Kombucha : réels bienfaits ou simple produit marketing ?
Boisson fermentée tendance, le kombucha s’invite de plus en plus dans les rayons des magasins bio comme des grandes surfaces. Mais qu’en est-il réellement de ses bienfaits supposés ? Entre analyse médicale et retour d’expérience de producteurs artisanaux, nous faisons le point.
Le kombucha est obtenu par fermentation d’un mélange sucré, souvent à base de thé, en présence d’un « scoby », un ensemble symbiotique de levures et de bactéries. Ces micro-organismes interagissent en cascade : les levures digèrent le sucre en produisant de l’alcool et du gaz carbonique, tandis que les bactéries transforment l’alcool en acide acétique et en d’autres composés organiques. Résultat : une boisson acidulée, légèrement effervescente, au goût particulier.
« C’est un mélange véritablement vivant, qui évolue en fonction des équilibres entre bactéries, levures, acidité et alcool », précise le Dr Rousseaux, médecin nutritionniste et conseiller médical ELSAN. Cette dynamique vivante permet aussi la production de fibres, de polyphénols, d’acides organiques et de vitamines, dans des proportions variables selon les souches présentes. Mais cette complexité biologique rend le kombucha difficile à standardiser. « Il n’existe pas un kombucha, mais des centaines, avec des compositions différentes selon les levures et bactéries utilisées. »
Des effets sur la santé encore à nuancer
Le kombucha est souvent présenté comme bénéfique pour le microbiote intestinal, la digestion ou l’immunité. « Un kombucha bien fermenté contient des acides organiques, enzymes et micro-organismes vivants qui peuvent soutenir la digestion et favoriser une flore intestinale diversifiée, à condition qu’il ne soit pas pasteurisé », expliquent Alice et Julien, fondateurs de Turbulente Kombucha.
Mais pour le Dr Rousseaux, il faut rester prudent : « Il existe très peu d’études cliniques scientifiquement robustes. Et comme chaque kombucha est unique, il est presque impossible de comparer les résultats entre eux. » Les allégations autour d’effets antioxydants ou même anticancéreux reposent parfois sur des modèles expérimentaux inadaptés à la consommation réelle.
Un autre facteur à prendre en compte est la pasteurisation. « Beaucoup de kombuchas industriels sont pasteurisés pour stabiliser le goût. Cela tue les micro-organismes, donc on ne peut plus parler de boisson probiotique. » Ces produits peuvent toutefois avoir un effet prébiotique, en favorisant la croissance de bonnes bactéries dans l’intestin.
Une boisson globalement sûre, avec quelques précautions
Le kombucha est bien toléré dans la plupart des cas. « Il y a eu très peu de cas rapportés dans la littérature médicale », note le Dr Rousseaux. Certains effets indésirables sont toutefois mentionnés, comme des déséquilibres acido-basiques chez des personnes souffrant de pathologies rénales, ou des risques de contamination en cas de fabrication artisanale mal maîtrisée. De rares souches de levures peuvent produire des mycotoxines si les conditions de fermentation sont inadaptées.
Par mesure de précaution, la FDA recommande une consommation limitée à 100 ml par jour. Les enfants, femmes enceintes, personnes immunodéprimées ou atteintes de troubles rénaux doivent rester vigilants, surtout face aux kombuchas non pasteurisés.
Artisanal ou industriel : quelles différences ?
Un kombucha artisanal non pasteurisé est plus vivant, mais aussi plus instable. « Un kombucha industriel est pasteurisé, stabilisé au goût et au taux de sucre souhaité par les consommateurs, mais il a perdu sa richesse microbienne. » Certains fabricants ajoutent du sucre après stabilisation, ou stoppent la fermentation avant que les levures aient tout consommé. Cela peut influencer à la fois le goût, le taux de sucre et le taux d’alcool.
« Un kombucha vivant est naturellement acidulé, complexe, en constante évolution. À l’inverse, les versions industrielles sont souvent pasteurisées, filtrées et aromatisées, ce qui uniformise le goût et réduit l’intérêt fermentaire », ajoutent Alice et Julien.
Autre différence peu connue : « Le surnageant (ou « élément flottant à la surface ») du kombucha est une production de bactéries acétiques qui créent de la cellulose. Ce biofilm permet un équilibre entre oxygénation et fermentation en hébergeant les levures et bactéries. Certains le consomment pour ses fibres, d’autres préfèrent le filtrer par goût. »
Un phénomène marketing bien réel
Au-delà des bienfaits, le kombucha surfe sur une image santé très valorisante. « Le goût fermenté n’est pas très répandu dans la culture européenne. Pour le rendre plus attractif, certains adaptent la recette avec des arômes ou du sucre. » Cette adaptation au marché peut dénaturer le produit initial, mais elle a contribué à son succès.
« Il y a un effet de mode, reconnaissent Alice et Julien, mais il révèle un vrai besoin : celui de consommer des boissons plus naturelles, moins sucrées et meilleures pour la digestion. Si le produit reste fidèle à son principe fermenté, l’engouement est pleinement justifié. »
Un point de vue nuancé que partage le Dr Rousseaux : « Le kombucha n’est pas une boisson miracle, mais il n’est pas non plus un simple effet de mode. Pris en quantité raisonnable, dans le cadre d’une alimentation équilibrée, il peut tout à fait trouver sa place, à condition de choisir un produit de qualité. »
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