Bisphénol A et autisme : des soupçons grandissants

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Rédigé par Estelle B. et publié le 12 décembre 2017

Les troubles du spectre de l’autisme toucheraient près d’un enfant sur 100 en France selon les dernières estimations. Un chiffre alarmant pour ces troubles du développement, dont les origines restent méconnues et pour lesquels il n’existe aucun traitement curatif. L’exposition au bisphénol A est depuis longtemps pointée du doigt, mais les scientifiques peinent à démontrer formellement un lien entre le composé chimique et la maladie.

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Bisphénol A et autisme : un lien difficile à prouver

Les causes de l’autisme restent mal connues, et différents facteurs génétiques, neurobiologiques et environnementaux sont à l’étude. Parmi les causes environnementales possibles, le bisphénol A est suspecté depuis longtemps d’être lié aux troubles du spectre autistique, sans qu’aucune preuve formelle n’ait pu être apportée jusque-là.

À savoir ! Les troubles du spectre autistique (notés TSA) regroupent plusieurs troubles du développement :

  • L’autisme (trouble envahissant du développement qui affecte les fonctions cérébrales) ;
  • Le syndrome d’Asperger de l’X fragile ;
  • Le syndrome de Landau-Kleffner ;
  • Le syndrome de Rett ;
  • Le trouble désintégratif de l’enfance ;
  • Les troubles envahissants du développement non spécifiés (TED-NOS).

Un récent article publié dans la revue scientifique Encéphale fait le point sur le lien entre l’exposition au bisphénol A et le développement de l’autisme, et souligne que l’existence d’une relation de cause à effet est de plus en plus probable.

Dans les pays développés, la prévalence des troubles du spectre de l’autisme sont en augmentation au cours des dernières années. Cette évolution de l’autisme serait liée selon les spécialistes à deux phénomènes :

  • Un meilleur diagnostic des troubles du développement ;
  • Une augmentation des cas, suggérant l’intervention d’un facteur environnemental.

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Le bisphénol A et ses dangers

Le bisphénol A est une substance chimique de synthèse, utilisée depuis plus de 50 ans dans un grand nombre d’applications industrielles : production de polycarbonates (plastiques), intermédiaire de synthèse des résines époxydes et de certains retardateurs de flammes, composant d’autres polymères et résines, révélateur dans les papiers thermiques (tickets de caisse), etc.

In utero, le fœtus est exposé en même temps que sa mère, puisque le bisphénol A traverse la barrière placentaire. Après la naissance, les enfants sont exposés de plusieurs manières :

  • A 80 % par l’alimentation, en consommant des aliments conservés dans des contenants plastiques avec du bisphénol A ;
  • Par inhalation (bisphénol A présent dans l’air ambiant) ;
  • Par absorption transcutanée (contact avec un produit contenant du bisphénol A).

Le bisphénol A est aujourd’hui reconnu comme un perturbateur endocrinien et une substance toxique pour le fœtus. En France, les autorités sanitaires ont interdit son utilisation pour la fabrication des biberons en 2010 et dans tous les contenants alimentaires en 2015. Elles recommandent par ailleurs de réduire ou de supprimer son utilisation dans d’autres applications, pour minimiser l’exposition de la population.

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Bisphénol A et autisme : de l’environnement aux gènes

Les soupçons d’un lien entre le bisphénol A et les troubles du spectre autistique sont très importants, mais comment le prouver ? Un nombre croissant d’études scientifiques suggère que certaines substances de l’environnement interagissent précocement avec le génome, des interactions qui pourraient être impliquées dans les troubles du développement.

En 2015, une étude a montré pour la première fois que le métabolisme du bisphénol A (utilisation et dégradation du composé chimique par l’organisme) était différent chez les enfants atteints de troubles du spectre autistique, par rapport à des enfants témoins. Le bisphénol A pourrait provoquer des perturbations, qui seraient à l’origine de troubles du développement chez l’enfant, en particulier :

  • Une augmentation des taux sanguins de sérotonine ;
  • Un défaut de développement du système sérotoninergique cérébral (la sérotonine est un neurotransmetteur impliqué notamment dans la régulation de l’humeur, du sommeil, de l’appétit, de la douleur et de la température du corps) ;
  • Une perturbation des mécanismes liés au GABA (neurotransmetteur cérébral, qui module l’activité du système nerveux central) ;
  • Des troubles des hormones thyroïdiennes (essentielles pour la synthèse des neurones de l’embryon et du fœtus).

Le lien précis entre le bisphénol A et les troubles du spectre de l’autisme reste difficile à démontrer, car ces troubles du développement résulteraient de l’intervention de plusieurs facteurs (maladie multifactorielle). Des facteurs environnementaux, comme le bisphénol A, pourraient jouer un rôle crucial dans le développement de la maladie, chez des sujets ayant une prédisposition génétique.

Depuis l’interdiction du bisphénol A, les industriels l’ont remplacé par d’autres bisphénols (S et F notamment). Mais ces substituts sont-ils sans danger ? Certaines études ont déjà montré en laboratoire qu’ils perturbaient le fonctionnement des cellules testiculaires fœtales humaines.

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Estelle B., Docteur en Pharmacie

– Bisphénol A. ANSES. Mis à jour le 12 octobre 2017.
– Autism spectrum disorders and bisphenol A: Is serotonin the lacking link in the chain? Sarrouilhe, D. and al. 2017. L’Encéphale 43 :402–404.