Des facteurs humains sont en cause dans plus de 90 % des accidents de la route. Mais quels facteurs prédisposent certains conducteurs à perpétuer des comportements à risque au volant ?
Un profil de conducteur à risque ?
Les conduites à risque au volant sont à l’origine de nombreux accidents de la route et sont souvent le fait de récidivistes. Qui sont ces conducteurs dangereux ? Cette question est un enjeu capital pour la sécurité routière pour mettre au point des stratégies de prévention ciblées.
Une récente étude canadienne s’est penchée sur l’influence de la personnalité, des facultés cognitives (capacités à communiquer, à se concentrer et à se souvenir) et de facteurs neurobiologiques sur les comportements à risque au volant. Une population de conducteurs âgés de 19 à 39 ans a ainsi été étudiée, en s’intéressant à des critères socio-démographiques, à l’historique des contraventions et au comportement au volant. L’usage de l’alcool ou des drogues (cannabis, cocaïne, benzodiazépines) a été évalué par des questionnaires. La personnalité, les facultés cognitives et les comportements à risque ont été classés grâce à des échelles spécifiques. Le comportement au volant a été analysé par un questionnaire et une simulation sur ordinateur. La production de cortisol en réponse au stress, qui serait liée aux comportements à risques, a été estimée grâce au dosage du cortisol dans la salive après une exposition à un stress (interrogatoire).
A savoir ! Le cortisol est une hormone stéroïde sécrétée par les glandes surrénales (glandes situées au-dessus des reins). Cette hormone exerce de multiples fonctions dans l’organisme et agit notamment sur le métabolisme, le système immunitaire, sur l’inflammation et sur le rythme circadien (jour/nuit). Le stress peut influencer la synthèse de cortisol, qui est ainsi qualifiée d’hormone de stress. Plusieurs dérivés de cortisol, par exemple la cortisone, sont très utilisés en thérapeutique en tant que médicaments anti-inflammatoires (anti-inflammatoires stéroïdiens).
Plusieurs types de conducteurs à risque
Dans l’étude, quatre catégories de conducteurs ont été analysées :
- Un groupe témoin constitué de conducteurs respectant le code de la route ;
- Trois groupes de conducteurs à risque :
- Un groupe nommé DWI conduisant régulièrement sous l’emprise de l’alcool (au moins deux alcoolémies > 0,8 g/l ou une alcoolémie > 1,5 g/l depuis l’obtention du permis de conduire) ;
- Un groupe nommé SPEED conduisant trop vite et ne respectant pas le code de la route (excès de vitesse au cours des 2 dernières années) ;
- Un groupe nommé MIXED associant les deux types de conduites à risque (1 alcoolémie positive au cours des 10 dernières années et un non respect du code de la route au cours des 2 dernières années).
Par rapport au groupe témoin, les trois groupes de conducteurs à risque se démarquent par leur personnalité, leurs facultés cognitives et une production de cortisol amoindrie en réponse au stress. Mais pour chacun des trois groupes considérés, les chercheurs ont noté des différences notables.
Le groupe DWI regroupe les conducteurs les plus consommateurs d’alcool, de tabac et de drogues. Ce groupe se démarque par une forte impulsivité, une facilité à perdre le contrôle de soi et des troubles de la mémoire liés à une consommation chronique d’alcool et de drogues. Ce groupe serait particulièrement insensible aux campagnes de prévention de la sécurité routière.
Le groupe SPEED est marqué par les plus grandes prises de risques au volant. Les conducteurs de ce groupe ont une personnalité et un comportement caractéristiques, empreints de recherche de sensations fortes, de désinhibition et de vie basée sur la prise de risques.
Les conducteurs du groupe MIXED recherchent les sensations fortes mais abusent également de l’alcool et des drogues. Des traits d’asociabilité et de besoin de récompense sont retrouvés chez ces conducteurs.
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La sécurité routière en France
Des actions de prévention ciblées
L’analyse des caractéristiques des 3 groupes de conducteurs à risque a permis d’établir un profil type pour chaque groupe. Le groupe DWI se caractérise par un abus d’alcool et/ou de drogues et de tabac, le groupe SPEED par une recherche de stimulation et le groupe MIXED par son intrépidité.
Ces conducteurs habitués aux comportements à risque au volant (alcool, drogues, vitesse, imprudence, non respect du code de la route ou fatigue) constituent des cibles privilégiées pour les stratégies de prévention routière. Or généralement il s’avère qu’ils restent largement insensibles aux différentes mesures de sécurité routière (contrôles de police, contraventions, programmes d’éducation, images choc, campagnes de sensibilisation, etc.).
Connaître précisément le profil des conducteurs à risque est un atout précieux pour définir des moyens de prévention plus ciblés et plus efficaces. Des études complémentaires sont cependant nécessaires pour intégrer les femmes et l’origine ethnique dans le cadre de l’étude. L’étude devrait également être réalisée à plus grande échelle. Néanmoins, ces résultats confirment l’importance capitale de lutter contre l’alcool et les drogues au volant.
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Estelle B. / Docteur en Pharmacie
Sources
Brown T.G. et al. Personality, Executive Control, and Neurobiological Characteristics Associated with different Forms of Risky Driving. 2016. PLoS ONE 11(2): e0150227. doi:10.1371/journal.pone.0150227
Très bon article, dommage que beaucoup de la population Française ne se sente pas concerné.
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