L’anurie correspond à certaines formes d’insuffisance rénale aiguë et se manifeste par une altération rapide de la fonction rénale en quelques jours à quelques semaines. La conséquence est une accumulation de produits azotés dans le sang, une réduction de la quantité d’urines produites et des troubles hydro-électrolytiques sévères. Sans traitement, l’anurie peut mettre rapidement en jeu le pronostic vital du patient. Le diagnostic permet de déterminer la cause organique, fonctionnelle ou obstructive de l’anurie et ainsi de mettre en place un traitement adapté. La dialyse est souvent nécessaire pour permettre d’éliminer les déchets azotés du sang.
Définitions et symptômes
Qu’est-ce que l’anurie ?
L’anurie est associée à l’insuffisance rénale aiguë. Elle correspond à un trouble de la diurèse, c’est-à-dire de la quantité d’urines émises au cours d’une journée de 24 heures. En temps normal, la diurèse est comprise entre 800 ml et 1 500 ml par 24 heures, en fonction du volume de boissons absorbées. Les urologues et les néphrologues distinguent plusieurs troubles de la diurèse :
- La polyurie, lorsque le volume des urines sur 24 heures dépasse 3 litres ;
- L’oligurie, lorsque la diurèse est inférieure à 500 ml par 24 heures ;
- L’anurie, lorsque le volume des urines descend en dessous de 100 ml par 24 heures.
À savoir ! Une personne qui n’urine pas pendant 24 heures n’est pas forcément anurique, car elle peut présenter une rétention urinaire. La véritable anurie correspond à une absence de débit urinaire au niveau des reins. Il s’agit d’une insuffisance rénale aiguë. Cependant, toutes les insuffisances rénales aiguës ne sont pas des anuries, certaines étant associées à un maintien de la diurèse. L’anurie constitue un facteur de gravité de l’insuffisance rénale aiguë.
L’anurie correspond à une diminution soudaine du débit de filtration glomérulaire (production rénale des urines) entraînant :
- Une augmentation dans la circulation sanguine des composés azotés, qui sont normalement éliminés au fur et à mesure par les reins. Majoritairement, ces composés azotés sont l’urée et la créatinine ;
- Des troubles hydro-électrolytiques, qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital du patient. Les troubles hydro-électrolytiques correspondent à des dysfonctionnements dans la répartition normale de l’eau et des électrolytes (sodium, potassium, chlore, calcium, phosphore, …) dans les différents compartiments cellulaires et tissulaires. Les principaux troubles hydro-électrolytiques liés à l’anurie sont le plus souvent une hyperkaliémie (augmentation du taux sanguin de potassium) et une surcharge en eau, mais d’autres troubles peuvent se surajouter.
À savoir ! L’insuffisance rénale peut être aiguë ou chronique. L’insuffisance rénale aiguë correspond à un dysfonctionnement brutal et réversible des reins, tandis que l’insuffisance rénale chronique est une destruction progressive et irréversible des reins
Les causes de l’anurie sont multiples, mais peuvent être classées en trois grandes catégories :
- Les causes organiques(65 % des cas) lorsque les reins sont eux-mêmes responsables de l’anurie : une maladie rénale, comme une glomérulonéphrite aiguë, ou des lésions rénales par exemple provoquées par l’exposition à des composés néphrotoxiques (intoxications, prise de certains médicaments) ;
- Les causes fonctionnelles (25 % des cas) correspondent à une diminution de la perfusion des reins, observée par exemple en cas de diarrhées, de septicémie, d’accident cardiovasculaire ou de maladie hépatique sévère. L’origine de l’anurie se situe alors avant les reins ;
- Les causes obstructives (10 % des cas) sont des origines post-rénales, lorsqu’un obstacle empêche la collection et l’évacuation normale des urines. L’obstacle peut se situer à différents niveaux de l’appareil urinaire et peut avoir différentes origines (calculs, tumeur, hypertrophie de la prostate, …).
Quels symptômes ?
Le symptôme caractéristique de l’anurie est la diminution du nombre et du volume des mictions sur 24 heures. Cette réduction de la diurèse est relativement soudaine, survenant sur quelques jours ou sur quelques semaines. Ce symptôme central est généralement accompagné après quelques jours des signes révélateurs de l’insuffisance rénale aiguë :
- Des signes liés à l’accumulation des composés azotés dans la circulation sanguine (encore parfois appelée urémie) :
- Des nausées et des vomissements ;
- Des maux de tête ;
- Des diarrhées ;
- Des troubles visuels ;
- Une faiblesse musculaire ;
- Des convulsions ;
- Un état de confusion pouvant aller jusqu’au coma ;
- Des signes liés aux troubles hydro-électrolytiques :
- Un œdème débutant généralement au niveau des pieds et des jambes, associé à une prise de poids ;
- Des troubles du rythme cardiaque ;
- Des troubles respiratoires en cas d’infiltration de liquide dans les poumons (œdème pulmonaire).
D’autres symptômes peuvent être présents, en fonction de l’origine de l’anurie. Par exemple, les urines peuvent prendre une coloration marron, en cas de glomérulonéphrite.
