Consortium européen d’études cliniques, chaire Fondamental, start-ups internationales… les initiatives publiques et privées visant à comprendre et traiter l’autisme sous le prisme du Big Data sont en plein essor. Compte tenu de la diversité des profils des enfants et adultes atteints de ce trouble envahissant du développement (TED), les scientifiques se tournent vers les données génétiques et biologiques. Quels sont les bénéfices et les risques d’une telle approche ? Eclairage.
Une caractérisation biologique de l’autisme
Depuis juillet 2018, Autisme-Europe est partenaire d’un nouveau consortium nommé Innovative Medicine Studies-2-Trials (AIMS-2-Trials), codirigé par l’Institut de psychiatrie, de psychologie et de neurosciences du King’s College de Londres et du centre F. Hoffmann-La Roche à Bâle.
L’objectif de ce projet de recherche incluant des études cliniques dans toute l’Europe est d’améliorer la compréhension de l’autisme et de ses problèmes annexes (épilepsie, anxiété, dépression) grâce à la connaissance du profil biologique des patients.
Grâce à une meilleure connaissance des différentes catégories de ce trouble du neuro-développement, les scientifiques comptent développer de nouvelles thérapies médicamenteuses visant à retarder la survenue des symptômes ou diminuer leur intensité.
À savoir ! Plusieurs centaines de gènes sont soupçonnés d’être impliqués dans l’autisme. Aujourd’hui, les chercheurs attribuent 30% des cas à des variations de nombre de copies par de grandes délétions (perte d’ADN), de grandes duplications du génome, ou des mutations génétiques spontanées dans un gène codant une protéine. Ces gènes sont impliqués dans des processus biologiques divers, mais la plupart d’entre eux participent à la formation du système nerveux et des connexions entre les neurones et à la synthèse de molécules indispensables au bon fonctionnement du cerveau. Pour les 70% restants, les causes restent inconnues.
« Beaucoup de personnes autistes sont confrontées à des problèmes de santé […]. Cette subvention nous permettra de combler le fossé entre la biologie de base et la clinique en offrant des approches personnalisées qui traitent des problèmes qui affectent vraiment la vie des personnes autistes » précise Declan Murphy, directeur académique du projet et directeur de l’Institut Sackler pour le neurodéveloppement translationnel au King’s College.
Les objectifs de cette approche thérapeutique sont de :
- Classer les patients autistes en sous-groupe selon leur profil génétique et biologique en utilisant le Big Data ;
- Compléter le diagnostic psychiatrique par une approche biologique ;
- Développer des molécules plus efficaces et des thérapies adaptées à chaque sous-catégorie ;
- Rompre l’isolement des familles.
En Suisse, la société de biotech Stalicla assure avoir trouvé deux phénotypes, soit deux sous-groupes. Ils représentent environ 20% des 80% de personnes dites idiopathiques, c’est-à-dire celles chez qui l’origine génétique de la maladie n’est pas caractérisée.
Actuellement la société suisse, fondée en 2017, travaille sur l’utilisation de deux molécules pharmaceutiques qui pourrait soulager les symptômes de ces deux phénotypes.
« Il ne s’agit pas d’un remède, mais de molécules qui soulagent les symptômes, et qu’il faudra combiner avec des thérapies cognitivo-comportementales qui restent le mètre étalon en la matière » précise Lynn Durham, directrice de Stalicla.
Lire aussi – Austime : Un diagnostic cérébral dès l’âge de 6 mois ?
Les limites du Big Data
Une fois le gène vulnérable identifié, les scientifiques doivent absolument comprendre les mécanismes biologiques qui leur sont rattachés pour développer des thérapies adaptées. C’est une des parties les plus difficiles du travail de recherche.
De plus, il ne faut pas oublier que toutes les formes d’autisme ne semblent pas être causées par des anomalies génétiques.
Cette approche Big Data ne prend pas en compte de nombreux facteurs non génétiques impliqués dans la survenue de la maladie comme les conditions environnementales qui peuvent affecter le développement du cerveau pendant la vie intra-utérine ou après la naissance.
Parmi les défis à relever, les chercheurs devront désormais réaliser des essais cliniques plus ciblés incluant un type de sous-groupes particulier. Cette condition restrictive ne facilitera pas le travail des chercheurs. Pour réaliser des études cliniques sur un nombre important de patients, il sera nécessaire que les grands centres de recherche spécialisés dans les troubles du spectre autistique collaborent davantage.
Autre préoccupation : trouver les investissements nécessaires pour réaliser les études cliniques et développer de nouvelles molécules.
Lire aussi – Autisme : communiquer grâce aux nouvelles technologies
Julie P., Journaliste scientifique