évolution préoccupante dans les populations jeunes. Depuis une dizaine d’années, les données issues des registres internationaux signalent une augmentation significative de son incidence avant 50 ans, et plus encore avant 40 ans. Une étude récente, parue dans The Lancet Oncology, révèle que cette hausse concerne de nombreux pays, notamment l’Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis, mais aussi plusieurs pays d’Asie et d’Amérique latine. Selon des chercheurs de l’université de San Diego, « Si la tendance actuelle se poursuit, le cancer colorectal devrait devenir la principale cause de décès par cancer chez les jeunes adultes d’ici 2030 ».
Les causes de ce phénomène restent, à ce jour, mal élucidées. Chez de nombreux patients jeunes, aucun antécédent familial n’est retrouvé, et les facteurs de risque classiques (obésité, tabac, régime riche en viandes transformées) sont souvent absents. Face à ces constats, la recherche s’oriente vers de nouvelles pistes, notamment celle d’expositions environnementales.
La colibactine : une toxine bactérienne suspectée de perturber l’ADN dès l’enfance
C’est dans ce contexte qu’une équipe internationale de recherche a identifié un nouveau facteur de risque potentiel : la colibactine. Cette toxine est produite par certaines souches d’Escherichia coli naturellement présentes dans le microbiote intestinal. Selon les travaux publiés dans Nature, cette toxine pourrait altérer durablement l’ADN des cellules intestinales, et ainsi jouer un rôle clé dans l’apparition des cancers colorectaux chez les jeunes adultes.
L’étude a révélé que les mutations associées à la colibactine étaient 3,3 fois plus fréquentes chez les patients atteints par un cancer colorectal avant 50 ans. Les chercheurs estiment que ces mutations apparaissent au cours de la petite enfance, probablement avant l’âge de 10 ans, et pourraient initier un processus tumoral silencieux, se manifestant seulement plusieurs décennies plus tard.
Cancer colorectal : une nouvelle piste environnementale et microbiologique à explorer
Ces résultats s’inscrivent dans un ensemble plus large de travaux visant à mieux comprendre les causes des cancers chez les jeunes adultes. En croisant les données génétiques et les origines géographiques des patients, les chercheurs suggèrent que les expositions environnementales, alimentaires et microbiennes, en particulier durant les premières années de vie, pourraient contribuer à ces formes précoces de cancer colorectal.
L’étude met en lumière l’importance du microbiote intestinal dans le développement des tumeurs. Si la responsabilité de la colibactine paraît crédible, les chercheurs restent prudents : un lien de cause à effet n’a pas encore été établi. Des études complémentaires seront nécessaires pour confirmer ces résultats et mieux comprendre les mécanismes impliqués.
Plusieurs applications médicales sont envisagées, notamment le développement de probiotiques capables d’éliminer les bactéries productrices de colibactine, ou encore la création de tests de détection afin de repérer précocement les mutations liées à cette toxine.
L’explosion des cas de cancer colorectal chez les jeunes adultes constitue aujourd’hui un enjeu de santé publique mondial. La découverte d’une possible implication de la colibactine dans la survenue de cette maladie ouvre une nouvelle voie de recherche, à la croisée de la cancérologie, de la génétique et de la microbiologie. Si ces résultats doivent encore être confirmés, ils illustrent l’importance d’étudier les risques précoces, qu’ils soient alimentaires, infectieux ou environnementaux. Ce champ de recherche pourrait également conduire à de nouvelles stratégies de prévention, ciblant le microbiote, dès les premières années de vie.
– The Lancet Oncology, Colorectal cancer incidence trends in younger versus older adults: an analysis of population-based cancer registry data, . www.thelancet.com. Consulté le 05 mai 2025.
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