Le rôle de l’horloge interne dans les crises d’épilepsie

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Rédigé par Deborah L. et publié le 12 novembre 2020

Et si les crises d’épilepsie étaient dictées par l’horloge interne de l’organisme ? C’est ce que suggère une étude selon laquelle la zone du cerveau impliquée dans la survenue des crises d’épilepsie subirait pendant la journée d’importantes fluctuations moléculaires.

un cerveau dessiné

Des crises d’épilepsie à des moments définis ?

Deuxième maladie neurologique après la maladie d’Alzheimer, l’épilepsie touche près de 600 000 patients en France. Elle résulte d’un dérèglement brutal et transitoire de l’activité électrique du cerveau et se manifeste par la répétition de crises soudaines, souvent très courtes et imprévisibles, prenant des formes très diverses selon les patients.

À savoir ! La crise d’épilepsie est liée à une activité anormalement élevée des cellules nerveuses, qui se matérialise par des décharges électriques responsables d’un « court-circuit » du système nerveux. L’épilepsie se manifeste par des convulsions, d’intensité plus ou moins importante, touchant soit une partie, soit la totalité du corps.

Si les crises d’épilepsie peuvent survenir à des heures très variables de la journée, elles se manifestent le plus souvent à des moments définis chez une même personne. Dès lors existerait-il un lien entre l’excitabilité des neurones à l’origine des crises d’épilepsie et l’horloge interne du patient ?

À savoir ! Logée au cœur du cerveau, l’horloge interne, également appelée horloge biologique, impose un cycle de 24 heures à l’organisme. Cette horloge se synchronise principalement au moyen de la lumière.

C’est ce qu’ont cherché à savoir des laboratoires français, américains, allemands et polonais associés au sein d’un projet de recherche international. Les scientifiques ont étudié l’expression des gènes au niveau de l’hippocampe, une zone du cerveau impliquée dans la survenue des crises d’épilepsie.

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Un fonctionnement neuronal différent chez les souris épileptiques

L’hippocampe est une zone du cerveau impliquée dans la survenue des crises d’épilepsie du lobe temporal mais également dans la mémorisation durable des faits et des événements.

À savoir ! Le lobe temporal désigne la région latérale inférieure du cerveau qui se trouve au niveau des tempes. L’épilepsie du lobe temporal constitue la forme d’épilepsie la plus courante chez l’adulte.

Et ce constat n’a pas manqué d’intéresser les chercheurs. Pour Christophe Bernard, l’un des responsables de ce projet scientifique : « Les mécanismes de mémorisation qui siègent dans l’hippocampe suivent un rythme circadien. Il était donc légitime de rechercher une rythmicité de l’architecture moléculaire locale associée à l’épilepsie ».

À savoir ! Le rythme circadien désigne un cycle de 24 heures pendant lequel un certain nombre de mécanismes biologiques et physiologiques se répètent au sein de l’organisme. C’est l’horloge interne qui impose le rythme circadien à l’organisme.

Pour mener à bien leurs recherches, les scientifiques ont analysé  l’expression locale de plus de 1 200 gènes (évalués par quantification de leurs ARN ou « transcrits ») sur une population de souris. Ils ont pu observer les résultats suivants :

  • Cette expression des gènes dépend d’un rythme circadien.
  • Le nombre de gènes concernés par la rythmicité circadienne augmente de 30% chez les souris épileptiques.
  • Chez les souris épileptiques, seulement 1/3 de ces gènes transcrits sont communs à ceux présents chez les souris saines.

La nature, le rythme et l’amplitude des variations de l’expression génique au cours de la journée semblent ainsi très spécifiques de l’épilepsie. En injectant un médicament épileptogène à deux groupes de souris (épileptiques et saines), les scientifiques ont d’ailleurs observé que le seuil de déclenchement de la crise était plus bas chez les souris épileptiques que chez les souris saines et que ce déclenchement survenait à des moments de la journée différents. « L’‘architecture moléculaire qui régit le fonctionnement des neurones de l’hippocampe présente des différences fondamentales entre animaux contrôles et animaux épileptiques » précise Christophe Bernard.

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Vers une administration du traitement au bon moment

Après avoir mis à jour les variations moléculaires possibles au niveau de l’hippocampe, les scientifiques souhaitent aujourd’hui approfondir leurs recherches. Prochaine étape ? Identifier les gènes et les protéines clés dont l’oscillation est associée aux moments de vulnérabilité du sujet vis-à-vis des crises d’épilepsie. L’objectif étant de transposer par la suite ces recherches chez l’Homme : « Dans l’épilepsie, on ne dispose pour l’heure que de traitements dont les mécanismes d’action sont peu spécifiques des causes de la crise, et dont les effets durent assez longtemps. En identifiant les gènes et protéines clés exprimés dans les moments favorables au déclenchement de la crise, on peut imaginer le développement de nouveaux traitements les ciblant, qui seraient administrés au patient selon l’heure à laquelle il est le plus vulnérable. »

L’enjeu est de taille car les perspectives de cette étude dépassent le simple cadre de l’épilepsie. Pour les chercheurs, d’autres pathologies cérébrales, comme la maladie d’Alzheimer ou la sclérose en plaques pourraient être liées à des oscillations spécifiques de l’expression de gènes. De ce fait, tenir compte de la rythmicité circadienne et donc de l’horloge interne des patients dans l’étude de ces maladies aiderait certainement à mieux les traiter.

Pour l’heure, ces découvertes pourraient d’ores et déjà ouvrir la voie à des progrès thérapeutiques non négligeables. Pas moins de 62 médicaments antiépileptiques ou anticonvulsifs disponibles sur le marché sont connus pour agir sur des cibles moléculaires dépendant d’un rythme circadien. Identifier le moment clé de la journée pour administrer le traitement au bon moment pourrait donc contribuer à réduire leurs effets secondaires voire potentialiser leur efficacité.

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Déborah L., Docteur en Pharmacie

Sources

– Les crises d’épilepsie dépendraient de l’horloge biologique. INSERM. Consulté le 10 novembre 2020.
– Comprendre l’épilepsie. Fondation française pour la recherche sur l’épilepsie. Consulté le 10 novembre 2020.

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