En France, une personne sur 50 000 est touchée par cette maladie héréditaire rare affectant certaines cellules du système nerveux central. Actuellement, il n’y a pas encore de traitement pour guérir l’ataxie de Friedreich. Récemment, une équipe de chercheurs strasbourgeoise, dirigée par Hélène Puccio, a mis au point une thérapie génique pour freiner la dégénérescence des neurones. Zoom sur ces résultats très encourageants observés chez la souris.
Insérer le gène déficitaire pour restaurer sa fonction
Les recherches sur la maladie de Friedreich prennent différents axes comme :
- L’étude du rôle de la frataxine (protéine intracellulaire déficitaire dans cette maladie) ;
- La création de modèles cellulaires et animaux (souris) de la maladie ;
- Les essais de substances médicamenteuses.
À savoir ! L’ataxie de Friedreich est une maladie génétique rare. Elle est due à une anomalie située dans le gène X25 qui est localisé sur le chromosome 9. Ce gène X25 est responsable de la synthèse d’une protéine essentielle à l’activité des mitochondries (les centrales énergétiques des cellules) : la frataxine. Les symptômes de la maladie surviennent habituellement entre l’âge de 7 et 14 ans, rarement après 20 ans (80% des cas surviennent avant 20 ans). Cependant, la maladie peut aussi se développer plus tardivement. Elle débute habituellement par des troubles de la marche avec une instabilité en position debout. Puis des troubles de coordinations apparaissent touchant les membres supérieurs, l’articulation de la parole puis la déglutition. L’ataxie signifie « troubles de l’équilibre et de la coordination des mouvements volontaires ». De plus, dans certains cas, le cœur devient plus gros que la normale et s’affaiblit entraînant des palpitations, des douleurs à la poitrine et des difficultés respiratoires (dyspnée). Des troubles ostéo-articulaires peuvent aussi être observés comme une scoliose. Enfin 10 à 20 % des malades ont un diabète.
En 2014, l’équipe d’Hélène Puccio a démontré l’efficacité d’une thérapie génique permettant de prévenir et inverser rapidement la cardiomyopathie associée à l’ataxie de Friedreich.
Pour ce faire, les chercheurs ont injecté une copie normale du gène de la frataxine chez une souris modèle de la maladie. Cependant, cette thérapie n’a pas pu agir sur la dégénérescence de neurones sensoriels puisque ce modèle animal n’était pas fiable pour étudier la dégénérescence neuronale.
À savoir ! Le cervelet est une structure de l’encéphale qui joue un rôle important dans le contrôle moteur et dans certaines fonctions cognitives, telles que l’attention, le langage et la régulation de certaines émotions.
Dans ces travaux récents publiés dans la revue Molecular Therapy, l’équipe d’Hélène Puccio a travaillé sur un nouveau modèle de souris présentant un déficit en frataxine dans certains neurones sensitifs et certaines cellules du cervelet. Ces souris étaient donc en capacité de « mimer » les déficiences sensorielles dont souffrent les patients atteints de l’ataxie de Friedreich.
« Le dysfonctionnement neuronal débute dans les neurones proprioceptifs des ganglions dorso-rachidiens présents le long de la colonne vertébrale, mais il est aussi présent dans le cervelet. Les neurones proprioceptifs sont responsables de la sensibilité profonde. Ils permettent de se positionner dans l’espace, de savoir où se trouvent les différentes parties de son corps les yeux fermés. Leur perte oblige à réajuster ses mouvements en permanence. L’atteinte du cervelet, notamment celle du noyau dentelé, accentue les problèmes avec une difficulté pour réguler les mouvements volontaires » explique Hélène Puccio dans un communiqué de l’INSERM.
À savoir ! La sensibilité proprioceptive permet d’avoir conscience de la position et des mouvements de chaque segment du corps. Elle envoie, inconsciemment au système nerveux, des informations nécessaires à l’ajustement des contractions musculaires pour les mouvements et le maintien des postures et de l’équilibre. La sensibilité intéroceptive concerne les organes et la sensibilité extéroceptive concerne la peau et les organes des sens.
Finalement, ce nouveau modèle animal développe une ataxie qui reproduit les premiers symptômes de la maladie.
À savoir ! Un vecteur viral est un outil couramment utilisé en biologie moléculaire pour délivrer un gène d’intérêt à l’intérieur de cellules. Ce procédé peut être utilisé sur un organisme vivant (in vivo) ou sur des cellules maintenues en culture (in vitro). Le virus (rendu inoffensif) incorpore le gène intégré au génome à l’intérieur des cellules qu’il infecte.
Ici, les chercheurs ont injecté à ces souris une copie normale du gène de la frataxine .L’injection de ce vecteur viral par voie intraveineuse a permis de cibler les ganglions rachidiens postérieurs situés le long de la colonne vertébrale tandis que l’injection par voie intracérébrale a permis d’atteindre les cellules nerveuses du cervelet.
Les résultats ?
En quelques jours, les symptômes neurologiques ont été éliminés. Les chercheurs ont réussi, grâce à la thérapie génique, à prévenir la dégénérescence des neurones, mais aussi, à sauver des neurones qui avaient déjà perdu leurs fonctions.
Lire aussi – Un plan national dédié aux maladies rares
Une thérapie génique pour freiner la dégénérescence des neurones.
Les chercheurs ont observé que les neurones proprioceptifs, bien qu’ils soient totalement dysfonctionnels, peuvent survivre plusieurs semaines sans frataxine. Ils définissent ainsi ce temps comme » une fenêtre thérapeutique potentielle « .
« Chez la souris, les neurones ne meurent pas tout de suite. La fenêtre thérapeutique est d’environ dix semaines, ce qui est très long. Mais chez les patients atteints d’ataxie de Friedreich, il est difficile de savoir si les neurones proprioceptifs sont encore présents au moment du diagnostic. Seules des données obtenues dans le cadre d’autopsies post-mortem, des années après le début de la maladie, montrent que les neurones proprioceptifs ont disparu« explique-t-elle.
Cependant, il est encore trop tôt pour passer à l’étape clinique et les chercheurs doivent vérifier :
- Les conditions dans lesquelles le vecteur viral est utilisable sur l’homme (mode d’injection, répartition dans les cellules de l’organisme) ;
- Le profil des patients qui devront participer à l’étude (stade de la maladie)
Même si cette thérapie génique est pleine d’espoir, les chercheurs soulignent qu’il faut continuer, en parallèle, à entreprendre des recherches sur l’approche médicamenteuse.
Lire aussi – CRISPR/CAS9 : soigner les maladies héréditaires avant la naissance
Julie P., Journaliste scientifique
Merci.
Les commentaires sont fermés.