Plusieurs études le prouvent : 20 % des consommateurs de cocaïne perdent le contrôle et se retrouvent dans une addiction totale. Mais, pourquoi certains consommateurs sombrent dans une dépendance incontrôlable alors que d’autres réussissent à ne pas tomber dans ce piège ? Récemment, des chercheurs canadiens de l’université McGill ont montré qu’une zone du cerveau impliquée dans la dépendance est activée chez les consommateurs de cocaïne avant que l’addiction ne s’installe.
Cocaïne et circuit de la récompense
Une consommation occasionnelle conditionne déjà le cerveau à la dépendance
Depuis des années, les chercheurs savent que la consommation de cocaïne libère de la dopamine, c’est-à-dire une molécule assurant la communication entre les neurones, dans le circuit cérébral de la récompense.
La dopamine, également appelée « la molécule du plaisir », est présente dans les processus addictifs, un neuromédiateur du plaisir et de la récompense, que le cerveau libère lors d’une expérience qu’il estime « bénéfique ».
A savoir ! Le circuit de la récompense dans le cerveau est un système fonctionnel indispensable à la survie car il fournit la motivation nécessaire pour réaliser des actions et avoir un comportement adapté pour la survie de l’individu. Il est constitué d’une composante affective (plaisir/déplaisir), motivationnelle (recevoir une récompense) et cognitive (apprentissage par conditionnements). Son dysfonctionnement serait à l’origine de troubles du comportement ou de la dépendance à des substances (psychotropes, jeux vidéos etc…).
Chez les personnes présentant un problème de consommation de la molécule psychotrope, toutes les stimulations associées à la prise de cocaïne exercent le même effet sur leur cerveau. Même une simple stimulation visuelle, comme par exemple, la vue d’une personne en train de consommer, suffit pour déclencher dans leur cerveau une production de dopamine et l’état de manque associé.
Au fil de la progression de la dépendance, la libération de dopamine provoquée par une stimulation dépend plus spécifiquement du striatum ventral, une structure cérébrale sous corticale qui est associée au système motivationnel en activant les efforts mentaux et physiques.
Ce phénomène est-il retrouvé chez les usagers occasionnels de la cocaïne ?
Pour répondre à cette question, les chercheurs de l’université McGill de Montréal ont étudié la libération de dopamine dans le cerveau d’usagers récréatifs de la cocaïne.
Dans le cadre de cette étude, une consommation récréative est une fréquence de consommation de cocaïne oscillant entre 13 et 45 fois au cours des 12 derniers mois, soit une consommation de 1 à 4 fois par mois.
Pour étudier le cerveau de ces 12 volontaires, les neurobiologistes ont utilisé la technique d’imagerie fonctionnelle appelée tomographie à émission de positons et pratiquée par les spécialistes en médecine nucléaire.
A savoir ! La tomographie à émissions de positon ou TEP permet de mesurer en 3D l’activité métabolique d’un organe grâce aux émissions de positons (antiparticule de l’électron porteuse d’une charge positive) issus d’un produit radioactif (contenant des noyaux atomiques instables émettant un rayonnement) ingéré au préalable. La TEP est un outil utilisé en recherche biomédicale mais qui sert aussi à déceler des pathologies présentant une altération de la physiologie comme notamment, les cancers mais aussi les démences.
De l’usage récréatif à l’usage addictif…
Quand un des volontaires regarde une vidéo sur laquelle l’un de ses amis consomme de la cocaïne, ami avec qui il a déjà consommé de la drogue dans le passé, on observe une libération accrue de dopamine dans la partie dorsale de son striatum. En regardant une vidéo dite de contrôle, c’est-à-dire neutre, sa libération de dopamine est 2 fois moindre qu’en regardant une vidéo sur laquelle son ami consomme de la drogue.
En favorisant la libération de cette molécule du plaisir, le volontaire passe dans un état de manque soudain. Par conséquent, le volontaire aura tendance à adopter non plus une consommation récréative de la cocaïne mais un usage addictif.
Ces résultats prouvent donc que les personnes estimant faire un usage occasionnel et maîtrisé de la cocaïne pourraient, finalement, être plus près de la dépendance qu’elles ne le croient.
Pour le Professeur Marco Leyton qui a supervisé cette étude : « Cette zone du cerveau joue un rôle important dans la perte de la maîtrise de soi, ce moment où l’usager, cherchant la sensation de récompense, n’est plus maître de ses comportements ».
Même si d’autres études sont encore nécessaires pour prouver ce conditionnement précoce du cerveau à la dépendance chez les usagers récréatifs de la cocaïne, ces résultats prouvent, une fois de plus, qu’il est nécessaire de mener des campagnes de prévention sur les risques liés à la consommation récréative de ce psychotrope.
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La dépendance à la cocaïne : un enjeu actuel de santé publique
L’ANSM (Agence Nationale de Sureté du Médicament) a alerté récemment sur l’augmentation et la sévérité des cas d’intoxications liées à la prise de cocaïne.
A savoir ! Dans ses recommandations, la Haute Autorité de Santé (HAS) indique que « le traitement de l’intoxication aiguë par la cocaïne consiste principalement à agir sur les symptômes engendrés par la consommation, tels que l’hyperexcitation physique et psychique, l’anxiété ou les hallucinations. Il n’existe, à ce jour, aucun antidote spécifique du surdosage (overdose) en cocaïne ».
Depuis 2015, chaque année, le nombre de cas a été multiplié par deux en France. En attendant les résultats de l’enquête nationale d’addictovigilance de l’ANSM, plusieurs hypothèses circulent quant à la recrudescence de ce phénomène d’intoxications. L’agence avance notamment que la cocaïne est de moins en moins pure et qu’elle est davantage disponible pour ceux qui la consomment. En 2014, l’Observatoire Français des drogues et des toxicomanies, l’OFDT, recensait 450 000 consommateurs réguliers et 2,2 millions de personnes ayant déjà expérimenté la cocaïne, soit 3 fois plus qu’en 2000.
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Julie P., Journaliste Scientifique
– Le nombre d’intoxications à la cocaïne multiplié par deux en un an. France Info. Le 11 août 2018.