SEP : comment les infections virales infantiles prédisposent-elles à la survenue de la maladie?

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Rédigé par Julie P. et publié le 12 juillet 2019

Maladie auto-immune du système nerveux central la plus fréquente, la sclérose en plaques touche actuellement 100 000 personnes en France. Pour prévenir cette maladie, il faut désormais mieux cerner ses facteurs de risques. Récemment, une équipe de Genève vient de montrer, chez la souris, par quels mécanismes une infection virale neurologique contractée pendant l’enfance peut augmenter le risque de développer la maladie auto-immune à l’âge adulte.

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Sclérose en plaques : les pistes des origines génétiques et environnementales

Pourquoi le système immunitaire se dirige-t-il contre la gaine de myéline entourant les axones des cellules nerveuses ? Comment se fait-il que la maladie touche trois fois plus les femmes que les hommes ? Pourquoi la sclérose en plaques (SEP) survient-elle majoritairement autour de la trentaine ? Toutes ces questions sans réponse illustrent bien comment il est difficile aujourd’hui de cerner précisément les causes de la survenue de la maladie.

L’ensemble des études sur le sujet met en avant des liens avec le profil du patrimoine génétique mais aussi, des composantes environnementales. Aussi, ces études soulignent souvent, par l’observation, la présence d’une association entre un facteur et la maladie mais moins fréquemment celle du lien de cause à effet.

Sur le terrain de la cause génétique, les chercheurs travaillent sur plusieurs facteurs. En effet, même si cette pathologie auto-immune n’est pas reconnue comme une maladie héréditaire car les parents ne transmettent pas la SEP à leur descendance, il existe cependant une prédisposition familiale puisqu’elle retrouvée plus fréquemment chez les membres d’une même famille. 29 variants génétiques (versions de gène) prédisposant à la maladie ont été identifiés.

Pour les facteurs environnementaux, les études scientifiques ont montré une association possible avec :

  • Les chocs cérébraux vécus pendant l’enfance ;
  • Le tabagisme actif ou passif très tôt dans la vie ;
  • Le contact avec certains produits chimiques comme les solvants organiques ;
  • L’infection par le virus Epstein-Barr (un herpès virus subsistant dans l’organisme toute la vie et pouvant provoquer la survenue de la mononucléose) chez une personne prédisposée génétiquement à la maladie ;
  • Le climat (gradient nord/sud de la maladie en France avec un risque plus important au Nord-Est qu’au Sud-Ouest) et donc, la synthèse de la vitamine D ;
  • La qualité de l’alimentation comme la consommation excessive de sels de table.

La diversité de ces résultats vient défendre l’idée que la SEP n’a pas une origine unique et que c’est probablement la conjonction de plusieurs facteurs, génétiques et envrionnementaux, qui est responsable de sa survenue.

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Une infection virale neurologique pendant la petite enfance crée une zone vulnérable dans le cerveau

Dans ces travaux publiés dans la revue Science Translational Medicine, les chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont étudié le lien potentiel entre les infections virales cérébrales transitoires de la petite enfance et la survenue, à l’âge adulte, d’une maladie auto-immune neurologique.

Ils ont tout d’abord infecté des souriceaux et des souris adultes avec un virus touchant ponctuellement le système nerveux central.

Ensuite, ils ont observé que ces souris n’ont pas présenté de symptômes liés à la maladie tout en éliminant l’infection de leur organisme en 7 jours grâce à une réponse immunitaire antivirale identique.

Après ces premiers éléments, les chercheurs ont laissé vieillir ces deux groupes de souris puis ils leur ont injecté des cellules auto-réactives (cellules immunitaires dirigés contre les structures cérébrales) que l’on retrouve chez un patient atteint de SEP.

« De telles cellules peuvent également être présentes chez l’homme, sans nécessairement être associées à une maladie, car elles sont contrôlées par différents mécanismes et n’ont pas accès au cerveau » explique Karin Steinbach qui a participé à cette étude dans un communiqué de presse de l’UNIGE.

Résultats ? Chez le groupe de souris infectées par le virus à l’âge adulte, ces cellules n’ont pas provoqué de lésions cérébrales. Cependant, chez les souris infectées très tôt dans leur vie, ces cellules auto-réactives ont migré vers le cerveau, au niveau du siège de l’infection infantile, pour y détruire les structures et développer la maladie auto-immune.

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Des lymphocytes T mémoire attirent les cellules auto-immunes au niveau du cerveau

En analysant les tissus de la zone infectée par le virus chez le groupe de souriceaux, les chercheurs ont observé une accumulation anormale d’un sous-type de globules blancs (leucocytes) : les lymphocytes T à mémoire spécifique du tissu cérébral.

À savoir ! Les lymphocytes T mémoire sont des lymphocytes T (Lt) qui apparaissent après un premier contact avec certains antigènes (substances étrangères à l’organisme déclenchant une réaction immunitaire) présents, par exemple, sur les bactéries et les virus. Ils peuvent rester des années dans les circulations sanguines et lymphatiques et dans les ganglions. En gardant en mémoire le profil des antigènes ayant déjà envahi l’organisme, ces Lt mémoire agissent comme des sentinelles. Ils réagiront rapidement quand le même  pathogène reviendra dans l’organisme.  Ils sont capables d’identifier les antigènes mais aussi, de stimuler la production de lymphocytes effecteurs qui vont attaquer l’antigène.

Au niveau moléculaire, ces lymphocytes mémoire produisent une molécule, la chimiokine CCL5, qui attire les cellules auto-réactives vers eux.

Pour vérifier cette hypothèse « d’attraction moléculaire », les chercheurs ont bloqué les récepteurs à CCL5 des cellules auto-réactives. Bilan ?  Les souris ayant été infecté à un âge précoce n’ont pas développé de lésions cérébrales.

Pour aller plus loin dans ces observations, les chercheurs ont vérifié si cet épanchement des lymphocytes T mémoire existait dans le tissu cérébral de patients atteints de SEP. Sans surprise, ils ont retrouvé chez ces personnes une accumulation de cellules immunitaires dans les zones cérébrales lésées.

Pour finalement conclure à l’existence d’un tel mécanisme chez l’homme, les chercheurs doivent néanmoins poursuivre leurs investigations et comprendre aussi pourquoi l’âge de l’infection influence-t-il la migration des cellules immunitaires dans certaines zones cérébrales. Si ces observations sont retrouvées chez l’homme, de nouvelles cibles thérapeutiques seront identifiées.

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Julie P. Journaliste scientifique

– La sclérose en plaques liée aux infections virales infantiles ? UNIGE. Consulté le 9 juillet 2019.