Maladie de Huntington : quand les gènes dictent le destin
La maladie de Huntington est une maladie génétique rare, encore méconnue du grand public. Elle apparaît souvent en pleine vie active, entre 30 et 50 ans, et bouleverse les familles qui en sont touchées. Comment se transmet-elle ? Quels sont les premiers signes ? Que peut-on faire lorsqu’on est concerné ? La Dr Katia Youssov, neurologue au Centre de Référence Maladie Rare-Maladie de Huntington de l’hôpital Henri Mondor à Créteil, nous aide à y voir plus clair.

La maladie de Huntington est due à une modification d’un gène impliqué dans le fonctionnement du cerveau. Cette modification se transmet directement d’un parent à l’enfant. « Lorsqu’un parent porte la mutation, chaque enfant a une chance sur deux d’hériter de l’anomalie », explique la Dr Youssov.
Il n’y a pas de génération “sautée”. Si une personne n’a pas la mutation, elle ne la transmettra jamais. En revanche, la maladie peut passer inaperçue si un membre de la famille est décédé avant de présenter les symptômes ou si ceux-ci ont été mal interprétés. « Dans certaines familles, on découvre la maladie très tard car les signes n’ont jamais été associés à Huntington », souligne la neurologue.
Des signes qui touchent le mouvement, la pensée et l’humeur
La maladie évolue lentement et ses manifestations sont variées. Elle touche à la fois les mouvements du corps, les capacités de réflexion, et l’humeur.
Les premières manifestations peuvent être des mouvements involontaires. « Ils sont imprévisibles, passent d’une partie du corps à l’autre et donnent l’impression que la personne bouge sans le vouloir », décrit la Dr Youssov. L’équilibre peut devenir plus instable, les gestes plus maladroits, l’articulation plus difficile.
D’autres signes concernent la réflexion et l’organisation. Les personnes atteintes ont parfois du mal à planifier, à prendre des décisions ou à faire plusieurs choses à la fois. « Il peut devenir compliqué d’anticiper, de s’adapter ou de gérer une situation nouvelle », explique la spécialiste.
La maladie peut aussi se manifester par des changements d’humeur ou de comportement : irritabilité, anxiété, perte d’intérêt, impulsivité. « Les signes psychiques et cognitifs peuvent apparaître avant les troubles moteurs », insiste la neurologue. C’est l’une des raisons pour lesquelles la maladie n’est pas toujours diagnostiquée tout de suite.
Une maladie qui apparaît souvent au milieu de la vie
La maladie débute le plus souvent entre 30 et 50 ans, une période où les responsabilités familiales et professionnelles sont très importantes. « C’est souvent à un moment où les personnes travaillent, élèvent des enfants, et où la maladie vient bouleverser beaucoup de choses », explique la Dr Youssov.
Il existe aussi des formes plus précoces, avant 20 ans, et des formes très tardives, mais elles sont plus rares.
Deux façons d’obtenir un diagnostic selon la situation
Le diagnostic repose sur un test génétique, réalisé par une simple prise de sang.
La première situation est celle où une personne présente déjà des signes évoquant la maladie. Le neurologue propose alors un test pour confirmer ou non la présence de la mutation.
La deuxième situation concerne les personnes qui savent qu’elles sont “à risque”, parce qu’un parent a la maladie. Elles peuvent demander un test avant l’apparition des symptômes. « Mais cette démarche reste minoritaire », précise la Dr Youssov. Connaître son statut n’empêche pas la maladie d’apparaître, et un résultat positif est difficile à recevoir.
Pour cette raison, la démarche est strictement encadrée : plusieurs consultations psychologiques sont obligatoires avant et après le résultat. « On ne peut pas se lancer seul. Le soutien psychologique est indispensable », rappelle la neurologue. De plus, il est nécessaire qu’un généticien soit impliqué dans la procédure de test.
Pourquoi se faire accompagner tôt change vraiment la vie
Il n’existe pas encore de traitement qui puisse stopper l’évolution de la maladie vers une perte de mobilité et un état de dépendance pour les actes du quotidien. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y a rien à faire. Au contraire, un suivi précoce est essentiel.
« Plus la prise en charge est anticipée, plus on peut aider les personnes et leur entourage à s’adapter », affirme la Dr Youssov. Cela permet d’agir sur les troubles de l’humeur, de mieux comprendre les difficultés professionnelles ou familiales, d’organiser la vie quotidienne et de mettre en place les aides nécessaires.
Le conseil génétique est un autre point central. Il permet aux personnes concernées de comprendre la transmission, d’éviter les fausses croyances, et d’être accompagnées dans des décisions importantes. Pour ceux qui souhaitent avoir des enfants, il existe des possibilités d’éviter la transmission, comme la procréation médicalement assistée avec sélection d’embryons non porteurs. « C’est un parcours long, mais il permet d’avoir un enfant qui ne développera pas la maladie », explique la neurologue.
Une recherche en plein mouvement, mais encore sans traitement
La recherche avance, même si aucun traitement n’est aujourd’hui disponible. Plusieurs pistes sont explorées : réduire la production de la protéine anormale, agir sur des mécanismes de régulation du gène, ou corriger certains processus biologiques à l’intérieur des cellules.
« Depuis 2015, plusieurs thérapies innovantes ont été testées, mais aucune n’a encore montré d’efficacité suffisante pour être mise sur le marché », explique la Dr Youssov. Certaines annonces peuvent sembler prometteuses, mais la neurologue insiste sur la prudence. « On ne peut pas parler de traitement imminent pour un produit testé sur un trop petit nombre de patients. Les familles ont besoin d’informations fiables mais elles ont raison de rester optimistes. »
Les centres spécialisés (les différents sites du centre de référence et les centres de compétences répartis sur le territoire national) et les associations restent les meilleurs relais d’information, car ils participent aux essais cliniques et suivent quotidiennement les patients.
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