L’an dernier, un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) mettait en garde contre les risques sanitaires liés à la présence de certaines substances chimiques dans les couches jetables pour bébés. L’Agence se penche aujourd’hui sur les protections pour incontinence lourde chez les adultes et pointe du doigt les dépassements de seuils sanitaires pour plusieurs substances chimiques. Ces dépassements s’avèrent particulièrement préoccupants pour les personnes à la peau lésée.
Le marché des protections pour incontinence
Depuis une trentaine d’années, le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de personnes dépendantes ont contribué au développement considérable du marché de l’incontinence. En France, on estime que l’incontinence urinaire concernerait au moins 2,6 millions de personnes âgées de plus de 65 ans.
À savoir ! L’incontinence désigne une perte involontaire d’urine (fuites urinaires) ou de selles pendant la journée ou la nuit, ce qui constitue un problème social et/ou d’hygiène. Ce problème est fréquent et s’accentue avec l’âge.
C’est ainsi qu’a pu fleurir l’offre de produits de protection pour l’incontinence. A l’instar des couches jetables pour bébés, ces protections destinées aux adultes ont pour objectif d’absorber et de retenir les urines et les selles tout en gardant la peau saine et au sec. A la différence que ces protections pour adultes entrent dans la catégorie des dispositifs médicaux.
À savoir ! On désigne par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière ou produit (à l’exception des produits d’origine humaine) utilisé à des fins médicales chez l’homme, seul ou en association. Il s’agit donc d’un produit de santé dont l’action principale voulue n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques.
Suite à l’identification de plusieurs substances préoccupantes dans les couches jetables pour bébés (effets néfastes sur la santé avec augmentation du risque de cancer, effets de perturbateurs endocriniens et neurotoxicité), les experts de l’Anses s’attèlent aujourd’hui à évaluer les risques liés aux substances chimiques présentes dans les protections pour incontinence lourde.
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Des seuils sanitaires dépassés en cas de lésions de la peau
Saisie par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), l’Anses entend évaluer la sécurité de ces produits de protection pour incontinence en matière de risques d’allergie, d’infections, d’intolérance et de risques chimiques, par contact avec la peau ou avec les muqueuses.
Les experts de l’Anses ont ainsi analysé 4 références de protections pour incontinence lourde commercialisées en 2017-2018. Il en ressort que ces produits contenaient différentes substances chimiques dangereuses parmi lesquelles les dioxines, les furanes et le formaldéhyde qui pourraient provenir de la contamination des matières premières ou des procédés de fabrication utilisés. Le risque de la présence de ces substances est leur migration dans les urines ainsi que leur contact prolongé avec la peau.
Après avoir évalué les risques de la présence de telles substances, les experts de l’Anses ont pu dresser les conclusions suivantes :
- Pas de dépassement des seuils sanitaires si la peau est saine
- Seuils sanitaires dépassés en cas de lésions de la peau : le port de ces protections sur le long terme (en continu et sur plus d’1 an) peut entraîner un risque sanitaire pour les populations souffrant de lésions de la peau au niveau du siège.
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De l’importance de limiter les substances chimiques et le risque de pathologies cutanées
Au vu de ces résultats d’expertise, l’Anses émet diverses recommandations aux fabricants de produits de protection pour incontinence :
- Améliorer les procédés de fabrication pour réduire un maximum la présence de substances chimiques indésirables dans les matériaux constituant les changes complets.
- Supprimer l’utilisation de substances parfumantes ayant des effets irritants et sensibilisants pour la peau.
- Mieux documenter la nature des matières premières composant ces produits et les notifier sur les emballages pour que l’utilisateur en soit informé.
L’Anses en appelle par ailleurs aux pouvoirs publics afin qu’ils facilitent l’accès des professionnels de santé à la composition exacte et détaillée des produits dans le cadre du dispositif de matériovigilance.
À savoir ! : La matériovigilance désigne un dispositif de surveillance qui s’exerce sur les dispositifs médicaux après leur mise sur le marché. Ce dispositif a pour objectif d’éviter que ne se (re)produisent des incidents et risques d’incidents graves mettant en cause des dispositifs médicaux, en prenant les mesures préventives et /ou correctives appropriées .
L’Agence recommande enfin aux professionnels de santé ainsi qu’aux utilisateurs de prévenir l’apparition de pathologies cutanées à travers :
- Le respect des bonnes pratiques d’utilisation des protections (changes fréquents, nettoyage et séchage de la peau) pour limiter au maximum les risques d’abîmer la peau au niveau du siège.
- Le signalement de tout effet indésirable lié au port de protections pour incontinence auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament via le Portail internet dédié.
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Déborah L., Docteur en Pharmacie