La phénylcétonurie (PCU) est une pathologie héréditaire affectant le métabolisme. Elle est due à un déficit enzymatique permettant normalement de transformer la phénylalanine en tyrosine. Sans traitement, cette anomalie entraîne un retard mental sévère.
Définition
Qu’est-ce que la phénylcétonurie ?
La phénylcétonurie est une maladie génétique rare. Elle est liée à un déficit en phénylalanine hydrolase, une enzyme chargée de transformer un acide aminé (la phénylalanine) en un autre acide aminé (la tyrosine). Lorsque cette transformation n’est pas effectuée, la phénylalanine s’accumule dans le sang, et devient toxique pour le cerveau. C’est exactement ce qu’il se passe dans cette maladie lorsqu’elle n’est pas dépistée suffisamment tôt.
On distingue les formes de phénylcétonurie nécessitant un traitement (lorsque le taux de phénylalanine dépasse une valeur seuil) de la forme modérée (hyperphénylalaninémie modérée permanente) qui implique uniquement une surveillance. Cette maladie touche, par ailleurs, aussi bien les petits garçons que les petites filles.
À savoir ! Le terme « phénylcétonurie » est lié au fait que certaines substances appelées phénylcétones étaient retrouvées dans les urines des patients non traités.
A quoi est due la phénylcétonurie ?
La phénylalanine est un acide aminé. Les acides aminés sont les constituants des protéines, des molécules indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. Certains acides aminés sont présents dans l’alimentation, on parle d’ « acides aminés essentiels ». La phénylalanine en fait partie. D’autres sont produits par l’organisme, c’est le cas de la tyrosine qui est obtenue à partir de phénylalanine dans le foie. Cette transformation nécessite l’intervention d’une enzyme, la phénylalanine hydroxylase (PAH) et d’une autre molécule la tétrahydrobioptérine (BH4).
Chez un patient atteint de phénylcétonurie, le gène PAH est anormal. Or, les gènes permettent, entre autres, la production des molécules du même nom, ici PAH. Cette anomalie conduit donc à une production insuffisante ou à un dysfonctionnement de PAH. Sans l’enzyme PAH, la phénylalanine ne peut pas être transformée en tyrosine.
Par ailleurs, avec l’intervention d’autres enzymes, une partie de la phénylalanine en provenance de l’alimentation est transformée en phénylcétones qui sont éliminés dans les urines. Cependant, cette autre voie d’élimination de la phénylalanine ne suffit pas à empêcher l’accumulation de cette dernière dans l’organisme qui finit par être toxique, majoritairement pour le cerveau.
Il existe un grand nombre d’anomalies du gène PAH pouvant être à l’origine de la phénylcétonurie. Le déficit en PAH peut être variable, ce qui explique les diverses formes de la maladie que l’on peut observer.
La phénylalanine, véhiculée par le sang, est capable d’entrer dans le cerveau pour s’y accumuler. Plusieurs hypothèses tentent d’expliquer la toxicité cérébrale de cette molécule. La première consiste à dire qu’elle empêcherait la formation des gaines de myéline (une sorte d’isolant des fibres nerveuses) essentielles à la transmission de l’influx nerveux. Une seconde hypothèse est en faveur d’une toxicité de la phénylalanine pour les neurotransmetteurs qui sont des petites molécules permettant aux cellules nerveuses de communiquer entre elles. Ces altérations seraient donc à l’origine du retard de développement, et des autres symptômes observés chez les patients souffrant de phénylcétonurie.
Qui est touché par cette maladie ?
Le nombre de cas de la maladie diffère selon les régions du globe, mais varie entre à 1 nouveau-né pour 25 000 et 1 pour 2 600. La maladie est plus répandue en Irlande, Islande et Turquie. A l’inverse, elle reste très rare en Finlande et en Thaïlande. En France, près de 50 petits en sont atteints chaque année, soit 1 naissance sur 17 000. L’hyperphénylalaninémie modérée permanente est moins fréquente : 1 naissance sur 27 000.
Symptômes
En France, la majorité des petits patients atteints de phénylcétonurie n’ont aucun symptôme grâce au dépistage systématique de la maladie à la naissance. En effet, lorsque la maladie est mise en évidence, les enfants sont traités dès leur 10ème jour de vie.
