Qu’est-ce qu’une personne hypersensible ?

Trop émotif, trop vigilant, trop sensible, trop anxieux, trop dans l’analyse…ce trop-plein de ressentis peut cacher une hypersensibilité émotionnelle ou hyperémotivité. Ce trait de personnalité, identifié dans les années 1990 par la psychologue et chercheuse américaine Elaine Aron, toucherait jusqu’à 15 à 20% de la population mondiale. Quelles sont les manifestations de cette hypersensibilité ? Et ses atouts et inconvénients ?

Comment l’hypersensible perçoit-il son environnement ?

L’hypersensibilité psychique se manifeste sous différentes formes et toutes les manifestations présentées ci-dessous ne se retrouvent pas toutes systématiquement chez une seule et même personne. On distingue les manifestations émotionnelles, les manifestations psychiques et les traits comportementaux. Et plus marginalement, l’hypersensibilité à des stimulus spécifiques.

Dans les manifestations émotionnelles, on retrouve l’hyperréactivité et le débordement émotionnel face à des situations générant des émotions, l’inadéquation entre l’émotion ressentie et la situation qui l’a générée, l’amplification des ressentis, la fragilité face à toutes difficultés ou aléas de la vie, la survenue d’attaque de panique, la faible capacité à juger ses émotions et une forme de versatilité dans l’humeur avec des changements notables parfois plusieurs fois dans la même journée.

D’un point de vue psychique, la personne hypersensible pourra plus facilement rire, pleurer et être anxieuse. Elle aura davantage tendance à faire preuve d’introspections et de ruminations. Les émotions négatives vont aussi s’imprimer plus profondément en elle et les oublier sera d’autant plus difficile.  La tendance a la procrastination est aussi plus fréquente chez les personnes hyperémotives tout comme la propension à donner du crédit à leurs pensées automatiques en croyant que ce sont des intuitions. La mémoire est aussi très active avec une grande mémoire du vécu et une tendance à retenir et décrire une foule de détails issus de ses expériences.

Au niveau du comportement, plusieurs signes peuvent être l’expression d’une hypersensibilité : difficultés à faire des choix, impulsivité, difficulté face à l’inconnu, préférence pour les activités solitaires, hypervigilance, intolérance à l’ennui et l’inactivité, fatigue et insomnie, grande conscience du temps qui passe et hypersensibilité face aux changements de la vie.

Les personnes hyperémotives peuvent, quelques fois, percevoir une hypersensibilité au niveau de leurs sens. Ils sont très sensibles (voire intolérants) aux odeurs (hyperosmie), aux sons (hyperacousie avec une phonophobie éventuellement), à la lumière et éventuellement aux ondes.

Néanmoins, ces hypersensibilités spécifiques à des stimulus sensoriels seront systématiquement diagnostiquées d’un point de vue somatique (physique) avant de les attribuer à une cause psychique.

Les comportements de l’hypersensible avec les autres

Selon la psychologue Elaine Aron, environ 30% des hyperémotifs sont extravertis. Pour la part restante, on observe le plus souvent des difficultés dans le lien à l’autre, une incapacité à s’opposer ou s’affirmer et une tendance à être facilement intimidé par le ton ou l’attitude belliqueuse d’un interlocuteur. La personne hypersensible peut d’ailleurs attirer une forme d’hostilité à son égard, car la variabilité imprévisible de ses émotions peut déstabiliser son interlocuteur.

Les hyperémotifs craignent le conflit, mais sont des amis fidèles. Ils sont capables de développer une grande empathie et compassion. Cet excès d’empathie l’oblige d’ailleurs à ne pas mettre mal à l’aise autrui. D’où l’incapacité de l’hyperémotif à faire valoir ses droits et à se protéger.

Sur le plan sentimental, ils sont sensibles au regard et remarque du partenaire tout en ayant tendance à développer une dépendance affective. Ils sont hypersensibles aux reproches et critiques de leur entourage, mais leur attachement au fil du temps devient solide. 

Entre atouts et inconvénients, la frontière est mince

Les atouts des hypersensibles sont nombreux : ils vont au fond des choses pour les comprendre, ils sont plus empathiques et ont davantage le sens du détail. Ils sont aussi de bons collaborateurs dans les professions faisant appel à l’analyse et à la méticulosité.

Comparativement à la moyenne, l’hypersensible a accès à un plus grand nombre de stimulations. Et c’est la gestion de ces quantités phénoménales d’informations qui permettra à la personne hypersensible de tourner à son avantage ce trait de personnalité.

Si l’hypersensible est noyé dans ce flux d’informations provenant de son soi, de l’environnement et des autres, il ne réussira pas à les hiérarchiser et leur donner du sens. L’analyse rationnelle de la situation sera impossible et il se laissera tout naturellement guider et submerger par ses émotions.

En revanche, les personnes hyperémotives qui parviennent à consentir les efforts nécessaires pour traiter tous les processus mentaux générés par les stimulus ont à leur disposition plus d’informations. Ils peuvent mentaliser l’état émotionnel de leur interlocuteur et détecter des détails que d’autres ne perçoivent pas.

Si toutes ces informations et stimulus sont organisés, l’hypersensibilité devient un avantage exceptionnel. C’est sur ce travail d’organisation rationnelle des informations que repose la psychothérapie.

Il est recommandé de consulter un psychologue et un psychiatre lorsque l’hyperémotivité prend trop de place dans le quotidien (impulsivité, anxiété) et dans la vie sociale (licenciement, séparation, isolement). L’autre risque est aussi la survenue de complications liés à cette hypersensibilité comme la mise en place d’addictions, de troubles du comportement alimentaire (boulimie, anorexie) et de troubles anxieux.

Le traitement de l’hypersensibilité en elle-même repose sur la psychothérapie :  la Thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et Thérapie Interpersonnelle (TIP). Les objectifs de cette prise en charge psychothérapeutique s’articuleront autour de la gestion des excès des processus mentaux (émotions, pensées automatiques) qui envahissent l’esprit. En complément, il peut être conseillé de réaliser des séances de méditation pleine conscience.