Cancer du sein : comment la prise en charge a évolué depuis 40 ans
Dépistage, traitements, parcours de soins… La prise en charge du cancer du sein a profondément changé ces dernières décennies. Des progrès qui ont permis d’améliorer le pronostic, même si des défis persistent. Éclairage croisé du Dr Emmanuelle Fourme-Mouret, médecin à l’Institut Curie, et du Pr Claude Linassier, directeur du pôle prévention, organisation et parcours de soins à l’Institut national du cancer (INCa).

Avec plus de 61 000 nouveaux cas par an et 12 600 décès, le cancer du sein reste le premier cancer chez la femme[1]. “C’est une maladie fréquente, qui touche majoritairement les femmes après la ménopause. Dans 80 % des cas, après 50 ans, avec un âge médian au diagnostic à 63 ans”, rappelle le Pr Claude Linassier. Mais le nombre de nouveaux cas progresse aussi chez les femmes plus jeunes, comme le souligne le Dr Emmanuelle Fourme-Mouret : “On constate une augmentation, modérée, chez les femmes de moins de 50 ans. ”
Une maladie fréquente, un dépistage encore trop faible
Mis en place à l’échelle nationale en 2004, le dépistage organisé est recommandé aux femmes de 50 à 74 ans sans facteurs de risques autres que l’âge ni symptômes. Il permet de bénéficier tous les deux ans d’un dépistage gratuit, pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie : mammographie avec une lecture par deux radiologues et examen clinique des seins. “Ce programme permet un diagnostic précoce avant l’apparition de symptômes, les traitements sont alors moins lourds et il y a de meilleures chances de guérison”, explique le Pr Linassier. “Quand on détecte tôt, la survie à 5 ans atteint 90 %, contre 26 % si la maladie est découverte à un stade avancé.”
Mais la participation reste trop faible. “On est à 44 %[1] de couverture aujourd’hui, loin de l’objectif de 70 %”, déplore-t-il. Les raisons sont multiples : peur du résultat et/ou de l’examen, manque de temps, isolement géographique, absence de médecin traitant… “Même les mammographies hors programme (prescrites en dehors du dépistage organisé) ne compensent pas ce déficit”, ajoute le Dr Fourme-Mouret.
Des progrès majeurs dans la prise en charge
Autre avancée majeure : la structuration du parcours de soins. “Aujourd’hui, le cancer du sein est pris en charge par une équipe pluridisciplinaire, avec des traitements plus ciblés et mieux tolérés”, explique le Pr Linassier. “Les progrès en chirurgie conservatrice ou sur le curage ganglionnaire ont permis de réduire les séquelles physiques. Désormais, les chirurgiens analysent d’abord le ‘ganglion sentinelle’, c’est-à-dire le premier relais lymphatique. S’il n’est pas atteint, les autres ganglions peuvent être épargnés, ce qui limite les effets secondaires ». Le traitement est plus personnalisé, et quand c’est possible, allégé.
À l’Institut Curie, le Dr Fourme-Mouret évoque aussi l’importance des soins de support, intégrés dès le diagnostic : psychologue, activité physique adaptée, prise en charge de la douleur… Des éléments essentiels pour accompagner la patiente dans toutes les dimensions de la maladie.
Vers un dépistage plus personnalisé
Le message “toute femme de plus de 50 ans doit se faire dépister” ne semble plus suffisant. “Il est trop généraliste”, analyse le Dr Fourme-Mouret. “Des femmes jeunes se sentent concernées, d’autres plus âgées non. On évolue donc vers une individualisation du dépistage, adaptée aux facteurs de risque de chacune.” Un changement d’approche incarné par des initiatives comme l’étude MyPeBS, ou les consultations de prévention mises en place récemment à différents âges de la vie.
Prévenir et mieux comprendre : les nouveaux enjeux
La prévention primaire reste un enjeu. “On estime que 8 000 cas par an sont liés à l’alcool, 4 500 au surpoids et à l’obésité, 1 700 à l’inactivité physique, ou encore 2 300 à une alimentation déséquilibrée”, précise le Pr Linassier. Le tabac, augmente lui aussi le risque (2 500 nouveaux cas/an).
Autre levier important dans cette évolution : la recherche en biologie des tumeurs. “Les connaissances biologiques sur les cancers du sein permettent désormais d’affiner les traitements en fonction du type de tumeur, avec une vraie tendance vers une personnalisation accrue”, précise le Pr Linassier. “Cela permet d’alléger les traitements quand c’est possible, sans compromettre les chances de guérison.”
Parallèlement, les campagnes d’information se multiplient. “Outre le mois d’octobre, mois de mobilisation contre le cancer du sein, nous menons des actions toute l’année : affichages en maisons de santé, chroniques sonores, campagnes digitales, vidéos, documents prints téléchargeables sur notre site… L’objectif est clair : aider chaque femme à passer à l’acte”, insiste-t-il. L’information est aussi disponible toute l’année sur Jefaismondepistage.cancer.fr
Des zones d’ombre subsistent, en particulier chez les femmes très jeunes. “À Curie, nous menons un programme pour comprendre pourquoi certaines femmes développent un cancer du sein à 25 ou 30 ans, sans facteur héréditaire identifié”, explique le Dr Fourme-Mouret. L’objectif : identifier de nouveaux facteurs de risque et mieux anticiper les cas à venir.
- [1] Panorama des cancers en France, édition 2024, Institut national du cancer
- [1] Données Santé publique France : 44 % de participation en 2024 (48,6 % en 2023 et 46,3 % période 2023-2024)
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