Age, hérédité, hypertension artérielle, diabète, tabagisme…les facteurs favorisant l’apparition de démences sont nombreux. Mais, dans quelles mesures les médicaments agissant sur le système nerveux aggravent-ils le risque de démence ? En explorant le profil médical de près de 300 000 séniors, des chercheurs anglais ont mis en évidence un lien entre les médicaments anticholinergiques et la réduction des capacités cognitives.
Rôle et mode d’action des anticholinergiques
Les anticholinergiques sont des molécules qui viennent contrer l’action de l’acétylcholine, un neurotransmetteur du système nerveux central et périphérique.
Au niveau des synapses, les zones de communication entre les neurones, l’acétylcholine se fixe sur des récepteurs post-synaptiques. Les anticholinergiques agissent au niveau de ces récepteurs. En prenant la place de l’acétylcholine, ils empêchent l’activation du neurone post-synaptique.
Les médicaments anticholinergiques sont prescrits pour différents troubles touchant les poumons, la vessie, le tractus gastro-intestinal, les yeux (le glaucome), le système nerveux ou le cœur.
Ils sont également prescrits pour traiter les allergies, la dépression, la maladie de Parkinson et les épilepsies.
Cependant, les anticholinergiques ont des effets secondaires à court terme, provoquant des pertes de mémoire et des confusions.
Les effets indésirables des anticholinergiques sont la conséquence directe du blocage des récepteurs cholinergiques périphériques (sécheresse buccale, constipation, difficultés à uriner, troubles de la vue) et centraux (confusion, délire, hallucinations et troubles de mémoire surtout chez le sujet âgé et/ou fragile).
Dans cette étude, les chercheurs encadrés par Carol Coupland de l’université de Nottingham, ont voulu mesurer les effets à long terme d’une prise de médicaments anticholinergiques sur le risque de survenue de démence.
À savoir ! La démence est définie par l’OMS comme un « syndrome dans lequel on observe une dégradation de la mémoire, du raisonnement, du comportement et de l’aptitude à réaliser les activités quotidiennes ». 50 millions de personnes dans le monde vivent avec une démence. La maladie d’Alzheimer est la forme la plus fréquente de démence en couvrant 60% à 70% des cas. Les autres formes de démence sont la démence vasculaire, la démence à corps de Lewy, et la démence fronto-temporale.
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Une association entre la dose d’anticholinergiques et le risque de démence encouru
Pour réaliser une étude avec des résultats statistiques significatifs, les chercheurs ont analysé les données médicales de 58 769 personnes souffrant de démence et de 225 574 témoins. Ils étaient tous âgés de plus de 55 ans et avaient en moyenne 82 ans.
En analysant la prise de médicaments anticholinergiques dans les onze années précédant le diagnostic de la démence, les chercheurs se sont rendus compte que 57 % des patients atteints de démence ont pris des anticholinergiques pendant cette période. Ce pourcentage est de 51% dans la population témoin.
Le risque de démence était proportionnel à l’exposition aux anticholinergiques.
Ainsi, et toujours dans cette fenêtre des 11 ans précédant le diagnostic, les patients ayant pris le moins d’anticholinergiques (1 à 90 doses journalières pendant les 11 ans) avaient un risque de démence augmenté de 6% par rapport à ceux n’en ayant pas consommé.
Le surrisque de démence monte à 49% pour les patients ayant pris plus de 1095 doses journalières pendant les 11 années précédant leur diagnostic de démence. Ce niveau d’exposition aux anticholinergiques correspond à la prise d’un seul anticholinergique à la dose efficace minimale recommandée pendant 3 années.
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Quels sont les anticholinergiques les plus susceptibles d’augmenter le risque de démence ?
Le risque de démence était plus important pour les molécules anticholinergiques incluses dans les antidépresseurs, dans les antipsychotiques, dans les médicaments pour les problèmes d’hyperactivité de la vessie et les antiépileptiques.
Les anticholinergiques présents dans les antihistaminiques, dans les médicaments contre les troubles gastro-intestinaux, dans les bronchodilatateurs et dans les antiarythmiques n’auraient pas d’effet aggravant sur le risque de survenue de démence.
Autre observation importante : les associations étaient plus fortes dans les cas de démence diagnostiqués avant l’âge de 80 ans.
D’autres investigations sont désormais nécessaires pour montrer l’existence éventuelle d’un lien de cause à effet et comprendre les mécanismes biochimiques sous-jacents. Si cette causalité est prouvée, 10% des diagnostics de démence seraient imputables à une exposition à un anticholinergique.
Cette proportion est comparable aux estimations d’autres facteurs de risque modifiables de la démence comme 14% pour le tabagisme, 6,5% pour l’inactivité physique, 5% pour l’hypertension et 3% pour le diabète.
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Julie P. Journaliste scientifique