Cancer du sein et reprise du travail : une équation compliquée

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Rédigé par Deborah L. et publié le 14 janvier 2020

Si la prise en charge du cancer du sein s’est grandement améliorée ces dernières années, les séquelles engendrées par la maladie freinent considérablement le retour au travail des patientes cancéreuses. Une équipe de chercheurs français a étudié ce phénomène pour tenter d’identifier les facteurs pouvant influencer le retour à l’emploi après rémission. Tour d’horizon de leurs découvertes.

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1 femme sur 5 ne reprend pas le travail après un cancer du sein

Ces dernières années, la prise en charge du cancer du sein s’est grandement améliorée et de plus en plus de patientes sont traitées avec succès. C’est sans compter les séquelles de la maladie à la fois physiques et psychologiques qui freinent considérablement le retour au travail de ces patientes. C’est ainsi que plus d’une femme sur cinq atteinte d’un cancer du sein ne reprend pas le travail un an après la fin des traitements.

Dans ce contexte, une équipe de scientifiques français a souhaité comprendre les facteurs pouvant influencer le retour à l’emploi après un cancer du sein : « En se chronicisant, cette pathologie qui touche des femmes souvent encore en activité a rendu centrale la question du retour au travail qui est devenu un véritable enjeu sociétal, le non-retour au travail ayant un coût associé pour la collectivité aussi important que celui des traitements » précise Agnès Dumas, sociologue à l’Inserm, chercheuse et premier auteur d’une étude sur ce sujet.

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L’influence de différents facteurs sur le retour à l’emploi

Pour mener à bien ses recherches, l’équipe de scientifiques a exploité les données de la cohorte intitulée « CANTO» (pour CANcer TOxicities) incluant 1900 femmes âgées de moins de 57 ans. Les résultats de cette analyse ont été publiés dans le Journal of Clinical Oncology.

Les déterminants d’une reprise d’emploi après la maladie apparaissant multiples et complexes, les chercheurs ont donc pris en considération de nombreux paramètres pour comprendre les déterminants du non-retour à l’emploi.

Parmi ces paramètres, on peut citer :

  • le stade d’avancement de la maladie
  • l’état de santé général des femmes au moment du diagnostic de la maladie
  • la présence éventuelle d’autres pathologies comme les troubles musculo-squelettiques
  • les toxicités et effets secondaires des traitements
  • le type de fatigue ressentie (physique, émotionnelle ou cognitive)
  • l’anxiété
  • la dépression
  • les caractéristiques sociodémographiques et socioprofessionnelles

Les résultats ont mis en avant, que 21% des femmes ne reprenaient pas le travail ; parmi elles, 74 % étaient en arrêt maladie, 9 % à la recherche d’un emploi et 17 % se trouvaient dans une autre situation.

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Les principales causes de non reprise du travail après un cancer du sein

Après étude de l’ensemble de ces facteurs, l’équipe de chercheurs a ainsi pu identifier trois principales causes de non reprise du travail un an après l’arrêt des traitements du cancer du sein :

  1. La présence de symptômes dépressifs
  2. Le temps et le type de travail exercé. Les femmes exerçant un travail manuel présentent un risque de non-reprise très important ; et les patientes travaillant à temps partiel reprennent moins que celles travaillant à temps plein au moment du diagnostic.
  3. Le type de traitement suivi. Ainsi, les femmes ayant été traitées par chimiothérapie  associée à du trastuzumab avaient significativement moins repris une activité professionnelle un an après la fin des traitements.

« Toutes choses égales par ailleurs, par exemple le même type de chirurgie ou la prise en compte des symptômes dépressifs, le fait d’avoir du trastuzumab augmente clairement le risque de ne pas retourner au travail. Nous n’avons pas encore trouvé d’explication satisfaisante à son rôle : ce médicament n’ayant pas une toxicité considérée comme sévère (grade 3 ou 4), il ne devrait pas avoir un tel impact sur l’emploi. Est-ce sa toxicité à long terme, même si elle est faible, la cause ? Est-ce la formulation par voie intraveineuse et son administration à l’hôpital sur une longue durée qui joue ? Nous sommes en train d’affiner les paramètres pour mieux comprendre » conclut Ines Vaz-Luis, co-auteur de l’article.

Les résultats de cette étude mettent enfin en évidence le rôle des toxicités sévères liées aux traitements les plus lourds. Les séquelles pouvant être d’ordre cardiovasculaire, gynécologique, gastro-intestinal, rhumatologique, dermatologique, pulmonaire ou encore neurologique, elles constituent également un frein au retour à l’emploi.

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Déborah L., Docteur en Pharmacie

– Une femme sur cinq ne reprend pas le travail un an après la fin des traitements d’un cancer du sein dans la cohorte CANTO. Communiqué de presse de l’INSERM. Consulté le 5 janvier 2020.
– Cancer du sein : le difficile retour à l’emploi. Egora. Consulté le 5 janvier 2020.