De nombreuses études ont examiné l’influence de l’excès de poids sur la survenue des cancers. Le surpoids et l’obésité ont ainsi été reconnus comme des facteurs de risque de développer certains types de cancers comme le cancer du sein chez la femme ménopausée. Et si un IMC (Indice de Masse Corporelle) élevé était associé à un risque moindre de développer un cancer du sein chez les femmes avant la ménopause ?
Lien entre surcharge pondérale et cancer du sein
Le lien entre surcharge pondérale et cancer intrigue les chercheurs depuis plusieurs années. De nombreuses études ont examiné l’influence de l’excès de poids sur la survenue d’un cancer. Les personnes en surpoids et/ou obèses, voient ainsi une augmentation des taux de plusieurs hormones impliquées dans la prolifération de cellules cancéreuses. Outre le fait d’augmenter le risque de mortalité, le surpoids et l’obésité ont ainsi été reconnus comme des facteurs de risque de développer certains types de cancers comme le cancer du sein chez la femme ménopausée.
Le cancer du sein est d’ailleurs le cancer le plus fréquent et le plus meurtrier chez la femme. 58 968 nouveaux cas de cancer du sein ont été dénombrés en France pour l’année 2017, avec un âge moyen de 73 ans au moment du décès. Aux Etats-Unis, c’est à 62 ans en moyenne que le cancer du sein est diagnostiqué. L’obésité aggrave le risque de cancer du sein chez la femme ménopausée, précipitant ainsi la survenue du cancer qui se déclare en moyenne vers l’âge de 51 ans.
Dans ce contexte, une étude américaine à grande échelle s’est intéressée au lien entre surpoids et risque de développer un cancer du sein dans une population de femmes jeunes et non encore ménopausées.
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IMC élevé : risque moindre de cancer du sein chez les jeunes ?
Le cancer du sein étant moins fréquent chez les femmes jeunes, cette nouvelle étude a eu pour objectif d’analyser le lien entre surpoids et risque de développer un cancer du sein dans une population de femmes non encore ménopausées.
Pour mener à bien leurs recherches, les auteurs de l’étude ont recueilli les données provenant de 19 études différentes afin d’enquêter sur les risques de cancer du sein sur une cohorte de 758 592 femmes âgées de moins de 55 ans. Les scientifiques ont ainsi analysé l’impact du surpoids et de l’âge sur le risque de développer un cancer du sein :
« Les études incluent souvent un nombre restreint de cas de cancers du sein pré-ménopause puisque le cancer du sein est moins fréquent chez les jeunes femmes. », déclare l’un des scientifiques de l’équipe.
Les chercheurs ont ainsi fait une découverte étonnante. Ils ont observé que plus l’IMC augmente, plus le risque de cancer du sein diminue même chez les femmes n’étant pas en surpoids (et ayant donc un « poids santé »)
« Nous avons observé une tendance où, à mesure que l’IMC augmentait, le risque de cancer diminuait. Il n’y avait pas de seuil à partir duquel avoir un IMC plus élevé était relié à un risque de cancer moindre. »
À savoir ! On désigne par IMC l’indicateur permettant d’estimer la corpulence d’une personne. Il correspond au rapport du poids (kg) sur la taille (en m) au carré. L’interprétation de l’IMC est applicable chez l’adulte de 18 à 65 ans. Elle n’est pas valable chez l’enfant, la femme enceinte ou certaines personnes très musclées.
À savoir ! On désigne par « poids santé » un poids « normal » qui correspond à un IMC compris entre 18,5 et 24,9.
Les réductions du risque les plus importantes ont été observées pour des IMC de jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans, avec 23% de risque en moins de développer un cancer du sein pour chaque augmentation de 5 unités d’IMC durant cette période de temps.
Age | Diminution du risque de cancer du sein |
---|---|
18-24 ans | 23% |
25-34 ans | 15% |
35-44 ans | 13% |
45-54 ans | 12% |
L’un des auteurs de l’étude met néanmoins les lecteurs en garde : « Cette étude ne doit pas être un prétexte pour prendre du poids dans l’objectif de prévenir le risque cancer du sein. Les femmes ayant un poids plus élevé auraient certes un risque moindre de développer un cancer du sein avant la ménopause, mais il y a bien d’autres bénéfices à surveiller son poids et maintenir un poids de santé. Cette étude est surtout destinée à aider les scientifiques à mieux comprendre les facteurs de risque du cancer du sein chez la femme jeune. »
Les résultats, publiés dans le journal JAMA Oncology, ont ainsi montré la nécessité de mieux comprendre les facteurs de risque du cancer du sein chez les jeunes femmes avant la ménopause.