Le pronostic de l’anurie et de l’insuffisance rénale aiguë associée varient selon plusieurs paramètres :
- L’état de la fonction rénale avant l’anurie ;
- Les éventuelles autres pathologies du patient ;
- La cause de l’insuffisance rénale aiguë ;
- La sévérité des troubles hydro-électrolytiques ;
- La précocité du diagnostic et donc la rapidité d’instauration de la prise en charge.
Le pronostic vital du patient peut être engagé et la mortalité liée à l’insuffisance rénale aiguë sévère (nécessitant une admission en réanimation ou une mise sous dialyse) est en moyenne de 50 %, quelle que soit la cause de l’anurie.
Diagnostic et traitements
Quel diagnostic ?
Compte-tenu de la gravité de l’anurie, le diagnostic doit être posé le plus rapidement possible. Si un patient observe une réduction significative du volume de ses urines sur plusieurs jours, associée ou non à d’autres symptômes, il faut immédiatement consulter un médecin pour avis médical.
La démarche diagnostique de l’anurie comprend deux phases :
- La mise en évidence d’une anurie associée à une insuffisance rénale aiguë ;
- La recherche de la cause de l’anurie (fonctionnelle, organique ou obstructive).
Pour cela, le médecin effectue un bilan clinique, interroge le patient (antécédents médicaux, prise de médicaments), puis prescrit différents examens selon le contexte clinique :
- Des dosages sanguins (urée, créatinine, ionogramme sanguin, numération formule sanguine,
- Une diurèse (collecte des urines sur 24 heures) ;
- Des analyses urinaires (urée, créatinine, ionogramme urinaire, protéines urinaires, analyse microscopique des sédiments urinaires,
- Des examens microbiologiques (ECBU à la recherche d’une infection, cultures) ;
- Des examens d’imagerie (échographie de l’appareil urinaire, échographie rénale, scanner sans injection de produits de contraste iodés, angio-IRM) ;
- Une biopsie rénale, à la recherche de lésions rénales spécifiques ;
- Des examens spécifiques à la recherche de pathologies hépatiques ou de maladies systémiques.
A noter ! Les produits de contraste iodés sont contre-indiqués chez les patients souffrant d’insuffisance rénale, car ces composés sont éliminés par les reins. Si un scanner est nécessaire, il doit être effectué dans la mesure du possible sans injection de produits de contraste iodés
Quels traitements ?
L’anurie associée à une insuffisance rénale aiguë nécessite une hospitalisation dans un service de soins spécialisés :
- En urologie pour les causes obstructives de l’anurie ;
- En néphrologie pour les causes fonctionnelles et organiques de l’anurie.
La prise en charge vise à rétablir dès que possible la fonction rénale du patient pour éviter la mise sous dialyse et des dommages irréversibles au niveau des reins. Les médicaments ayant des effets négatifs sur les reins, appelés les médicaments néphrotoxiques, sont stoppés ou leurs doses sont adaptés si ces médicaments restent nécessaires.
À savoir ! De nombreux médicaments exercent des effets néphrotoxiques, par exemple les anti-inflammatoires non stéroïdiens, certaines classes d’antibiotiques, certains médicaments anti-hypertenseurs, certaines chimiothérapies anticancéreuses ou les produits de contraste iodés. A forte dose, en traitements au long cours, ou chez les sujets ayant une fonction rénale altérée, ces médicaments peuvent entraîner une insuffisance rénale aiguë
Le premier enjeu est d’éliminer une situation d’urgence, susceptible de mettre en jeu le pronostic vital du patient. Il s’agit par exemple d’un œdème aigu du poumon ou d’une hypertension artérielle associés à l’anurie. La mise sous dialyse (épuration extra-rénale) doit alors être évoquée pour restaurer au plus vite la fonction rénale. L’hémodialyse est initiée en urgence lorsque :
- Les traitements instaurés ne parviennent pas à contrôler des troubles hydro-électrolytiques sévères, en particulier une forte hyperkaliémie ;
- Un œdème pulmonaire persiste malgré les traitements ;
- L’acidose métabolique (accumulation de substances acides dans le sang) reste réfractaire aux traitements ;
- Les symptômes liés à l’accumulation de composés azotés dans le sang s’aggravent, malgré les traitements.
La prise en charge comprend principalement deux aspects :
- Un traitement des symptômes associés à l’anurie ;
- Un traitement de la cause de l’anurie, variable selon les origines :
- Pour les causes organiques : la défaillance des reins doit être corrigée dans la mesure du possible ;
- Pour les causes fonctionnelles : des perfusions adaptées permettent de corriger les troubles hydro-électrolytiques ;
- Pour les causes obstructives : l’obstacle, une fois localisé, doit être levé par la pose de sonde, par une dérivation ou encore par un acte chirurgical.
Estelle B., Docteur en Pharmacie
– CHAPITRE 21 – INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË – ANURIE. Association Française d’Urologie. Consulté le 11 novembre 2020.
– Item 343 : Insuffisance rénale aiguë – Anurie. La Revue du Praticien. Consulté le 11 novembre 2020.
– Lésion rénale aiguë (insuffisance rénale aiguë). Manuel MSD. Consulté le 11 novembre 2020.