Dépister le cancer grâce à une simple prise de sang

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Rédigé par Estelle B. et publié le 29 janvier 2017

Test sanguin cancer

Pouvoir dépister le cancer avant même qu’il ne soit détectable par des techniques d’imagerie. Telle est la promesse d’un test sanguin révolutionnaire, ISET (Isolation by SizE of Tumor cells). Après des résultats prometteurs dans le dépistage du cancer du poumon, il vient d’être commercialisé à petite échelle.

Un test de dépistage révolutionnaire

À partir d’une tumeur primitive, des cellules cancéreuses circulantes (dites sentinelles) peuvent se propager à d’autres organes par le sang et constituer des métastases, qui sont particulièrement difficiles à traiter. L’existence de ces cellules cancéreuses circulantes dans le sang, et ce, dès les premières étapes de la formation de la tumeur, a permis le développement d’un nouveau test de dépistage du cancer. Il consiste à détecter précocement la présence de ces cellules dans la circulation sanguine, des mois voire des années avant l’apparition des tumeurs et des métastases.

Lorsque le test révèle la présence de telles cellules, il est possible de mettre en place le traitement le plus approprié, et ainsi de prévenir la formation des métastases. Des années de recherche ont été nécessaires pour développer ce test innovant. A partir d’un simple échantillon de sang (d’environ 10 ml, ce qui équivaut à une prise de sang standard), les cellules cancéreuses circulantes sont isolées et comptées grâce à un appareil, capable de détecter une seule cellule cancéreuse parmi des milliers de cellules sanguines (globules rouges, globules blancs, plaquettes).

Le test ISET est applicable à tous les types de tumeurs solides, toutes susceptibles de générer des cellules cancéreuses circulantes. Cependant, il n’est actuellement pas en mesure de déterminer dans quel organe se trouve la tumeur primitive, ni dans quel délai la tumeur et les métastases apparaîtront.

À savoir ! Le test ISET ne s’applique pas aux tumeurs non-solides, telles que les leucémies ou les lymphomes. Dans les tumeurs solides, les cellules cancéreuses forment des amas cellulaires localisés dans un organe ou un tissu, tandis que dans les tumeurs non-solides, les cellules cancéreuses circulent dans le sang (leucémies) ou la lymphe (lymphomes).

Chez les personnes non diagnostiquées pour un cancer, la détection des cellules sentinelles permet uniquement de mettre en place une surveillance étroite et régulière par des examens classiques (imagerie, analyses sanguines, endoscopie, …). En revanche, chez les personnes déjà diagnostiquées pour un cancer, la positivité du test indique le caractère agressif de la tumeur et la formation probable de métastases. Le traitement peut être adapté en conséquence et pourrait ainsi améliorer considérablement le pronostic du patient.

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Des résultats prometteurs, mais un débat éthique

En 2008, le test ISET a été appliqué pour la détection précoce du cancer bronchopulmonaire chez des personnes à risque de développer un tel cancer (245 gros fumeurs, dont 168 étaient atteints d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)). L’étude a montré que 100% des patients (soit 5 patients seulement) ayant eu un test positif ont développé un cancer du poumon entre 1 et 4 ans après. A l’inverse, plus de 100 patients ont eu un test négatif, ce qui ne signifie aucunement qu’ils ne développeront jamais de cancer pulmonaire. Des études à plus large échelle sont nécessaires pour confirmer ces résultats.

À savoir ! La BPCO est une maladie inflammatoire chronique des bronches, qui se caractérise par une diminution progressive du souffle et de la capacité respiratoire. Sans traitement, elle évolue inexorablement vers une insuffisance respiratoire chronique. Le plus souvent, cette maladie est liée au tabagisme.

Malgré ses promesses, ce test soulève des questions éthiques complexes. Pour les personnes présentant un risque élevé de développer un cancer, la positivité du test n’entraîne qu’un renforcement de la surveillance, même si elle peut être source de stress et d’angoisse. Au contraire, si le test est négatif, ces personnes peuvent tout de même développer un cancer à l’avenir et ne doivent surtout pas renoncer au suivi médical.

Toutefois, les questions éthiques autour du test ISET se concentrent surtout pour les personnes ne présentant pas un risque élevé de développer tel ou tel cancer. Dans ce contexte, un test positif revient à indiquer à une personne en bonne santé, qu’elle peut développer un cancer dans les années qui viennent, sans être capable de lui indiquer quel organe sera touché et quand le cancer va se manifester. Il faudrait alors mettre en place une surveillance rapprochée de l’ensemble des organes sur plusieurs années. A l’inverse, la négativité du test, qui peut paraître rassurante, n’empêchera pas une personne de développer un cancer plusieurs années après.

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Un espoir pour le dépistage de demain

Face à de telles questions, le Comité Consultatif National d’Ethique (organisme chargé de donner un avis sur toutes les questions éthiques en France) a recommandé dès 2007 un encadrement très étroit de la commercialisation de ce test par la Haute Autorité de Santé (HAS). De même, les utilisateurs du test doivent être bien informés de ses limites actuelles (l’impossibilité de déterminer l’organe concerné par le cancer ou le délai d’apparition de la tumeur, une négativité qui ne signifie pas une absence de cancer à l’avenir).

Le test ISET se base sur une technologie révolutionnaire pour mettre en évidence des cellules cancéreuses dans le sang. Actuellement commercialisé à très petite échelle, des recherches sont en cours pour pouvoir déterminer précisément l’organe concerné par la tumeur. Compte-tenu des questions éthiques qu’il soulève, son usage doit rester strictement contrôlé. Mais un tel test pourrait dans les années à venir permettre un dépistage très précoce de toutes les tumeurs solides, avant même qu’elles ne soient visibles par les techniques d’imagerie.

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Estelle B., Docteur en Pharmacie


Sources :
Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé. Avis n° 99 « à propos d’un test (ISET-Oncologie) visant à détecter dans le sang des cellules tumorales circulantes ». 13 septembre 2007.
Réseau des CHU. 1re mondiale : le cancer du poumon diagnostiqué des années avant sa détection par imagerie. 2 novembre 2014.
INSERM. L’INSERM annonce un nouvel outil de repérage précoce des cancers. Bulletin de l’Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante n°47 (janvier 2015).
RareCells SAS. Cytopathologie sanguine ISET® : livret d’information pour les patients.

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