Après plusieurs années de relative accalmie, l’épidémie de dengue flambe à la Réunion depuis plusieurs semaines. Les autorités de santé s’inquiètent de ce phénomène, qui pourrait s’étendre à d’autres pays dans les prochaines semaines. La mobilisation de l’ensemble des acteurs et la sensibilisation de la population sont les deux clés de voûte de la lutte contre ce fléau.
Une épidémie sans précédent à la Réunion
La dengue, également appelée la grippe tropicale, est une maladie virale transmise par le moustique tigre. Après une importante progression au cours des 50 dernières années, elle sévit désormais dans plus de 120 pays et près de 3,9 milliards de personnes y sont exposées dans le monde.
Après plusieurs années où l’épidémie de dengue restait relativement calme, elle revient en force cette année, en particulier à la Réunion. En effet, rien qu’au cours de la semaine du 16 au 23 avril, 428 cas probables de dengue ont été recensés, contre 100 pour la même semaine de l’année 2017. Depuis le début de l’année 2018, 50 personnes ont été hospitalisées pour une dengue grave, contre seulement 12 pour l’ensemble de l’année 2017. Les zones les plus touchées sont situées dans le Sud et l’Ouest de l’île.
De tels chiffres ont alarmé les autorités de santé, notamment l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui craint une flambée épidémique capable de s’étendre à d’autres pays. Pour l’instant, les spécialistes estiment que l’ensemble des cas répertoriés sont autochtones et non importés par des touristes ou des voyageurs. En revanche, des cas de dengue pourraient s’exporter de la Réunion vers d’autres pays.
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Des habitants peu immunisés face au virus
Sur l’ensemble des cas recensés jusque-là, le principal stéréotype rencontré est le DENV-2, avec 537 cas sur les 1 816 cas confirmés de dengue depuis le début de l’année 2018. Or après plusieurs années d’accalmie des épidémies de dengue, les habitants de la Réunion se retrouvent peu immunisés contre ce stéréotype du virus, ce qui explique en partie l’essor important de l’épidémie. Le même phénomène touche également la Nouvelle-Calédonie, qui n’avait pas connu d’épidémie de dengue à stéréotype DENV-2 depuis 20 ans.
À savoir ! Les souches virales du virus de la dengue se répartissent en 4 stéréotypes.
Un autre facteur semble avoir favorisé l’extension de l’épidémie, la tempête tropicale Fakir, qui a touché la Réunion entre le 20 et le 24 avril 2018. Cette tempête aurait pu, selon les experts, générer ou remettre en eau de très nombreux gîtes des larves de moustiques tigres (amas de débris divers, bassines, pots, gouttières obstruées, etc.), favorisant leur prolifération.
Dès la fin avril, l’Agence Régionale de Santé (ARS) de l’Océan Indien avait classé la Réunion en zone à risque épidémique élevé et publié des recommandations pour sensibiliser la population.
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L’ensemble des acteurs mobilisés contre l’épidémie de dengue
Pour mobiliser la population face à l’épidémie de dengue, l’ARS recommande un certain nombre de mesures, parmi lesquelles :
- Se protéger des moustiques à la fois en utilisant des moyens de protection contre les piqûres de moustique (moustiquaires, vêtements, répulsifs, insecticides, …) et en éliminant les gîtes larvaires autour des habitations ;
- Consulter un médecin dès l’apparition des symptômes caractéristiques de la dengue, tout en continuant à se protéger pour éviter de contaminer son entourage ;
- Proscrire tout traitement à base d’anti-inflammatoires et/ou d’aspirine, pour prévenir le risque de dengue hémorragique.
Parallèlement, les équipes de lutte anti-vectorielle de l’ARS et des services de secours se mobilisent dans les quartiers touchés, pour procéder à de nombreuses opérations de démoustication, dès que des cas sont signalés. Les communes multiplient les interventions de nettoyage et de sensibilisation de la population. Enfin, les acteurs de santé sont encouragés à signaler tout nouveau cas suspect et à prescrire les analyses biologiques pour confirmer ou non la maladie.
La mobilisation des acteurs mais aussi de la population locale sont essentielles pour limiter la progression de l’épidémie sur l’île de la Réunion, et réduire le risque de propagation de la dengue vers d’autres pays au travers des touristes et des voyageurs.
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Estelle B. / Docteur en Pharmacie
– Dengue à la Réunion : une menace épidémique pour les autres pays, selon l’OMS. Medscape. 2 mai 2018.