Info ou intox : la dépression post-partum (post-natale)

Par |Publié le : 26 juin 2025|Dernière mise à jour : 26 juin 2025|6 min de lecture|

Souvent banalisée, parfois mal comprise, la dépression post-partum (post-natale) concerne environ 15 % des jeunes mères. Pour démêler le vrai du faux et mieux comprendre ce trouble, nous avons interrogé le Dr Annie Poizat, psychiatre à l’Hôpital Couple Enfant de Grenoble, spécialisée dans l’accompagnement périnatal.

1. Une dépression post-partum (post-natale), c’est juste un baby blues qui dure un peu plus longtemps.❌ Faux

Le baby blues est une réaction transitoire, fréquente dans les jours suivant l’accouchement, liée aux bouleversements hormonaux. Il se manifeste par une hypersensibilité passagère, des pleurs sans raison ou des troubles du sommeil. « Il disparaît en quelques jours », rappelle le Dr Poizat. En revanche, si les symptômes s’installent et altèrent durablement le quotidien, il s’agit d’une dépression post-partum (post-natale), un véritable trouble de santé mentale qui nécessite une prise en charge adaptée. Cette dernière peut s’accompagner d’une grande fatigue, d’un sentiment d’échec ou d’incapacité à être mère.

2. Elle est uniquement causée par les hormones. ❌ Faux

Les causes sont multiples. « Il y a des facteurs hormonaux, bien sûr, mais aussi des facteurs psychologiques, sociaux, médicaux ou encore liés à l’histoire personnelle de la mère », détaille la psychiatre. « L’isolement, de plus en plus fréquent dans nos sociétés et en particulier depuis le COVID, est un facteur de risque majeur ». Une naissance peut réveiller des blessures anciennes, même dans un contexte a priori favorable. La précarité, des antécédents de dépression ou encore une grossesse difficile peuvent jouer un rôle important.

3. Une mère dépressive rejette forcément son bébé. ❌ Faux

Aimer son bébé n’empêche pas de souffrir. « Ce n’est pas parce qu’une femme arrive à s’occuper de son bébé qu’elle n’est pas en détresse. Mais il peut y avoir un impact sur la façon de s’en occuper », insiste le Dr Poizat. L’attachement est le plus souvent préservé malgré la souffrance psychique. Mais cette douleur invisible rend le quotidien difficile à vivre. Les sentiments de culpabilité ou d’incapacité maternelle prédominent, générant une angoisse parfois envahissante.

4. L’allaitement est incompatible avec un traitement antidépresseur. ❌ Faux

Des traitements adaptés existent. « On peut prescrire certains antidépresseurs compatibles avec l’allaitement », affirme la spécialiste. La prise en charge est toujours individualisée, selon l’état de santé de la mère et ses choix personnels. Le recours aux médicaments n’est pas systématique, mais il ne doit pas être écarté d’emblée. L’objectif est d’apporter un soulagement sans compromettre l’allaitement ou le lien mère-enfant.

5. Il suffit de s’organiser et de dormir pour aller mieux. ❌ Faux

Repos et soutiens sont essentiels, et sont les actions de première intention. Mais cela mais parfois insuffisant. « Ce n’est pas une question d’organisation ou de bonne volonté », souligne le Dr Poizat. La dépression post-partum (post-natale) est une pathologie à part entière, qui ne se résout pas avec des conseils de bon sens. Elle nécessite souvent un accompagnement médical ou psychologique, car la souffrance morale dépasse largement la fatigue liée à l’arrivée d’un bébé.

6. La dépression post-partum (post-natale) peut apparaître plusieurs semaines après l’accouchement. ✅ Vrai

Elle ne se manifeste pas toujours immédiatement « Le pic de fréquence se situe 4 à 6 semaines après l’accouchement mais elle peut apparaitre pendant toute la première année qui est une période de fragilité », précise la psychiatre. L’échec de l’allaitement, le sevrage, la reprise du travail ou la baisse du soutien familial peuvent agir comme déclencheurs tardifs. Cette temporalité explique parfois un retard de diagnostic, car les symptômes sont alors moins associés à l’événement de la naissance.

7. Ce trouble peut affecter le lien mère-enfant. ✅ Vrai

Le bébé ressent ce que vit sa mère. « Les caractéristiques du bébé entrent en jeu. Un bébé facile qui mange bien, dort bien et se calmant facilement donnera à sa mère un sentiment de confiance dans ses capacités maternelles. A l’inverse un bébé difficile à satisfaire, pleurant beaucoup, pourra lui faire perdre confiance en elle. On entre dans une dynamique relationnelle très forte », explique le Dr Poizat. Le lien d’attachement peut être altéré par la souffrance maternelle, ce qui rend encore plus importants le dépistage et la prise en charge précoce. Parfois, c’est le manque de plaisir à interagir ou une forme de retrait affectif qui peut nuire à la relation précoce.

8. Les pères aussi peuvent faire une dépression post-partum. ✅ Vrai

Même s’ils n’accouchent pas, les hommes peuvent eux aussi être affectés. « On parle de plus en plus de dépression postnatale chez les pères », note la psychiatre. Selon certaines études, jusqu’à 10 % des pères seraient concernés dans l’année suivant la naissance. Ce mal-être reste encore peu reconnu, mais il va impacter l’équilibre familial. Il peut s’exprimer par de l’irritabilité voire de l’agressivité, un retrait, une fuite en avant dans diverses activités, une difficulté à s’adapter aux changements imposés par l’arrivée du bébé. Les nouvelles responsabilités sont parfois mal supportées.

9. La prise en charge est efficace et personnalisée. ✅ Vrai

Une évaluation approfondie est systématiquement réalisée. « On tient compte de la gravité des symptômes, de l’environnement, du sommeil, de l’allaitement… », décrit le Dr Poizat. Cela permet de proposer un accompagnement adapté à chaque situation : aide matérielle, suivi psychologique, groupe de parole, traitement médicamenteux, etc. Il est donc essentiel de ne pas rester seule. Cette prise en charge peut se faire en ville ou à l’hôpital, parfois même en unité mère-bébé si nécessaire.

10. Il faut en parler pour être aidée. ✅ Vrai

Briser le silence est la première étape. « Les femmes peuvent s’adresser à leur sage-femme, médecin généraliste, pédiatre, ou à un professionnel de santé mentale », conseille la psychiatre. Des dispositifs comme les réseaux périnataux ou les unités mère-bébé peuvent également proposer un soutien précieux. L’important est de trouver un interlocuteur bienveillant, qui prendra le temps d’écouter et d’orienter vers la bonne prise en charge

Peggy Cardin-Changizi

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Peggy Cardin
Peggy Cardin
Journaliste spécialisée en santé
Peggy Cardin-Changizi Journaliste spécialisée en santé depuis plus de vingt ans. Elle traite des sujets de prévention, de santé publique et de médecine au quotidien, avec pour objectif de rendre l'information médicale claire, fiable et accessible à tous. Rédige un contenu scientifique fiable avec des sources vérifiées en respect de notre charte HIC.