Et si la lutte contre certaines déficiences génétiques pouvait trouver espoir dans la nature ? Et plus particulièrement sur les sols de nos forêts ? En testant des extraits du champignon de type Lepista inversa (ou clitocybe inversé) sur des cellules de patients atteints de mucoviscidose, une équipe française a montré qu’il était possible de corriger leur défaillance génétique à l’origine de la maladie. Focus sur l’étude.
À l’origine, une défaillance dans la machinerie génétique
Certains individus atteints de maladies génétiques rares, comme la mucoviscidose ou la myopathie de Duchenne, sont porteurs, dans leur ADN, d’une mutation, appelée « mutation non-sens ». Celle-ci entraîne la synthèse d’une protéine incomplète qui ne va plus assurer sa fonction dans l’organisme.
Aujourd’hui, on estime que 10% des patients atteints d’une maladie génétique portent une mutation non-sens responsable de leur pathologie.
Les mutations génétiques de type « non-sens » peuvent causer également l’hémophilie mais elles sont également retrouvées dans les maladies fréquentes comme les cancers, les troubles métaboliques et neurologiques.
À savoir ! Une mutation génétique « non sens » se traduit par la présence d’une portion d’ADN muté qui ne code pour aucun acide aminé connu. La synthèse de la protéine (qui est elle-même un enchainement d’acides aminés) correspondante s’arrête automatiquement et elle est alors tronquée et dysfonctionnelle.
Dans la mucoviscidose, c’est la protéine dénommée CFTR (Cystic Fibrosis Conductance Transmembrane Regulator) qui est non fonctionnelle entrainant une anomalie du mucus bronchique.
Dans la myopathie de Duchenne, c’est la protéine dystrophine qui est non fonctionnelle causant une dégénérescence progressive des muscles.
À savoir ! La myopathie de Duchenne ou dystrophie musculaire de Duchenne est une maladie génétique rare provoquant une dégénérescence progressive des muscles et touchant ainsi le système cardiaque, respiratoire et digestif. Elle est la conséquence d’une anomalie génétique dans le gène DMD qui est responsable de la synthèse d’une protéine impliquée dans le soutien des fibres musculaires, la dystrophine. La maladie touche chaque année 150 à 200 garçons nouveau-nés en France. Actuellement, 2 500 personnes vivant en France sont touchées par cette maladie génétique.
Pour contrer cette mutation « non sens » présente dans l’ADN, une équipe de chercheurs, encadrée par Fabrice Lejeune du CNRS et de l’Institut Pasteur de Lille, a testé les effets de différents extraits de végétaux et de champignons sur des cellules dont l’ADN est muté.
Parmi l’ensemble de ces extraits, détenus précieusement dans les collections du Museum National d’Histoire Naturelle, ils ont découvert que le champignon Lepista inversa, avait des propriétés thérapeutiques sur des cellules de patients atteints de mucoviscidose.
À savoir ! Le Lepista inversa ou clitocybe inversé est un champignon comestible retrouvé, en colonies, à l’automne, dans les sous-bois de feuillus et de conifères en France et en Europe. Son chapeau est jaune orangé et son pied plus clair avec un coton blanc à sa base. Sa chair est blanche avec une saveur légèrement acidulée mais il n’est pas reconnu, auprès des amateurs de champignons, pour ses qualités gustatives.
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Le Lepista inversa restaure l’expression des gènes
Différentes stratégies sont disponibles pour contourner ou corriger les mutations génétiques de type « non-sens ».
Les chercheurs se sont appuyés ici sur le principe de la translecture : avec cette technique, un « leurre chimique » fait diversion pour tromper la machinerie cellulaire lors de la fabrication de la protéine, afin que cette dernière soit synthétisée entièrement.
Ainsi, en mettant in vitro des cellules de patients atteints de mucoviscidose avec des extraits du champignon Lepista inversa, les scientifiques se sont aperçus qu’il y avait une restauration de l’expression des gènes mutés.
« Quand on sait que restaurer 5% de protéines fonctionnelles dans la mucoviscidose pourrait avoir un impact sur les conséquences de la maladie, ces travaux sont extrêmement encourageants » soulignent les auteurs de l’étude dans un communiqué de presse de l’INSERM.
Même si ces travaux sont très encourageants, il reste encore tout un ensemble d’études à réaliser pour montrer la réelle efficacité thérapeutique de ce champignon.
Les chercheurs doivent encore :
- Purifier les molécules d’intérêts présentes dans l’extrait utilisé dans cette étude ;
- Tester les molécules in vivo sur l’animal et l’homme ;
- Montrer l’innocuité, sur le long terme, de ces molécules extraites du champignon sur l’organisme humain.
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Julie P., Journaliste scientifique
– Optimized approach for the identification of highly efficient correctors of nonsense mutations in human diseases. Plos One.H Benhabiles et al. 13 Novembre 2017.