Dans les cancers de l’enfant, la leucémie aigüe est de loin le cancer le plus fréquemment observé dans les pays développés, avec environ 30 % des cas de tous les cancers pédiatriques. Les études scientifiques montrent depuis plusieurs années une augmentation de ce type de cancer chez les enfants des pays industrialisés. Une récente étude, publiée dans la revue scientifique Nature Reviews Cancer, pointe du doigt l’hygiène pour expliquer un tel phénomène.
La leucémie aigüe touche de plus en plus d’enfants dans les pays développés
Un cancer pédiatrique sur trois dans les pays développés est une leucémie aigüe. Ce type de cancer est en augmentation dans les pays industrialisés depuis plusieurs années. Les scientifiques s’interrogent : pourquoi la leucémie aigüe frappe-t-elle les enfants ? Pourquoi les enfants des pays industrialisés sont-ils principalement touchés ?
Pour tenter de répondre à ces questions, un chercheur britannique a récemment compilé l’ensemble des données scientifiques sur les leucémies aigües pédiatriques dans les pays développés, obtenues au cours des trente dernières années. Il s’est particulièrement intéressé à la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL), et notamment à la LAL à précurseurs B, un cancer pédiatrique dont le nombre de cas augmente chaque année de 1% en Europe. Cette revue de littérature vient d’être publiée dans la revue scientifique Nature Reviews Cancer.
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Un cancer qui se développe en deux étapes clés
En analysant les données scientifiques de divers domaines, comme la génétique, l’immunologie ou l’épidémiologie, ce chercheur a mis en évidence que la survenue d’une LAL chez l’enfant, maladie reconnue comme multifactorielle, résultait d’un mécanisme en deux grandes étapes :
- Des évènements génétiques (des mutations) ;
- Une sensibilisation du système immunitaire via l’exposition aux infections.
La première étape, génétique, se produirait avant même la naissance et prédisposerait le fœtus à développer une leucémie au cours de l’enfance. Cette mutation génétique, qui pourrait se produire selon différents mécanismes, serait à l’origine d’un clone de cellules préleucémiques. Seulement 1 % des enfants nés avec cette mutation génétique développeraient une LAL au cours de l’enfance.
Dans la seconde étape, le système immunitaire est directement impliqué. Une exposition insuffisante aux infections au cours de la petite enfance induirait un mauvais fonctionnement des systèmes de défense naturelle de l’organisme. Une telle implication du système immunitaire a d’ores et déjà été reliée avec le développement d’autres pathologies, comme :
- La maladie de Hodgkin ;
- Les allergies chez les enfants ;
- Les maladies auto-immunes.
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Un excès d’hygiène qui réduit l’exposition des enfants aux infections
D’après ces conclusions, le manque d’exposition aux infections chez le jeune enfant augmenterait le risque de développer une leucémie infantile. Selon l’auteur, les infections généralement bénignes, qui affectent le nourrisson et le jeune enfant au cours des premiers mois et années de vie, sont capitales pour forger le système immunitaire. Cette sensibilisation précoce serait essentielle pour la régulation des réponses immunitaires par la suite.
Les infections de la toute petite enfance auraient ainsi un rôle protecteur vis-à-vis du développement des cancers pédiatriques, alors que les infections plus tardives pourraient être à l’origine de mutations secondaires délétères.
Même si le développement d’une LAL résulte de multiples facteurs (prédisposition génétique, régime alimentaire, hasard, …), l’exposition aux infections, et par là-même les mesures d’hygiène, jouerait un rôle important. A la vue de telles données, se pose en effet la question de l’intérêt d’essayer à tout prix de protéger les jeunes enfants des infections.
L’auteur de l’étude suggère plusieurs pistes pour aider le système immunitaire des jeunes enfants à se construire pour limiter le risque de LAL :
- Favoriser le contact avec d’autres enfants, en particulier des enfants plus âgés ;
- Promouvoir l’allaitement maternel jusqu’à six mois ;
- Administrer des probiotiques par voie orale ;
- Administrer un vaccin préventif, qui mimerait l’impact des infections bénignes de l’enfance.
La LAL à précurseurs B pourrait être en partie prévenue, en favorisant les infections bénignes au cours de la petite enfance. Ces résultats apportent un éclairage nouveau sur les liens étroits entre la génétique, l’environnement et le système immunitaire. Des résultats qui dans tous les cas remettent en cause certaines idées reçues sur l’hygiène !
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Estelle B., Docteur en Pharmacie