Si les méfaits du tabac pendant la grossesse sont bien connus, les conséquences chez la femme enceinte de la consommation de tabac dans les mois précédant la grossesse le sont moins. Une équipe de scientifiques français a cherché à évaluer l’impact de la consommation de tabac sur le bon déroulement de la grossesse. Leurs travaux suggèrent que la cigarette peut avoir des conséquences sur le placenta même si le sevrage s’effectue avant la grossesse.
Le tabagisme « pré-grossesse » ne serait pas sans conséquences
On le sait, la consommation de tabac pendant la grossesse est néfaste pour la santé de la mère et de l’enfant. Les mécanismes impliqués restent encore mal connus mais des études penchent pour des altérations de la méthylation de l’ADN dans le sang du cordon ombilical ainsi que dans les cellules du placenta qui détient un rôle majeur dans le développement du fœtus.
À savoir ! Le méthylation de l’ADN désigne une modification épigénétique réversible qui induit des changements dans l’expression des gènes sans entraîner de modification de la séquence d’ADN. Les modifications épigénétiques sont induites par l’environnement : la cellule reçoit des signaux l’informant sur son environnement, et se spécialise ou ajuste son activité en fonction.
Si les méfaits du tabac pendant la grossesse sont bien connus, les conséquences chez la femme enceinte de la consommation de tabac dans les mois précédant la grossesse le sont moins. L’impact de l’exposition au tabac avant la grossesse sur la méthylation de l’ADN placentaire n’a en effet jusqu’à présent jamais été étudié. Pour autant, le tabagisme « pré-grossesse » serait-il dénué de conséquences sur son bon déroulement ?
Apparemment pas selon une équipe de scientifiques de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes. Leurs travaux publiés dans BMC Medicine suggèrent en effet que la consommation de tabac peut avoir des conséquences sur le placenta même si le sevrage s’effectue avant la grossesse.
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Une exposition au tabac « enregistrée » par le placenta
L’objectif de cette étude consistait à mesurer et comparer l’impact chez la femme enceinte de la consommation de tabac dans les 3 mois précédant la grossesse et/ou pendant la grossesse sur la méthylation de l’ADN placentaire.
Pour mener à bien leurs recherches, les scientifiques ont étudié l’ADN d’échantillons de placenta prélevés au moment de l’accouchement de 568 femmes, réparties en trois catégories :
- Non-fumeuses : femmes n’ayant pas fumé depuis les trois mois précédant la grossesse ni pendant la grossesse
- Anciennes fumeuses : femmes ayant arrêté de fumer dans les trois mois précédant la grossesse.
- Fumeuses : femmes ayant fumé dans les trois mois précédant la grossesse et pendant toute la durée de la grossesse.
Dans le groupe de femmes fumeuses, les scientifiques ont pu observer des altérations épigénétiques de la méthylation de l’ADN dans 178 régions du génome du placenta. Ces altérations sont en revanche beaucoup moins nombreuses dans le groupe des anciennes fumeuses. Mais vu qu’elles ont été retrouvées dans 26 régions du génome placentaire, il semblerait donc que le placenta conserve la « mémoire de l’exposition au tabac des femmes avant leur grossesse », d’après les auteurs de l’étude.
Forts de ce constat, les scientifiques avancent que fumer pendant et avant la grossesse entraîne des modifications épigénétiques qui pourraient avoir des conséquences sur son bon déroulement.
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Des zones altérées impliquées dans le développement du fœtus
Dans ce contexte, certaines zones du génome du placenta seraient-elles plus vulnérables au tabagisme ? Il semblerait que oui d’après les chercheurs pour qui les régions altérées correspondent le plus souvent à des zones dites « enhancers ». Ces zones ont pour rôle de contrôler à distance l’activation ou la répression de gènes. Parmi ces zones, on distingue des zones situées sur des gènes connus pour jouer un rôle important dans le développement du fœtus.
Pour l’une des chercheuses en charge de l’étude, les modifications de la méthylation de l’ADN placentaire au niveau des gènes liés au développement du fœtus « pourraient en partie expliquer les effets du tabagisme observés sur le fœtus et la santé ultérieure de l’enfant ».
Prochaine étape pour l’équipe de scientifiques ? Déterminer si ces altérations impactent des mécanismes impliqués dans le développement du fœtus et si elles peuvent avoir des conséquences sur la santé de l’enfant. D’ici là, la cigarette n’est que trop déconseillée en cas de grossesse ou de désir d’enfant.
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Déborah L., Docteur en Pharmacie
– Le placenta conserverait la mémoire de l’exposition au tabac avant la grossesse. Inserm. Consulté le 7 octobre 2020.