L’acromégalie est une pathologie caractérisée par l’apparition progressive de modifications de l’aspect physique ou « syndrome dysmorphique » affectant le visage et les extrémités.
Définition
L’acromégalie, aussi appelée maladie de Pierre Marie en référence au médecin qui l’a décrite, est une maladie rare pouvant se manifester avant ou après la puberté d’un individu. Elle se traduit par :
- Une très grande taille ou gigantisme avant la puberté ;
- Une croissance exagérée du visage et des extrémités après la puberté.
Cette pathologie est due à une sécrétion excessive d’hormones de croissance, plus précisément de la GH (Growth hormone) ou STH (hormone somatotrope). Cette hormone agit sur la totalité de l’organisme et circule dans le sang. Elle joue un rôle primordial dans la croissance de l’enfant et de l’adolescent. Chez l’adulte, elle stabilise l’épaisseur de la peau et des muscles et favorise la perte de masse graisseuse. L’hormone est donc indispensable au bon fonctionnement de l’organisme mais aussi pour la lutte contre le vieillissement de l’adulte.
L’hormone de croissance impliquée dans la maladie est produite au niveau de l’hypophyse qui est une petite glande située dans le cerveau. Dans la majorité des cas, l’acromégalie est liée au grossissement de cette petite glande. Ce grossissement est la conséquence d’une tumeur bénigne présente au niveau de l’hypophyse résultant d’une multiplication des cellules et de leurs sécrétions hormonales. On parle d’adénome hypophysaire.
À savoir ! L’hypophyse produit plusieurs types d’hormones. Ainsi, l’hypersécrétion peut concerner une autre hormone : la prolactine. Cette dernière est impliquée dans la croissance des glandes mammaires, la sécrétion de lait et la fertilité.
Il arrive parfois (moins d’1% des cas) que l’acromégalie ne soit pas due au développement d’un adénome au niveau de l’hypophyse, mais à une hyperactivité de cette dernière. En effet, l’hypophyse reçoit d’ordinaire des ordres provenant d’une seconde glande, l’hypothalamus, via l’hormone GHRH (Growth Hormon Releasing Hormon). Exceptionnellement, une tumeur située dans une autre partie du corps (par exemple, les poumons, les reins, les ovaires ou le pancréas) peut se mettre à produire de façon anarchique et inappropriée l’hormone GHRH. Cette dernière va alors agir sur l’hypophyse et lui donner l’ordre de produire de l’hormone de croissance.
Dans d’autres cas de la maladie, il n’existe aucune cause identifiée.
Symptômes
L’acromégalie est caractérisée par un grand nombre de manifestations résultant d’un excès d’hormones de croissance. Les symptômes sont différents selon l’âge du patient.
Les symptômes de l’adulte
A l’âge adulte, la maladie se manifeste par une augmentation progressive du volume du visage et des extrémités (mains et pieds). En effet, le patient remarque un élargissement des mains avec par exemple de plus en plus de difficultés à retirer ses bagues, et un élargissement des pieds (augmentation de la pointure) et du crâne (taille de chapeaux plus importante).
Par ailleurs, le visage adopte un aspect caractéristique de la maladie : il devient lourd, massif avec un élargissement de la base du nez. Le front est plus bas, plus ridé avec des pommettes et des arcades sourcilières plus saillantes. Les lèvres sont plus épaisses, le menton plus proéminent et les dents s’écartent. Souvent, la voix est également modifiée, elle devient plus rauque et plus grave.
Ces modifications physiques sont très progressives, si bien qu’elles passent inaperçue auprès du patient et de ses proches. Elles ne sont visibles que par comparaison avec d’anciennes photos. Ainsi, les patients mettent souvent très longtemps avant de consulter leur médecin.
Quelques fois, les douleurs du dos et des articulations se trouvent au premier plan et sont la raison de la consultation. Elles concernent près des deux tiers des malades et peuvent devenir très invalidantes, notamment lorsqu’elles touchent les doigts. Des déformations osseuses peuvent aussi se manifester comme une scoliose (déviation de la colonne vertébrale) ou la saillie du sternum. La prise de poids est fréquente et parfois importante. Enfin, on note une fatigue importante chez tous les patients atteints d’acromégalie.
Dans 40 à 50% des cas, un syndrome du canal carpien est également présent. Celui-ci entraîne des engourdissements, des picotements et des douleurs, essentiellement nocturnes, dans la main. Sans prise en charge adaptée, la main perd petit à petit de sa force et de son volume.
Une baisse de l’audition ainsi que des ronflements et une apnée du sommeil sont fréquemment associés à l’acromégalie. L’apnée du sommeil se traduit par des « oublis » de la part des patients de respirer pendant quelques secondes la nuit. Ces arrêts respiratoires s’accompagnent de somnolence dans la journée et peuvent à long terme favoriser les troubles cardiaques et respiratoires.
De plus, l’hormone de croissance influence divers organes :
- La peau est plus épaisse et ridée ;
- Le patient transpire plus ;
- Le système pileux est plus développé ;
- Les muscles sont plus gros ;
- Les organes internes (foie, thyroïde, cœur) augmentent de volume. La cardiomégalie (augmentation du volume du cœur) est une complication potentiellement grave de la maladie. En effet, lorsque le cœur est trop gros, il lui devient difficile d’assurer sa fonction d’oxygénation de l’organisme. Les patients sont alors souvent essoufflés et souffrent d’hypertension artérielle.
