En France, on détecte chaque année une surdité bilatérale chez près d’un nouveau-né sur 1000. Et dans presque la moitié des cas, le trouble se révèle sévère et profond, ce qui perturbe considérablement l’acquisition du langage oral et le développement socio-affectif de l’enfant. Et s’il existait un espoir de traitement contre la surdité profonde de l’enfant ? C’est ce que suggère un nouvel essai clinique intitulé « Audiogène ». Inédit en France, il teste l’efficacité d’un nouveau médicament de thérapie génique : le SENS-501. Zoom sur les détails de ce projet innovant.
Surdité profonde de l’enfant
En France, on détecte chaque année une surdité (hypoacousie) bilatérale chez près d’un nouveau-né sur 1000. Et dans presque la moitié des cas, le trouble se révèle sévère et profond. À 3 ans, on estime que ce sont 3 enfants sur 1 000 qui souffrent d’une surdité sévère ou profonde. Et ce trouble de l’audition n’est pas sans conséquences sur l’acquisition du langage oral et le développement socio-affectif de l’enfant qui s’en trouvent considérablement affectés. D’où la nécessité de procéder à un diagnostic précoce de la surdité pour tous les enfants.
À savoir ! La surdité profonde se définit comme une perte auditive de plus de 90 décibels, c’est-à-dire que l’enfant n’entend pas du tout les voix.
La plupart des surdités néonatales sont d’origine génétique. Les scientifiques ont déjà identifié près de 130 gènes impliqués et dont la mutation provoque des anomalies du système auditif. Parmi ces gènes figurent le gène OTOF. Lorsqu’il subit une mutation, le gène OTOF bloque la synthèse de la protéine otoferline, impliquée dans la transmission de l’information nerveuse au niveau de la cochlée, ce qui provoque une forme particulière de surdité héréditaire, dite DFNB9.
À savoir ! Les mutations du gène de l’otoferline sont très rares. Elles constituent 1 à 8% des cas de déficience auditive néonatale. D’autres facteurs peuvent également expliquer les surdités néonatales comme une origine infectieuse ou l’administration de molécules toxiques pour l’oreille interne au cours de la grossesse.
A ce jour, il n’existe aucun traitement des surdités. Les enfants souffrant de surdité DFNB9 doivent s’équiper d’implants cochléaires bilatéraux pour pouvoir entendre. Or, même avec ces implants, leur capacité auditive n’est pas optimale. Et les enfants restent ainsi confrontés à des difficultés auditives lors de conversations ayant lieu dans les environnements bruyants. Ce qui a un impact négatif incontestable sur leurs apprentissages scolaires, leur développement cognitif et leurs relations sociales.
« Audiogène » : un essai clinique inédit de thérapie génique
Dans ce contexte, un essai clinique nommé « Audiogène » vient d’être mis en place pour la première fois en France sur un panel d’enfants âgés de 6 à 31 mois et atteints de surdité profonde DFNB9.
L’objectif de cet essai clinique ? Evaluer la sécurité d’emploi et l’efficacité d’un nouveau médicament de thérapie génique : le SENS-501. Développé par la Biotech Sensorion, ce médicament vise à restaurer l’audition en corrigeant l’anomalie génétique des cellules de l’oreille interne des enfants souffrant de surdité DFNB9.
Dans le détail, le médicament SENS-501 contient une copie du gène normal de l’otoferline. Mais pour que cette copie du gène puisse pénétrer dans les cellules de l’oreille interne, elle doit être transportée par un vecteur viral à-même de traverser la membrane cellulaire. Le vecteur viral est ici le vecteur adéno-associé (AAV). Et comme le gène OTOF est trop long pour un seul vecteur, il sera divisé en deux fragments d’ADN qui seront chacun transportés par un vecteur AAV. Les deux fragments d’ADN s’assembleront ensuite à l’intérieur des cellules de l’oreille interne.
À savoir ! Les vecteurs viraux AAV sont inoffensifs et fabriqués conformément aux plus hauts standards industriels.
Dans le cadre de l’essai clinique « Audiogène », il est prévu que le médicament SENS-501 soit injecté sous anesthésie générale et directement dans l’oreille interne des petits patients. Cette intervention sera réalisée par un chirurgien ORL référent. L’essai clinique compte tester différentes doses pour que la dose la plus optimale soit ensuite sélectionnée.
Un traitement prometteur contre la surdité profonde de l’enfant
Développé par un consortium de scientifiques français, cet essai clinique inédit est porteur d’espoir pour la prise en charge des jeunes patients souffrant de surdité en ce sens qu’il offre une alternative à l’implantation cochléaire. Et les travaux sur le sujet ne manquent pas dans le monde vu que d’autres essais cliniques similaires sont prévus ou sont actuellement en cours dans divers pays européens ainsi qu’en Chine et aux Etats-Unis.
À savoir ! L’essai clinique « Audiogène » regroupe des équipes de scientifiques de l’Institut de l’Audition, de l’Institut Pasteur, de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, de la biotech Sensorion et de la Fondation Pour l’Audition.
Et les instigateurs d’«Audiogène» ne comptent pas s’arrêter là. Ils prévoient déjà d’élargir les indications de ce traitement par thérapie génique à d’autres causes de surdité. Affaire à suivre !
Rédiger par Déborah L., le 05 Février, Dr en Pharmacie
– Troubles de l’audition – Surdités. www.inserm.fr. Consulté le 05 Février 2024.
– La surdité et les causes de la perte auditive.www.ameli.fr. Consulté le 05 Février 2024.