Sur 100 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, 60 sont des femmes et 40, des hommes. Lors de la dernière conférence internationale de l’Association Alzheimer, des chercheurs ont exposé différentes hypothèses pouvant expliquer cette différence de sensibilité à la maladie. Résumé des exposés.
L’espérance de vie ne peut pas tout expliquer
Sur les 50 millions de personnes dans le monde qui vivent avec une démence et la maladie d’Alzheimer, la plupart sont des femmes. Aux États-Unis, les deux tiers des 5,7 millions d’Américains souffrant de la maladie sont des femmes. C’est d’ailleurs la sixième cause de mortalité outre-Atlantique.
Pendant de nombreuses années, les experts ont pensé, étant donné que l’âge est le facteur de risque le plus important dans la maladie, que les femmes étaient plus à risque parce qu’elles avaient une espérance de vie plus longue.
Ce n’est finalement que depuis quelques années que la physiologie de la femme est étudiée de près pour comprendre son implication dans la survenue de la maladie d’Alzheimer.
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L’influence de la fertilité, de la reproduction et des hormones
Lors de cette conférence de l’AAIC (Alzheimer’s Association International Conference) qui s’est déroulée du 22 au 26 juillet à Chicago, des chercheurs ont exposé les conclusions de l’étude américaine « Kaiser Permanente ». Dans ces travaux, il était question de suivre médicalement 15 000 femmes entre 1964 et 1973, alors âgées de 40 à 55 ans, puis de nouveau entre 1996 à 2017.
Le diagnostic de démence et la présence de maladies chroniques comme l’insuffisance cardiaque et le diabète ont été également consignés dans leurs dossiers entre 2016 et 2017.
Que nous apprennent toutes ces données ?
- Les grossesses répétées protègent contre la démence (les femmes avec trois enfants ou plus avaient un risque de développer des problèmes cognitifs diminué de 12% comparativement à une femme n’ayant qu’un seul enfant) ;
- Les femmes fertiles pendant 21 à 30 ans présentaient un risque de démence 33% plus élevé que les femmes fertiles pendant plus de 38 ans ;
- Avoir son premier cycle menstruel à 13 ans, au lieu de 16 ans, permet de diminuer le risque d’avoir des problèmes cognitifs à un âge avancé;
Cependant, les chercheurs soulignent que ces conclusions ne doivent pas être généralisées et que la génétique doit être prise en compte. En effet, une récente étude sur des femmes sud-coréennes et grecques a montré, au contraire, que donner naissance à 5 enfants ou plus entrainait un risque accru de 70% de développer, plus tard, la maladie d’Alzheimer.
« Nous sommes intrigués par la possibilité que la grossesse puisse réorganiser le corps de la mère d’une manière qui pourrait la protéger contre le développement de la maladie d’Alzheimer plus tard dans la vie « a précisé Molly Fox, une chercheuse de l’université de Californie basée à Los Angeles.
D’autres études sont encore nécessaires pour mieux comprendre l’impact des grossesses sur le risque de développer une démence à un âge avancé.
Pendant des années, les spécialistes ont cru qu’un traitement hormonal substitutif à la ménopause était bénéfique pour le cerveau. Aujourd’hui, les différents travaux menés dans la communauté scientifique internationale ne trouvent pas de consensus sur ce bénéfice et il apparait nécessaire de réaliser une approche cas par cas en fonction de l’état de santé de la patiente.
« Nous avons besoin d’une approche de médecine personnalisée à l’hormonothérapie ménopausique. En effet, nous traversons une période très excitante en terme de compréhension de la complexité des œstrogènes, de la ménopause et de l’hormonothérapie ménopausique et de la façon dont toutes ces choses se combinent « a souligné le Dr Carey Gleason de la faculté de médecine de l’université du Wisconsin.
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Des tests de diagnostic qui masque la maladie d’Alzheimer chez la femme ?
Une autre étude présentée à la conférence portait sur le besoin de tests de dépistage plus précis pour la maladie d’Alzheimer et plus adapté aux femmes. Ces tests basés sur la mémoire verbale ne considéraient pas assez « l’avantage inné » des femmes par rapport aux hommes dans cette compétence cognitive.
À savoir ! La mémoire verbale permet de stocker des sons, des mots et des histoires. Assister à une conférence et se souvenir avec précision de ce qui a été dit est la preuve d’une bonne mémoire verbale. Grâce à l’imagerie médicale, des chercheurs ont montré que les femmes avaient un avantage à conserver la mémoire pour les mots et les objets verbaux pendant le vieillissement normal, mais aussi pendant une légère déficience cognitive amnésique.
En effet, les tests cognitifs utilisés pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer sont basés, majoritairement, sur le rappel de listes de mots, d’histoires et d’autres documents verbaux.
Cela signifie que les femmes qui ont un léger déclin cognitif peuvent obtenir des résultats normaux alors qu’elles commencent à présenter les premiers signes de la maladie.
Pour les hommes, au contraire, on peut obtenir un faux positif sur le test de mémoire.
Ce « biais » a été montré par des études : les femmes obtenaient de meilleurs résultats aux tests alors qu’elles étaient au même stade de la maladie qu’un homme.
A l’avenir, ces travaux vont permettre d’améliorer la prise en charge (du diagnostic aux thérapies) des femmes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
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Julie P., Journaliste scientifique
– Women bear Alzheimer’s burden; researchers are trying to discover why. CNN. S. LaMotte. Consulté le 30 juillet 2018.
– Pregnancy and Reproductive History May Impact Dementia Risk Plus, the Move to Re-Think the Impact of Hormone Therapy on Cognition. Alzheimer’s Association. Consulté le 30 juillet 2018.