Enfin, un diabète peut apparaître en se manifestant par de la fatigue, une soif et une faim intense et une augmentation du volume des urines.
Lorsque la maladie est due au développement d’un adénome hypophysaire, d’autres symptômes peuvent se manifester. Lorsque la tumeur grossit, elle peut exercer une pression sur le cerveau à l’origine de maux de tête résistant au traitement, d’une diminution de la vision voire d’un rétrécissement du champ de vision sur les côtés. Si la tumeur occupe un volume plus important, elle peut aussi comprimer les régions voisines de l’hypophyse contrôlant la sécrétion d’autres hormones. Alors, une diminution des hormones produites par la thyroïde (constipation, ralentissement du rythme cardiaque, fatigue, prise de poids, baisse de la libido, frilosité, etc.), les glandes surrénales (fatigue, perte d’appétit, diminution de la tension artérielle, pâleur, diminution de la pilosité) ou sexuelles (trouble des menstruations, écoulements mammaires, impuissance) est fréquente.
Les symptômes de l’enfant
Chez l’enfant, la maladie se traduit par une croissance excessive et rapide du corps en raison de l’excès d’hormones de croissance. Les enfants atteints d’acromégalie sont donc anormalement grands.
Le gigantisme peut être associé ou non à d’autres symptômes. En effet, certains enfants ou adolescents peuvent avoir des complications cardiovasculaires et des douleurs articulaires en plus.
Evolution
Sans traitement, la maladie s’aggrave. L’espérance de vie est réduite d’environ 10 ans pour les individus atteints de la maladie. Les complications les plus redoutées sont cardio-vasculaires : hypertension artérielle, troubles du rythme cardiaque, risque d’insuffisance cardiaque.
Il existe également un risque important de développer un cancer.
Diagnostic
Le diagnostic est évoqué devant la présence des signes cliniques décrits précédemment. Ainsi, pour les enfants, l’acromégalie est suspectée devant une croissance nettement accélérée et une grande taille par rapport aux membres de la famille.
L’excès d’hormones de croissance est confirmé par le dosage de l’hormone dans le sang. La sécrétion de l’hormone étant irrégulière, plusieurs prises de sang sont nécessaires.
Enfin, le diagnostic d’acromégalie est confirmé par le test de freinage au glucose. Normalement, l’augmentation du taux de sucre dans le sang induit une baisse de la production d’hormones de croissance. Ce test consiste à augmenter de façon artificielle le taux de sucre (en buvant une boisson sucrée) et à mesurer régulièrement le taux d’hormone dans le sang. En cas d’acromégalie, le taux d’hormone reste constant puisqu’elle n’est plus « contrôlée ». On parle d’absence de freinage.
Traitement
Le traitement a deux objectifs :
- Stopper la progression de la tumeur pour atténuer les symptômes ;
- Normaliser le taux d’hormone de croissance pour bloquer l’évolution de la maladie.
3 types de traitement sont possibles : la chirurgie, la radiothérapie ou les médicaments.
Le traitement chirurgical est dans la majorité des cas le traitement de choix. Il repose sur le retrait de l’adénome hypophysaire, le plus souvent par voie nasale. L’opération permet de rétablir une sécrétion normale de l’hormone dans plus de 80% des cas. En revanche, lorsque la tumeur est trop volumineuse pour passer par le nez, le chirurgien doit ouvrir la boîte crânienne et la sécrétion normale n’est rétablie que dans 50 à 60% des cas.
Cependant, tous les patients ne sont pas forcément opérables. Chez certains, la tumeur est trop grosse ou mal située. Ainsi, un autre traitement doit être mis en place.
La radiothérapie repose sur l’utilisation de rayonnements pour détruire les cellules constituant la tumeur. Chaque séance dure une quinzaine de minutes et est indolore. Une trentaine de séances réparties sur 6 semaines sont généralement nécessaires. La radiothérapie est très efficace sur les résidus de tumeurs qui n’ont pas pu être totalement retirés lors d’une intervention. En revanche, les effets thérapeutiques sont lents et nécessitent une régulation hormonale très longue (jusqu’à 15 ans). Par ailleurs, la radiothérapie peut entraîner un dérèglement hormonal responsable de divers troubles (impuissance, pâleur, frilosité, etc.).
La radiothérapie est proposée uniquement en complément d’une intervention chirurgicale ou d’une prise en charge médicamenteuse.
Plusieurs médicaments se sont avérés efficaces sur l’acromégalie pour réduire le taux d’hormone de croissance. On utilise des « dopaminergiques » comme la bromocriptine ou la cabergoline sous forme de comprimés. Les effets secondaires les plus fréquents de ces traitements sont : nausées, vomissements, somnolence, troubles moteurs, confusion voire hallucinations. Cependant, les dopaminergiques ne sont efficaces que chez une minorité de patients.
Les « analogues de la somatostatine » (la somatostatine est une hormone bloquant la production de l’hormone de croissance) comme l’octéotide peuvent également être employés. Ils sont efficaces chez deux tiers des patients. Leur principal effet indésirable est les troubles gastro-intestinaux (douleurs abdominales, diarrhées).
Charline D., Pharmacien