Troubles psychiatriques et déficit immunitaire peuvent-ils être liés et expliquer certaines conduites suicidaires ? Alors que plusieurs études scientifiques suggéraient déjà un tel lien, des chercheurs suédois ont tenté d’apporter de nouvelles preuves d’une association entre dysfonctionnements immunitaires et pathologies psychiatriques.
Déficits immunitaires primitifs, troubles psychiatriques et conduites suicidaires
Selon les estimations, environ 7 000 patients français présenteraient un déficit immunitaire primitif. Les déficits immunitaires primitifs regroupent plus de 350 pathologies rares, associées à un dysfonctionnement du système immunitaire, se manifestant par une atteinte de la production d’anticorps :
- Dès la naissance ;
- Au cours de l’enfance ;
- Plus tard à l’âge adulte.
En 2020, des chercheurs suédois ont mené une étude pour évaluer le lien éventuel entre les déficits immunitaires primitifs, les maladies auto-immunes, les troubles psychiatriques et les conduites suicidaires. Dans cette étude, ont été analysées les données de plus de 14 millions de personnes entre 1973 et 2013, en comparant les sujets atteints de déficits immunitaires primitifs avec leurs fratries.
Un risque presque doublé de troubles psychiatriques
Au total, 8 378 cas de patients atteints de déficits immunitaires primitifs ont été étudiés, parmi lesquels 2 309 présentaient également une pathologie auto-immune. La proportion de patients présentant des troubles psychiatriques était deux fois supérieure chez les sujets atteints de déficits immunitaires primitifs, par rapport à ceux exempts de telles maladies (20,5 % contre 10,7 %).
Après ajustement sur l’existence d’une maladie auto-immune, la présence d’un déficit immunitaire primitif était associée à un risque presque doublé de développer un trouble psychiatrique. L’augmentation du risque était variable selon la nature du trouble psychiatrique, par exemple :
- +34 % pour la schizophrénie et les autres troubles psychotiques ;
- +199 % pour les troubles du spectre de l’autisme.
Par ailleurs, les résultats indiquaient que les déficits immunitaires primitifs étaient associés à une augmentation globale des conduites suicidaires (+84 %).
Une augmentation nette de toutes les conduites suicidaires
L’augmentation du risque était identique pour les décès par suicide et les tentatives de suicide. Le risque de troubles psychiatriques et de conduites suicidaires était d’autant plus marqué chez :
- Les sujets atteints à la fois de déficits immunitaires primitifs et de maladie auto-immune ;
- Les femmes (uniquement pour les troubles psychiatriques).
Ces données suggèrent que les déficits immunitaires primitifs, un ensemble de maladies rares, sont associés à une augmentation du risque de troubles psychiatriques et de conduites suicidaires, en particulier chez les femmes. Les maladies auto-immunes joueraient également un rôle additionnel dans cette association.
Estelle B., Docteur en Pharmacie