Depuis un demi-siècle, les hommes voient la qualité de leur sperme diminuer. Pour les scientifiques, ce phénomène est lié à l’impact de différents facteurs environnementaux et comportementaux. Dès lors, compte tenu de la place prépondérante occupée de nos jours par les téléphones portables, leur utilisation pourrait-elle affecter la qualité du sperme et donc la santé reproductive masculine ? C’est ce qu’ont cherché à savoir des scientifiques suisses. Zoom sur les conclusions de leur étude publiée dans la revue Fertility & Sterility.
Qualité du sperme et santé reproductive
Liquide visqueux sécrété dès la puberté par les organes sexuels reproducteurs masculins, le sperme est indispensable à la fécondation. Il se compose d’eau, d’hormones, de neurotransmetteurs, d’endorphines et de 1% de spermatozoïdes dont le nombre doit osciller entre 20 et 200 millions par millilitre de liquide. Pour évaluer la qualité du sperme, plusieurs paramètres doivent être pris en compte comme la concentration des spermatozoïdes, leur nombre total, leur motilité ainsi que leur morphologie.
À savoir ! D’après l’organisation mondiale de la santé, le pourcentage de chances de grossesse diminue si la concentration de spermatozoïdes est inférieure à 40 millions par millilitre de sperme.
Cependant, force est de constater que depuis un demi-siècle, la qualité du sperme est en baisse avec un nombre de spermatozoïdes ayant été divisé par deux (de 99 millions par millilitre en moyenne il y a cinquante ans à 47 millions par millilitre aujourd’hui). Quant aux causes d’infertilité masculine, elles restent indéterminées dans 35% des cas. Pour les scientifiques, cette dégradation de la qualité du sperme serait liée à l’impact de différents facteurs environnementaux (comme les perturbateurs endocriniens, les pesticides, les radiations) et comportementaux (comme l’alimentation, l’alcool, le stress, le tabagisme).
Dès lors, compte tenu de la place prépondérante qu’occupent les téléphones portables dans notre quotidien, leur utilisation pourrait-elle affecter la qualité du sperme et donc la santé reproductive ? C’est ce qu’ont cherché à savoir des scientifiques suisses.
Les téléphones portables responsables de la baisse de qualité du sperme ?
Forte des conclusions d’une première étude nationale menée en 2019 sur la qualité du sperme des jeunes hommes suisses, une équipe de scientifiques de l’Université de Genève a mis sur pied une grande étude transversale. Cette nouvelle étude décrypte les données de 2886 jeunes hommes suisses de 18 à 22 ans, recrutés entre 2005 et 2018 au sein de six centres de conscription militaire.
L’objectif de ces travaux ? Etudier le lien entre la qualité du sperme de 2886 hommes et leur usage des téléphones portables. Pour cela, les participants ont été invités à remplir un questionnaire détaillé relatif à :
- Leur état de santé général.
- Leurs habitudes de vie.
- La fréquence d’utilisation de leur téléphone portable.
- L’endroit de dépôt de leur téléphone portable hors utilisation.
Les scientifiques ont alors observé un lien entre une concentration plus faible en spermatozoïdes et une utilisation fréquente du téléphone portable. La concentration en spermatozoïdes étaient en effet réduite de 21% chez les utilisateurs fréquents (plus de 20 fois/jour) par rapport aux utilisateurs rares (moins d’une fois/semaine).
Autre observation intéressante : plus prononcée dans les premières années du suivi, cette association s’est estompée avec le temps, en lien certainement avec le passage du réseau 2G au réseau 3G, puis du réseau 3G au réseau 4G.
À savoir ! Les progrès réalisés dans les technologies cellulaires et les changements successifs de générations de ces technologies (2,3,4G) ont permis une réduction de la puissance d’émission des téléphones portables.
Quant à la localisation du téléphone portable hors utilisation, elle n’était pas associée à une qualité moindre du sperme. Mais les auteurs se montrent prudents sur ce point car le nombre de participants ayant indiqué qu’ils ne portaient pas leur téléphone près du corps était trop faible pour pouvoir en tirer une conclusion ferme.
Enfin, aucune association n’a en revanche pu être trouvée entre l’utilisation du téléphone portable et la faible motilité et la morphologie des spermatozoïdes.
Des recherches à approfondir
Par ailleurs, les auteurs conviennent que cette étude se heurte à certaines limites dans la mesure où les données recueillies restent des données déclaratives. Or, la fréquence d’utilisation annoncée par les participants est loin d’être un indicateur précis quant à leur exposition réelle aux rayonnements électromagnétiques.
Une nouvelle étude a donc été lancée en 2023 afin d’approfondir les recherches sur le sujet. Elle consiste à mesurer exactement l’exposition des usagers aux ondes électromagnétiques selon les différents types d’utilisation possibles (appels téléphoniques, navigation sur le web, envoi de messages). Pour cela, les données sont recueillies au moyen d’une application téléchargée par chaque participant sur son téléphone portable. L’objectif étant d’évaluer l’impact réel de ces ondes sur la fertilité et la santé reproductive masculine. Affaire à suivre !
Déborah L., Dr en Pharmacie