Depuis plusieurs d’années, nous savons que consommer régulièrement des produits hautement transformés augmente le risque de cancer. Une nouvelle étude américaine, portant sur le cancer colorectal, décrypte le mécanisme biochimique sous-jacent. Les aliments ultratransformés activent l’inflammation qui elle-même joue un rôle dans la tumorogenèse. Explications.
Liens entre cancer et aliments ultratransformés
Le lien entre aliments ultratransformés et risque de cancer a déjà été mis en évidence dans plusieurs études. Parmi celles-ci figurent celles de Nutrinet santé et du Centre international de recherche sur le cancer (Circ).
À savoir ! Selon la classification NOVA créée en 2010, les aliments hautement transformés (ultraprocessed food) sont des produits avec des formulations industrielles contenant plus de 4 ou 5 ingrédients. Ces aliments peuvent comporter des additifs alimentaires, des protéines hydrolysées, des amidons modifiés et/ou des huiles hydrogénées. Ces produits sont généralement très riches en calories,. Ils sont aussi riches en sucres ajoutés, en sel et matières grasses. Ils sont souvent prêts à consommer ou prêts à cuire ou à réchauffer.
En analysant les données épidémiologiques de 92 000 volontaires de l’étude Nutrinet santé suivis pendant 7 ans, des chercheurs français ont mis en évidence une association entre l’ingestion de certains additifs émulsifiants (additifs les plus utilisés dans les aliments ultratransformés) et un risque accru de cancers. Celui-ci concerne en particulier les cancers du sein et de la prostate.
À savoir ! Les émulsifiants regroupent les mono- et diglycérides d’acides gras, les carraghénanes, les amidons modifiés, les lécithines, les phosphates, les celluloses, les gommes et les pectines.
Certaines recherches suggèrent d’ailleurs que les émulsifiants perturberaient le microbiote intestinal (l’ensemble des microorganismes présents dans l’intestin). Ils pourraient aussi augmenter le risque d’inflammation. Cela pourrait potentiellement favoriser la survenue de certains cancers.
L’autre étude, menée par le Circ, a porté sur 4500 participants suivis pendant 11 ans. Elle a montré qu’une consommation plus élevée d’aliments ultratransformés (260 g/jour sans boissons alcoolisées) était associée à un risque accru de cancer. Le risque concernait également les maladies cardiaques et métaboliques (diabète, athérosclérose, obésité). Parmi les sous-groupes d’aliments, les associations les plus marquées concernaient les produits d’origine animale et les boissons édulcorées ou sucrées.
Le rôle de l’inflammation chronique
Dans cette récente étude, des chercheurs américains ont décrit un état inflammatoire chronique. Cet état pourrait mener à la tumorogenèse, autrement dit à la formation de tumeurs.
Avant d’arriver à cette conclusion, ils ont analysé et comparé 162 échantillons biologiques issus de tumeurs colorectales ou de côlons sains. Les prélèvements sur les patients et les volontaires se sont déroulés à l’hôpital général de Tampa en Floride.
Les résultats ? Ils ont retrouvé un nombre très important de molécules pro-inflammatoires et une pénurie de celles ayant un rôle anti-inflammatoire (médiateurs lipidiques résolvants).
Leurs résultats, publiés dans la prestigieuse revue scientifique Gut, montrent que c’est en nourrissant l’inflammation que l’alimentation ultratransformée serait impliquée dans la survenue et la progression du cancer colorectal.
Dans leurs conclusions, les chercheurs précisent que : « ces observations ouvrent la voie à la « médecine de résolution », une nouvelle approche thérapeutique pour induire ou fournir des résolvines afin d’atténuer l’inflammation chronique à l’origine de la croissance et de la progression du cancer ».
À savoir ! Les résolvines sont des médiateurs pro-résolution, aussi appelés SPM (Specialized Pro-Resolving Mediators), appartenant à la famille des oméga-3. Ils exercent un rôle anti-inflammatoire. Les résolvines sont synthétisées à partir de l’EPA (acide éicosapentaénoïque) et du DHA (acide docosahexaénoïque) lors de différentes réactions enzymatiques durant lesquelles des précurseurs intermédiaires, les pré-résolvines, sont formés.
Comment inverser l’inflammation ?
Pour aller plus loin, les auteurs ont mis en évidence que les lipides bioactifs dérivés de « bonnes graisses » permettent à l’organisme de lutter activement contre les inflammations, tandis que les lipides issus d’aliments ultratransformés induisent une inflammation chronique et perturbent le système immunitaire.
Ainsi, ces résultats sous entendent qu’il est possible de mettre en place des prises en charge préventives naturelles.
Il serait ainsi possible de diminuer l’état inflammatoire en consommant davantage d’aliments sains et non transformés, riches en acides gras oméga-3.
À savoir ! Les aliments riches en acides gras oméga-3 sont sont issus de végétaux terrestres (la noix, l’huile de colza, de soja, de lin, etc.) qui contiennent de l’ALA (acide alpha-linolénique) et d’animaux marins (les poissons gras comme le saumon, le thon, le maquereau, le hareng, la sardine et l’anchois, etc.) qui contiennent de l’EPA et du DHA.
Cette adoption d’un tel régime alimentaire, couplé à un sommeil réparateur et de l’exercice physique, pourrait restaurer les « mécanismes de guérison du corps ».
– Consumption of ultra-processed foods and risk of multimorbidity of cancer and cardiometabolic diseases: a multinational cohort study. www.thelancet.com. Consulté le 2 janvier 2025.