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Mieux comprendre les facteurs de risque du cancer du sein
L’équipe de chercheurs a également observé que les réductions du risque de cancer du sein reliées à un IMC plus élevé concernaient les cancers hormonaux-dépendants. En revanche, ils n’ont pas pu établir de relation suffisamment forte entre l’IMC et le cancer du sein triple négatif.
À savoir ! On distingue plusieurs types de cancers du sein. Les plus fréquents sont les cancers du sein hormono-dépendants (avec récepteurs positifs aux œstrogènes et à la progestérone) et les cancers « HER+ » pour lesquels il existe des thérapies ciblées très efficaces. Mais 15% des cancers sont des cancers dits « triple négatif », c’est-à-dire sans aucun marqueur connu à la surface des cellules cancéreuses, susceptible de répondre à une thérapie ciblée connue.
Forts de ces observations, les auteurs de l’étude concluent que les résultats de cette étude soutiennent l’hypothèse selon laquelle de multiples facteurs pourraient contribuer au lien entre IMC et risque moindre du cancer du sein chez les femmes jeunes, comme les facteurs de croissance, la densité mammaire ou des différences hormonales en œstrogènes.
Les œstrogènes pourraient ainsi constituer un véhicule du cancer du sein, mais il faut savoir qu’il existe différents niveaux et sources d’œstrogènes avant et après la ménopause.
Avant la ménopause, les ovaires représentent la première source d’œstrogènes. Les tissus graisseux produisent en moindre quantité des œstrogènes qui peuvent aider à revoir à la baisse le taux d’œstrogènes produits par les ovaires.
Après la ménopause, les ovaires ne sont plus la principale source d’œstrogènes. Ce sont les tissus graisseux qui en fournissent le plus.
« Le taux d’œstrogènes produits par les ovaires est supervisé par un circuit de rétrocontrôle dans l’organisme. Le petit taux d’œstrogènes produits par les tissus graisseux avant la ménopause peut aider à commander aux ovaires de produire moins d’œstrogènes et ainsi réguler les autres hormones ou facteurs de croissance », précise l’un des auteurs de l’étude.
D’après les auteurs de l’étude, les femmes présentant plus de tissu graisseux après la ménopause ont habituellement des niveaux plus élevés en œstrogènes, ce qui peut contribuer à un risque de cancer du sein plus élevé. Chez les jeunes femmes, l’œstrogène est un facteur qui contribue, mais en partie seulement : « Les facteurs conduisant au risque de cancer du sein peuvent être différents chez la jeune femme et la femme plus âgée, donc nous devons travailler à mieux comprendre ce qui contribue spécifiquement au risque de cancer du sein chez la jeune femme afin d’élaborer des recommandations appropriées à leur égard », poursuit l’un des auteurs de l’étude.
En s’appuyant sur l’analyse à grande échelle de données antérieures, cette étude d’envergure ouvre la voie à un nouveau genre d’investigations qui s’attacheront à définir les facteurs de risque du cancer du sein au sein des populations jeunes. L’équipe de chercheurs songe déjà à étudier plus en détails les modèles de risque d’après les évolutions de poids durant la période adulte jeune/adulte mûr et considérera également le rôle éventuel de la grossesse.
« Bien que le cancer du sein soit plus courant à un âge avancé, c’est en réalité le type de cancer le plus fréquemment diagnostiqué parmi les femmes en âge de procréer. Comprendre les facteurs de risque pouvant opérer différemment avant la ménopause est fondamental pour réduire les risques de cancer du sein chez la jeune femme ».
Gageons que ces facteurs, qui étaient encore difficiles à étudier dans le cadre traditionnel de la recherche cancéreuse, incluant peu de jeunes femmes, seront prochainement mieux connus.
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Déborah L., Docteur en Pharmacie
– Dossier « Surpoids et Obésité ». Institut National du Cancer. Consulté le 3 juillet 2018.
– Cancers du sein triple négatif : repousser les frontières de la lutte. . Institut Curie. Consulté le 3 juillet 2018.