Dépendance au cannabis: découverte d’un gène de sensibilité

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Rédigé par Julie P. et publié le 3 juillet 2019

Un consommateur sur 10 de cannabis deviendra dépendant. Récemment, au Danemark, des chercheurs ont découvert un gène associé à un surrisque de développer une addiction à cette drogue douce. Lumière sur les travaux.

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Identification du gène défaillant

Le cannabis, dont l’espèce la plus répandue est le Cannabis sativa, contient du THC (tétrahydrocannabinol) qui possèdent des propriétés psychoactives.

On le retrouve sous trois formes : l’herbe, la résine et l’huile.

C’est la drogue illicite la plus consommée dans le monde : en 2013, selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), 181,8 millions de personnes en consommaient dans un cadre non médical.

Selon les statistiques, 9% des fumeurs deviendront dépendants.

À savoir ! La prise de cannabis entraîne une euphorie modérée, un sentiment de bien être, une somnolence et une baisse de l’attention et de la mémoire à court terme. Il diminue les capacités d’apprentissage et de mémorisation et une consommation intense peut entraîner la survenue de symptômes psychiatriques graves (hallucinations, troubles anxieux intenses, bouffées délirantes). La dépendance s’installe lorsque la consommation est régulière sur une longue période. Les symptômes de sevrage sont d’ordre psychique : une envie irrésistible, une colère, agressivité, nervosité et anxiété, une humeur dépressive, une perte de poids et des troubles du sommeil. Mais aussi physiques : douleurs abdominales, tremblements, maux de tête, transpiration, fièvre ou frissons.

Pour mener à bien cette étude intégrée dans le projet psychiatrique danois, iPSYCH, les chercheurs ont réuni 2000 personnes dépendantes au cannabis et 50 000 sujets témoins.

Dans un deuxième temps, les chercheurs ont comparé leurs données avec les analyses génétiques de 5 500 autres consommateurs de cannabis et plus de 300 000 sujets témoins.

Leur étude montre qu’une version d’un gène, le gène CHRNA2, est associée à un risque augmenté d’abuser du cannabis et  de devenir dépendant.

Le rôle de ce gène CHRNA2 (sous unité cholinergic receptor nicotinic α2) ? Il est responsable de la synthèse d’une partie du récepteur de la nicotine située dans le cerveau.

À savoir ! Le récepteur à la nicotine est sensible à l’action de l’acétylcholine (médiateur chimique). Son activation provoque des effets analogues à ceux de la nicotine : accélération du rythme cardiaque et de la respiration, élévation de la pression artérielle et augmentation du transit intestinal.

Les personnes possédant la version du gène propice à développer une addiction au cannabis ont une diminution de l’expression du gène CHRNA2 provoquant alors une plus faible synthèse de récepteurs nicotiniques au niveau du cerveau.

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D’autres gènes prédisposeraient à la dépendance

En analysant les données génétiques relatives à la cognition (mémoire, langage, intelligence, apprentissage, raisonnement, prise de décision, attention, etc.), les chercheurs se sont aperçus que les individus ayant un nombre plus élevé de versions de gènes associées à une déficience cognitive ont également plus de risques de développer une dépendance au cannabis.

Aussi, les personnes avec un niveau scolaire très faible ont plus de chance de développer une addiction au cannabis.

« Les consommateurs de cannabis ont souvent des problèmes avec le système éducatif, et nos résultats montrent que cela peut en partie s’expliquer par la génétique. C’est-à-dire que les personnes ayant un problème d’abus ont plus de variations génétiques dans le génome, ce qui augmente le risque d’abus de cannabis, tout en affectant négativement leur capacité à s’instruire » explique Ditte Demontis, auteur de l’étude et chercheur à l’université d’Aarhus.

Pour les spécialistes de la recherche en addictologie, ces travaux ne constituent qu’une première étape.

Il faudra désormais identifier toutes les variantes génétiques de susceptibilité à l’addiction au cannabis en se basant sur des bases de données plus grandes.

Les mécanismes physiologiques impactés par ces variantes génétiques devront également être décryptés.

Pour les chercheurs, ces connaissances permettront d’améliorer la prise en charge des personnes dépendantes et de prévenir les risques d’abus chez les personnes ayant un profil génétique les rendant plus exposés à la dépendance.

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Julie P., Journaliste scientifique

– Gene Increases Risk for Pot Addiction. Scientific American. Consulté le 2 juillet 2019.
– The health and social effects of nonmedical cannabis use. WHO. Consulté le 2 juillet 2019.
– Le cannabis crée-t-il une dépendance? CPHA. Consulté le 2 juillet 2019.