Hommes/Femmes : des différences allant jusqu’aux médicaments ?

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Rédigé par Deborah L. et publié le 13 septembre 2020

Et si les différences entre hommes et femmes s’exprimaient aussi à l’échelle des molécules de médicaments ? C’est ce que suggère une étude américaine selon laquelle le devenir des médicaments dans l’organisme, différent selon le sexe, peut prédire la survenue d’effets secondaires chez les femmes.

Petits cubes en bois qui montrent l'inégalité des sexes

Le genre féminin peu représenté dans les essais cliniques

Le genre féminin a toujours été peu représenté dans les essais cliniques à cause des fluctuations hormonales liées au cycle menstruel et du risque d’exposition du fœtus pour les éventuelles grossesses futures. Les scientifiques ont alors toujours supposé que ce qui était valable pour les hommes l’était également pour les femmes. La plupart des médicaments prescrits aujourd’hui le sont d’ailleurs aux mêmes doses pour les hommes et les femmes.

Les choses ne sont pourtant pas aussi évidentes qu’elles en ont l’air. En effet, comment comprendre que lorsqu’elles prennent un médicament, les femmes souffrent deux fois plus souvent d’effets secondaires que les hommes ?

Deux chercheurs américains, Irving Zucker (de l’Université de Californie, Berkeley) et Brian Prendergast (de l’Université de Chicago) ont tenté de percer le mystère. Pour cela, ils se sont penchés sur la littérature scientifique pour tenter d’identifier le rôle essentiel de la pharmacocinétique des molécules (différente chez les hommes et les femmes) dans la survenue des effets secondaires observés.

À savoir ! On appelle « pharmacocinétique » l’étude du devenir dans l’organisme d’une substance active contenue dans un médicament

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A chaque sexe sa pharmacocinétique

Leurs recherches, publiées dans Biology of Sex Differences, ont pour but de mettre en lumière des biais de genre dans la prise en charge médicale des patients. Après avoir analysé plus de 5000 articles scientifiques, les deux chercheurs ont identifié un biais de genre  pour 86 médicaments :

  • Sur ces 86 médicaments, 76 présentent des valeurs pharmacocinétiques plus élevées chez les femmes. Cela signifie que la concentration de ces médicaments dans le sang est plus importante chez les femmes que chez les hommes et leur élimination prend donc plus de temps. Ces différences de pharmacocinétique sont fortement associées aux effets indésirables observés.
  • Dans 90 % des cas, les effets secondaires sont plus graves chez les femmes : nausées, maux de tête, symptômes de dépression, anomalies cardiaques, déficits cognitifs, convulsions voire hallucinations.
  • Ces effets indésirables sont aussi deux fois plus fréquents chez les femmes que chez les hommes.

Par ailleurs, les travaux de ces deux scientifiques montrent que la pharmacocinétique des médicaments, qui diffère selon le sexe, prédit la survenue d’effets secondaires chez les femmes. C’est le cas pour 52 médicaments sur 59 présentant des effets indésirables observables cliniquement et liés au sexe.

Les chercheurs mettent enfin en avant un résultat intéressant : les valeurs de pharmacocinétique liées au sexe féminin permettent de prédire les effets secondaires spécifiques au sexe pour 96 % des femmes. En revanche, chez les hommes, les valeurs de pharmacocinétique spécifiques au sexe masculin sont moins prédictives des effets secondaires spécifiques aux hommes.

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Quelques recommandations à destination des fabricants de médicaments

Forts de ces observations, les chercheurs ont pu dresser une liste de médicaments pour lesquels les valeurs pharmacocinétiques sont liées aux effets secondaires chez les femmes.  Selon eux, les dosages seraient effectivement trop élevés pour certaines molécules médicamenteuses. Parmi ces médicaments figurent des analgésiques, des antidépresseurs, des somnifères, des neuroleptiques et des médicaments anti-convulsion.

Pour pallier ce problème, les chercheurs émettent diverses recommandations parmi lesquelles :

  • Avoir en tête cette problématique dès les premières étapes du développement d’une nouvelle molécule thérapeutique.
  • Documenter clairement ces effets au moment de la constitution des dossiers réglementaires.
  • Avertir le grand public de l’existence d’effets secondaires liés au genre.

Ces différentes recommandations pourraient constituer une piste de réflexion pour l’élaboration d’une nouvelle communication à destination du grand public.

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Déborah L., Docteur en Pharmacie

– Hommes/femmes : doit-on adapter les doses des médicaments ? Medscape. Consulté le 10 septembre 2020.

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