Une étude internationale, publiée dans Molecular Psychiatry, montre que notre capacité à décrypter les émotions des autres serait associée à un gène présent sur le chromosome 3. Santé sur le Net vous dévoile les détails de cette étude !
Trois nuances dans l’empathie
Notre faculté à déchiffrer les émotions sur un visage, et notamment dans les yeux, est attribuable à l’empathie cognitive. En d’autres termes, c’est la capacité à se représenter les états mentaux d’une personne. Les psychanalystes parlent de « mentalisation » tandis que les cognitivistes parlent de « théorie de l’esprit« .
A savoir ! La théorie de l’esprit est la capacité d’attribuer à autrui, en fonction de sa compréhension de son fonctionnement mental et de celui des autres, des intentions, des croyances, des désirs ou des représentations mentales.
L’un des autres volets de l’empathie est celui relevant de l’émotion : l’empathie affective qui nous pousse à ressentir des émotions en miroir de celles ressenties par l’autre. Le plus classique : avoir un sentiment désagréable quand on voit quelqu’un souffrir.
Enfin, on distingue également l’empathie compassionnelle, ou la sollicitude. Elle ne consiste pas simplement à constater la souffrance ou la joie chez l’autre, mais suppose une attitude bienveillante à son égard.
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La piste génétique
Une méta-analyse, c’est-à-dire une analyse statistique d’une série d’études scientifiques traitant du même sujet, menée sur plus de 89 000 personnes par l’Université de Cambridge, montre qu’un gène serait lié à cette empathie cognitive.
Pour montrer cette corrélation, les chercheurs ont analysé les résultats d’un test de « lecture de l’esprit » appelé « Reading the Mind in the Eyes« . Dans ce test, 36 photos d’yeux sont présentées aux volontaires et pour chacune d’elles, ils doivent associer une émotion comme, par exemple, la colère, la confiance, l’arrogance, le doute. Parmi 4 émotions proposées, le volontaire doit en choisir une seule reflétant selon lui, l’émoi véhiculé dans le regard. L’ensemble des données analysées a permis d’établir statistiquement que chaque individu a sa propre capacité de déchiffrage des émotions dans les yeux et que les femmes seraient sensiblement plus performantes dans cet exercice.
Pour expliquer cette aptitude très différente d’une personne à l’autre, les chercheurs sont allés voir du côté du génome.
Résultats ? Un gène présent sur le chromosome 3, et baptisé LRRN1, existe en plusieurs variantes dont certaines sont reliées à une meilleure perception des émotions chez les femmes. Étonnamment, cette corrélation n’a pas été retrouvée chez les hommes.
A savoir ! Tout gène peut avoir plusieurs variantes ou versions qui déterminent l’apparition de caractères héréditaires différents.
Pour aller plus loin, les chercheurs devront chercher encore d’autres gènes liés à l’empathie cognitive, car cette fonction résulterait, comme bien d’autres processus cognitifs, de la synchronisation de nombreux neurones interconnectés situés dans différentes régions cérébrales.
De plus, cette expérience se réfère à un mécanisme de décodage simple et focalisé uniquement sur l’expression d’un regard.
D’autres paramètres sont cependant nécessaires pour mesurer le niveau d’empathie cognitive d’une personne. On considère que la manière de bouger dans l’espace, l’expression faciale ou encore l’intonation de la voix sont des attitudes utilisées pour évaluer l’émotion ressentie d’une personne. Observer simplement le regard reste très restrictif.
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Quand l’empathie défaille
Les psychologues et les psychiatres s’accordent à reconnaître que trois catégories de malades neurobiologiques comportent des perturbations dans leur capacité à décrypter les émotions des autres : l’autisme, le syndrome d’Asperger et la schizophrénie.
Ces personnes souffrant de schizophrénie présentent, en plus de leurs troubles délirants, un défaut d’empathie cognitive. Elles sont incapables ou peinent très largement à déchiffrer les émotions faciales chez autrui. Elles sont aussi peu réceptives à la notion du second degré et une remarque nous paraissant amusante pourrait, au contraire, être interprétée comme hostile.
A ce stade, d’autres études sont nécessaires pour montrer la véritable implication génétique intervenant dans l’empathie.
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Julie P., Journaliste scientifique
– Is the right frontal cortex really crucial in the mentalizing network? A longitudinal study in patients with a slowgrowing lesion. NCBI. 14 août 2013.
– L’empathie: sa définition, ses pièges, ses limites, ses promesses, son expérience. Institut Ressources. Consulté le 1er août 2017.