Vivre après un cancer de la prostate : le chemin de la guérison

Par |Publié le : 20 novembre 2025|Dernière mise à jour : 20 novembre 2025|5 min de lecture|

Après les traitements, la vie reprend… mais différemment. Fatigue, troubles urinaires ou sexuels, douleurs ou anxiété : les séquelles du cancer de la prostate nécessitent un accompagnement global. Le Dr Arnaud Morel, responsable du parcours après-cancer PASCA au Centre Léon Bérard (CLB) à Lyon, explique comment aider les patients à retrouver équilibre et confiance.

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Le cancer de la prostate reste le plus fréquent des cancers masculins, et les traitements permettent, dans la majorité des cas, une guérison durable. Mais « la fin des soins ne signifie pas la fin du parcours », souligne le Dr Arnaud Morel. Au Centre Léon Bérard, il coordonne un hôpital de jour dédié à la prise en charge des complications et des séquelles de l’après-cancer. « Nous recevons les patients de trois mois à cinq ans après la fin du traitement hospitalier. Ce délai leur permet de mesurer l’impact des séquelles de leur traitement au quotidien. Notre objectif lors du bilan, c’est les aider à nous en faire part et de trouver des solutions à leurs problèmes avec eux. »

Des séquelles physiques et intimes parfois lourdes

Après une chirurgie ou une radiothérapie, les troubles urinaires et sexuels sont fréquents. « Certains patients rapportent des fuites et des incontinences urinaires, des troubles érectiles ou une perte de libido. Ces séquelles peuvent avoir un fort retentissement sur la qualité de vie et la confiance en soi », souligne le Dr Morel. Les traitements hormonaux, prescrits pour freiner la progression du cancer, peuvent eux aussi entraîner des effets notables : bouffées de chaleur, prise de poids, fonte musculaire, douleurs articulaires… « Ces symptômes physiques peuvent devenir chroniques et accentuer la fatigue. Ils demandent un suivi spécifique. »

La fatigue, justement, reste la plainte la plus fréquente. « D’après une étude nationale française de grande ampleur (1), 1 patient sur 2 déclare conserver de la fatigue 5 ans après la fin de ses traitements. Elle peut aussi bien se manifester sur le plan physique que sur le plan intellectuel ou psychologique », précise-t-il. Pour certains hommes, ce ralentissement est difficile à accepter, surtout après des traitements vécus comme une parenthèse dont ils espéraient vite se relever. »

Fatigue, mémoire, moral : un accompagnement global

L’après-cancer de la prostate nécessite une approche pluridisciplinaire. « Nous abordons trois grandes sphères : physique, psychologique et sociale. L’épreuve du cancer bouleverse tous les aspects de la vie », insiste le Dr Morel. Les troubles de la mémoire et de la concentration sont également fréquents. « Près de 60 % des patients que je rencontre se plaignent de difficultés cognitives, qui sont un effet secondaire fréquent de certains traitements. Elles peuvent aussi être aggravées par d’autres facteurs, tels qu’un mauvais sommeil, du stress chronique ou un manque d’activité physique. »

Lors de la consultation, tout est passé en revue : douleurs, troubles du sommeil, alimentation, vie sexuelle, image du corps, reprise du travail. « Les hommes parlent peu de leurs difficultés, surtout sur le plan intime. C’est pour cela que nous leur offrons un espace bienveillant où ils peuvent se confier. C’est à ce moment-là qu’on peut vraiment les aider. »

Pour répondre à ces besoins multiples, l’équipe du CLB s’appuie sur plusieurs leviers, dont l’activité physique adaptée. « Elle permet de restaurer la force musculaire et de lutter contre la fatigue, en particulier chez les hommes sous hormonothérapie. C’est aussi un excellent levier de bien-être psychologique », souligne le Dr Morel. Ces séances, encadrées par des enseignants en activité physique adaptée, sont individualisées et tiennent compte de la fatigue, de la condition physique et des traitements reçus.

Retrouver des repères et redevenir acteur

« Notre rôle n’est pas de remplacer le médecin traitant, mais de remettre le patient dans une dynamique de suivi », explique le Dr Morel. « Après un cancer, 1 patient sur 3 n’a pas de suivi de sa maladie avec son médecin généraliste. Certains pensent que ce n’est pas nécessaire, d’autres que leur médecin traitant ne peut pas leur porter assistance, ce qui est faux. Notre travail, c’est de les aider à renouer le lien avec les soignants. »

Au CLB, le parcours après-cancer PASCA veille aussi à l’éducation à la santé. « Nous donnons des outils aux patients pour leur permettre de redevenir acteur : apprendre à surveiller sa tension, reprendre une activité physique, gérer ses douleurs, travailler la mémoire ou parler de sa sexualité sans tabou. » Cette approche globale permet de restaurer confiance et autonomie : « L’après-cancer, c’est un apprentissage. On ne revient pas forcément à la vie d’avant, mais on apprend à vivre autrement. »

Repenser son quotidien

Le retour à la vie quotidienne, la reprise du travail ou la sexualité sont autant d’étapes à franchir. « Chaque homme avance à son rythme, selon son âge, son entourage, sa personnalité. Notre mission, c’est de les accompagner pour qu’ils reprennent leur place, dans leur corps comme dans leur vie. » Vivre après un cancer de la prostate, c’est accepter d’avoir traversé une épreuve et d’en sortir transformé. « Il faut du temps, du soutien et de la bienveillance, mais on peut retrouver une très bonne qualité de vie. Le plus important, c’est de ne pas rester seul. »

(1) Etude VICAN5 pilotée par l’Institut National du cancer

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Peggy Cardin
Peggy Cardin
Journaliste spécialisée en santé
Peggy Cardin-Changizi Journaliste spécialisée en santé depuis plus de vingt ans. Elle traite des sujets de prévention, de santé publique et de médecine au quotidien, avec pour objectif de rendre l'information médicale claire, fiable et accessible à tous. Rédige un contenu scientifique fiable avec des sources vérifiées en respect de notre charte HIC.