Nanomatériaux dans l’alimentation et risques sanitaires

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Rédigé par Deborah L. et publié le 27 juin 2020

Depuis une trentaine d’année, l’industrie n’a eu de cesse d’intégrer des nanomatériaux dans la composition de produits du quotidien parmi lesquels les produits alimentaires. Ce constat soulève de nombreuses interrogations sur l’impact sanitaire de ces composants. Pour tenter d’y répondre, l’Anses vient de dresser un état des lieux de la présence de nanomatériaux manufacturés dans l’alimentation ainsi qu’une méthode visant à déterminer la meilleure approche pour évaluer les risques sanitaires des aliments en contenant.

bonbons

Un recours massif de l’industrie aux nanomatériaux

Depuis une trentaine d’années, l’industrie a massivement recours à l’utilisation de nanomatériaux pour leurs propriétés spécifiques à l’échelle nanométrique. L’industrie agroalimentaire n’y échappe pas en intégrant ces nanomatériaux dans la composition de toujours plus de produits de consommation de notre quotidien. Ce constat soulève de nombreuses interrogations sur l’impact sanitaire de ces nanomatériaux manufacturés.

À savoir ! Pour l’Anses, un  « nanomatériau manufacturé » désigne un matériau de nature organique, inorganique ou composite fabriqué par l’Homme et composé en tout ou partie de particules présentant au moins une dimension comprise entre 1 et 100 nm (nano-échelle, c’est-à-dire de 0,000001 à 0,0001 millimètre). De taille intermédiaire entre les molécules et les cellules, ces nanoparticules sont capables de traverser les membranes biologiques et de migrer dans l’organisme pour atteindre différents organes ou tissus.

Dans ce contexte, l’Anses a été saisie par différentes instances sanitaires pour mener à bien un travail d’expertise visant à recenser les principaux usages des nanomatériaux manufacturés dans le domaine alimentaire. Trois principaux rôles ont été identifiés :

  • Un rôle nutritif comme celui du carbonate de calcium utilisé dans les laits infantiles pour atteindre une teneur suffisante en calcium.
  • Un rôle d’additifs pour améliorer l’aspect et l’appétence d’un produit alimentaire (par modification de la structure, de la couleur, de la texture). C’est le cas des additifs E341iii/phosphates tricalciques ou E551/silice amorphe.
  • Un rôle de matériaux au contact des aliments pour améliorer la sécurité du conditionnement (exemple du nano-argent antimicrobien).

À savoir ! En France, les fabricants, importateurs et distributeurs de plus de 100 grammes de substances à l’état nanoparticulaire ont l’obligation de procéder annuellement à leur déclaration via le registre R-Nano géré par l’Anses.

Force est de constater que l’identification et la traçabilité des nanomatériaux alimentaires s’avèrent encore aujourd’hui limitées malgré les obligations règlementaires ayant cours en France. Elles constituent pourtant un préalable  indispensable à l’évaluation des risques pour la santé des consommateurs.

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Nanomatériaux dans l’alimentation : un constat préoccupant

En s’appuyant sur les données de la littérature scientifique, l’Anses a pu dresser un état des lieux de l’utilisation des nanomatériaux dans l’alimentation. L’Agence a ainsi référencé 37 substances utilisées en tant qu’additifs ou ingrédients alimentaires  pour lesquelles elle considère que la présence de nanoparticules est :

  • Avérée (7 substances) : carbonate de calcium, dioxyde de titane, oxydes et hydroxydes de fer, silicate de calcium, phosphates tricalciques, silices amorphes synthétiques, composés organiques et composites.
  • Suspectée (30 substances dont : l’aluminium, l’argent, l’or, etc.).

L’utilisation de technologies analytiques avancées, comme la microscopie électronique a par ailleurs permis de caractériser la présence dans les aliments de nanomatériaux manufacturés, ajoutés de manière volontaire sous la forme d’additifs alimentaires ou intrinsèquement présents dans les ingrédients.

Enfin, l’examen des bases de données alimentaires, a mis à jour que près de 900 produits alimentaires intègrent au moins un additif ou un ingrédient répondant à la classification « substances pour lesquelles la présence de nanomatériaux manufacturés est avérée ».

À savoir ! Les sous-secteurs alimentaires les plus concernés par la présence de nanomatériaux manufacturés sont le lait infantile (25,6%), les confiseries (15,6%), les céréales du petit déjeuner (14,8%), les barres céréalières (12,9%), les viennoiseries et desserts surgelés (10,9%). L’Anses souligne que ce recensement a été effectué avant la suspension en France du E171.

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 Quels risques sanitaires pour les consommateurs ?

Ce constat soulève de nombreuses interrogations sur l’impact sanitaire et environnemental de ces nanomatériaux présents dans l’alimentation. Dès lors, quels sont les risques pour la santé des consommateurs ? A ce jour, l’Anses ne peut répondre précisément à cette question et  réitère les recommandations de ses précédentes expertises sur le sujet en incitant notamment les fabricants à limiter l’exposition des consommateurs.

D’après l’Anses, vu que les substances comprenant des nanomatériaux manufacturés dans l’alimentation présentent des propriétés spécifiques, l’évaluation de leur risque sanitaire nécessite une approche sur-mesure. L’objectif étant de s’adapter au mieux à la substance manufacturée en statuant sur la nécessité d’une évaluation soit standard soit nanospécifique. Cette nouvelle approche sera appliquée par l’Anses sur une sélection de substances en vue de proposer une méthodologie d’évaluation du risque nanospécifique dont les premiers résultats devraient voir le jour début 2021.

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Déborah L., Docteur en Pharmacie

– Nanomatériaux dans l’alimentation : les recommandations de l’Anses pour améliorer leur identification et mieux évaluer les risques sanitaires pour les consommateurs. Actualités Anses. ANSES. Consulté le 15 juin 2020.