Une fois adulte, l’organisme tolère mieux l’élévation du taux de phénylalanine. Les patients ont une vie quotidienne tout à fait normale. Parfois, certains troubles peuvent cependant apparaître : irritabilité, agressivité, troubles de la mémoire, troubles de l’attention, tremblements, ou dans de rares cas des troubles neurologiques plus sévères (lorsque le régime alimentaire conseillé est trop mal suivi).
Concernant les patients qui n’ont pas été dépistés et traités dès l’enfance, les symptômes de la maladie sont nombreux, et touchent essentiellement le système nerveux. Ainsi, vers 3-4 mois, le petit peut avoir des troubles du comportement comme une hyperactivité, une agressivité ou des difficultés à interagir avec son environnement ou autrui. Le périmètre crânien peut être réduit, et traduire alors un développement cérébral insuffisant. Souvent, l’enfant a un déficit intellectuel et moteur important. Par exemple, il a du retard pour tenir sa tête, s’asseoir, se mettre debout, marcher, attraper des objets ou parler.
Plus le diagnostic est tardif, moins il est réversible. Ainsi, les adultes non traités peuvent avoir un déficit intellectuel important.
D’autres signes peuvent apparaître en l’absence de traitement : tremblements, hypertonie (augmentation du tonus musculaire) voire crises d’épilepsie. La sueur et les urines des patients ont également une odeur particulière (paille mouillée), autrefois utilisée pour le diagnostic. La peau, les cheveux et les yeux des patients sont souvent plus clairs que pour les autres membres de la famille. En effet, ces caractéristiques sont dues à la quantité plus ou moins importante de tyrosine à partir de laquelle les mélanines (pigments de la peau) sont produites. L’eczéma semble plus répandu chez ces patients.
Diagnostic
La phénylcétonurie est dépistée dès la naissance puisque le taux de phénylalanine sanguin est systématiquement mesuré à 3 jours de vie, en France. C’est le test de Guthrie, du nom du médecin qui l’a mis au point. Quelques gouttes de sang sont prélevées, généralement au niveau du talon, et envoyées au laboratoire d’analyses. Depuis 1970, plus de 2 000 nourrissons ont ainsi été dépistés, puis traités.
La phénylalaninémie (taux de phénylalanine dans le sang) est exprimée soit en milligrammes par décilitres de sang (mg/dl), soit en micromoles par litre (umol/l), selon les laboratoires. En fonction du taux de phénylalanine mesurée, on distingue trois types de phénylcétonurie :
- Typique lorsque le taux sanguin est supérieur à 20mg/dl ;
- Atypique quand le taux sanguin est compris entre 10 et 20 mg/dl ;
- L’hyperphénylalaninémie modérée permanente (HMP) lorsque le taux sanguin est inférieur à 10 mg/dl.
Traitement
La majorité des patients atteints de cette maladie sont traités par un régime alimentaire pauvre en phénylalanine. L’objectif est de strictement contrôler l’apport en phénylalanine de manière à ne pas être toxique. Ce régime est débuté dès le diagnostic, et doit être poursuivi toute la vie. Un diététicien peut aider parents et enfants à mettre en place un régime adapté.
Après la naissance, le régime se traduit par un arrêt de l’alimentation classique au sein ou au biberon dès le diagnostic. L’enfant ne reçoit plus qu’un mélange composé d’acides aminés sans phénylalanine, de sucres, de lipides, de vitamines et minéraux. Une fois un taux satisfaisant atteint, la phénylalanine peut être réintroduite en quantité contrôlée en plus du mélange. Le contrôle de l’alimentation doit être très strict jusqu’aux 10 ans de l’enfant. Après, le patient est plus libre de manger ce qu’il veut, mais doit tout de même poursuivre sa surveillance. Il est conseillé aux patients de continuer à prendre des mélanges d’acides aminés tout au long de leur vie. Les femmes lorsqu’elles sont enceintes doivent reprendre un régime très strict.
Un médicament, le dichlorohydrate de saproptérine est efficace chez un petit nombre de patients. Il leur permet de suivre un régime beaucoup moins strict, voire aucun.
Charline D., Docteur en pharmacie