Curcuma, d’hépatoprotecteur … à hépatotoxique !

Le curcuma, cette belle épice jaune présente dans le fameux curry, est également très largement utilisé dans les compléments alimentaires, pour les pouvoirs hépatoprotecteurs de la curcumine qu’il contient. L’ANSES a cependant publié récemment une mise en garde sur les risques d’hépatotoxicité, ou toxicité hépatique, de ces compléments. Explications.

Curcuma, une épice capable de protéger le foie ?

Le curcuma est utilisé depuis des siècles en cuisine, notamment dans la préparation du curry, mais aussi en santé dans la médecine ayurvédique. Considéré initialement comme une plante hépatoprotectrice, elle favorise la production de bile par le foie et sa sécrétion dans l’intestin. Il est est actuellement disponible sous forme de compléments alimentaires, conseillés pour favoriser le fonctionnement du foie, soulager les problèmes de digestion et stimuler l’appétit. Des études scientifiques s’intéressent également à d’autres propriétés que pourrait avoir la curcumine, son principal principe actif.

Alors que les compléments alimentaires à base de curcuma sont proposés pour protéger le foie, les autorités de santé publique s’inquiètent et alertent sur le risque de toxicité hépatique de ces produits. En effet, entre 2002 et 2021, plus de 40 cas d’hépatites ont été recensés en Italie et en France, suite à la consommation de compléments alimentaires à base de curcuma ou de curcumine. Depuis la mise en place en France d’un dispositif de nutrivigilance par l’ANSES en 2009, plus de 100 effets indésirables liés à la consommation de ces produits ont été signalés, parmi lesquels 15 cas d’hépatites.

Une toxicité hépatique à dose élevée

Comment expliquer qu’un complément alimentaire conseillé pour protéger le foie puisse être finalement toxique pour le foie ? Comme souvent en santé, il semblerait qu’il s’agisse surtout d’une question de dose. A dose élevée, le curcuma pourrait devenir nocif pour le foie, jusqu’à provoquer des hépatites, c’est-à-dire des inflammations du foie. Des études menées chez l’animal ont confirmé cette hépatoxicité à fortes doses.

Parallèlement, l’ANSES pointe un autre facteur de risque d’hépatotoxicité lors de l’utilisation de compléments alimentaires à base de curcuma, les interactions médicamenteuses. La toxicité hépatique du curcuma pourrait s’ajouter à celle de certains médicaments pris simultanément. A ce jour, l’agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) fixe la dose journalière admissible de curcumine à 180 mg pour un adulte de 60 kg. L’ANSES estime que des expertises complémentaires doivent être menées pour préciser la relation dose-effet et identifier précisément le niveau d’exposition à risque pour le foie.

Qui doit limiter sa consommation de curcuma ?

En moyenne, les grands consommateurs d’aliments et de plats à base de curcuma consomment environ 27 mg de curcumine par jour, ce qui laisserait la possibilité d’absorber 153 mg de curcumine au travers des compléments alimentaires. Mais ces calculs ne prennent pas en compte la forme chimique de curcumine présente dans les compléments alimentaires, ni l’effet des éventuelles interactions médicamenteuses. En attendant les résultats des nouvelles expertises, il est donc conseillé de limiter sa consommation de curcuma.

Certaines catégories de personnes devraient éviter de consommer des compléments alimentaires à base de curcuma, en particulier :

• Les enfants ;
• Les femmes enceintes et allaitantes ;
• Les personnes ayant des problèmes biliaires (calculs biliaires), des troubles gastro-intestinaux ou une pathologie hépatique ;
• Les personnes traitées avec des médicaments anticancéreux, des médicaments immunosuppresseurs ou des médicaments à marge thérapeutique étroite, comme les anticoagulants oraux.

Ces personnes peuvent en revanche consommer du curcuma en cuisine.

Estelle B., Docteur en Pharmacie