En France, les allergies alimentaires touchent 3% de la population. Pour les prévenir ou les faire disparaître, des chercheurs de Boston ont identifié, chez des nourrissons, des bactéries intestinales protectrices dans la flore. Zoom sur les modalités de cette découverte et ses possibles implications thérapeutiques.
Allergies alimentaires et équilibre de la flore intestinale
L’implication du dysfonctionnement du microbiote intestinal dans les différentes allergies alimentaires n’est pas encore totalement élucidée.
À savoir ! Le tube digestif abrite 10 12 à 10 14 micro-organismes, soit 2 à 10 fois plus que le nombre de cellules qui constituent notre corps. C’est l’équivalent de deux kilogrammes de micro-organismes. Cet ensemble de bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes constitue le microbiote intestinal ou flore intestinale
Cependant, une chose est sûre : une flore intestinale altérée d’un point de vue qualitatif et/ou quantitatif pourrait jouer un rôle dans le développement de ces allergies.
Pour aller plus loin dans ce champ de recherche, une équipe de l’hôpital pédiatrique de Boston et de la Brigham and Women’s Hospital a analysé minutieusement le profil de la flore intestinale de 154 nourrissons.
Ils ont collecté des échantillons de selles tous les quatre à six mois chez 56 nourrissons ayant développé une allergie alimentaire et chez 98 autres nourrissons n’ayant pas développé d’allergie alimentaire.
Grâce à l’identification et la comparaison des bactéries présentes dans les selles des deux groupes de nourrissons, ils ont réussi à mettre en évidence que les profils bactériens étaient différents.
Ensuite, chez le modèle murin porteur d’une allergie alimentaire (allergiques notamment aux oeufs), l’équipe a transplanté des échantillons de microbiote fécal de nourrissons avec ou sans allergie alimentaire.
Sans attendre, ils ont constatait que les souris recevant le microbiote des nourrissons sans allergie étaient mieux protégées contre l’allergie aux œufs que celles ayant reçu le microbiote des nourrissons ayant des allergies alimentaires.
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Identification de six espèces bactériennes protectrices
Grâce à l’analyse informatique des données génomiques sur l’ensemble des bactéries, les chercheurs ont identifié les espèces susceptibles de protéger un individu des allergies alimentaires.
Deux catégories distinctes de cinq à six espèces de bactéries dérivées de l’intestin humain appartenant aux genres Clostridiales et Bacteroidetes pourraient supprimer les allergies alimentaires chez le modèle murin.
« Cela représente un changement radical dans notre approche thérapeutique des allergies alimentaires. Si nous administrons des microbes protecteurs à titre thérapeutique, nous pouvons non seulement prévenir les allergies alimentaires, mais aussi faire reculer les allergies alimentaires existantes dans des modèles précliniques. Avec ces microbes, nous réinitialisons, en quelque sorte le système immunitaire » a déclaré la coauteure principale Lynn Bry; directrice du centre Massachusetts Host-Microbiome à l’hôpital Brigham.
En s’intéressant aux mécanismes immunologiques qui sous-tendent cet effet protecteur, les chercheurs ont constaté que les Clostridiales et Bacteroidetes ciblaient deux voies immunologiques importantes et stimulaient des lymphocytes T régulateurs pour défavoriser les réponses immunitaires allergiques.
À savoir ! Les cellules T régulatrices ou lymphocytes T régulateurs forment une catégorie de lymphocytes (globules blancs) qui participent à la tolérance immunitaire en régulant l’activité des lymphocytes T effecteurs. Ils aident à prévenir l’activation des lymphocytes auto-immuns qui détruisent les cellules de leur propre organisme.
Ces mécanismes ont d’ailleurs été observés à la fois dans les modèles précliniques et chez les nourrissons.
Avant de tester l’efficacité et l’innocuité de cette bactériothérapie chez l’homme, d’autres essais sont nécessaires chez le modèle animal.
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Julie P., Journaliste scientifique
– Microbiota therapy acts via a regulatory T cell MyD88/RORγt pathway to suppress food allergy. Nature Medicine. Consulté le 10 septembre 2019.