En septembre, les enfants font leur rentrée… mais les microbes aussi ! Et vu leur nombre et leur diversité, cela fait autant de pathologies à traiter en perspective. Chez les jeunes enfants, ce sont incontestablement les otites moyennes aiguës (OMA) qui génèrent le plus de prescriptions d’antibiotiques ; la molécule de référence étant l’amoxicilline à prendre pendant 10 jours sauf en cas d’allergie. Une récente étude américaine propose aujourd’hui une alternative à ce traitement de première intention.
Qu’entend-t-on par « otites moyennes aiguës » ?
L’otite moyenne aigüe (OMA) correspond à une infection de l’oreille moyenne. Elle se caractérise par un épanchement généralement purulent dans la caisse du tympan, petite cavité osseuse située juste derrière le tympan.
L’OMA peut être due à une infection soit d’origine bactérienne, soit d’origine virale. Les bactéries ou les virus contaminent le plus souvent l’oreille moyenne à la suite d’une rhino-sinusite ou d’une rhino-pharyngite.
A savoir ! On parle d’otite moyenne aiguë « congestive » lorsqu’il n’y a pas d’épanchement dans la caisse du tympan et d’otite moyenne aiguë « purulente » si l’on observe un épanchement purulent (écoulements de sécrétions jaunâtres dans le conduit auditif de l’oreille).
Les symptômes de l’OMA sont souvent trompeurs, en particulier chez le nourrisson et le jeune enfant. On suspecte une otite moyenne aiguë quand :
- L’enfant se touche souvent l’oreille, se plaint d’avoir mal à l’oreille ou d’avoir l’oreille bouchée (baisse d’audition, bourdonnements) ;
- L’enfant présente une fièvre supérieure à 38 °C ;
- L’enfant pleure, est irritable, à du mal à s’endormir ;
- L’enfant présente un manque d’appétit ;
- L’enfant présente des troubles digestifs, avec diarrhée et vomissements ;
- L’enfant présente un écoulement de sécrétions jaunâtres par le conduit de son l’oreille.
Le recours aux antibiotiques est nécessaire si l’otite est purulente et plutôt inutile si l’otite est simplement congestive. L’antibiotique recommandé en première intention chez l’enfant est l’amoxicilline (sauf en cas d’allergie aux antibiotiques de la famille de l‘amoxicilline, c’est alors une céphalosporine qui peut être utilisée : le cefpodoxime). Une récente étude américaine propose néanmoins une alternative à ce traitement de première intention.
Lire aussi – Les antibiotiques c’est pas automatique », et pourtant !
Evolution des germes impliqués dans les OMA
Une équipe de chercheurs américains a mené une étude longitudinale visant à étudier en détail les OMA. Pour cela, ils ont suivi une cohorte de 615 enfants, dont plus de la moitié des garçons, dans un centre de soins primaires de Rochester entre 2006 et 2016.
A savoir ! On appelle « étude longitudinale » une étude qui suit l’évolution d’un phénomène dans le temps. Cette méthode permet d’étudier les caractéristiques d’une génération d’enfants. Dans cette étude, les chercheurs ont choisi un groupe d’enfants à la naissance et les a suivis jusqu’à un certain âge, en effectuant régulièrement des mesures.
Chaque enfant a reçu entre 2 et 15 mois d’âge, trois doses et un rappel du vaccin conjugué contre les pneumocoques. Les chercheurs ont constaté qu’après avoir atteint l’âge de 3-4 ans, sur les 615 enfants de la cohorte :
- 60 % avaient souffert au moins une fois d’une OMA ;
- 24 % avaient fait au moins trois OMA ;
- 11 % présentaient une « propension aux OMA », c’est-à-dire qu’ils avaient fait trois OMA ou plus en un semestre ou quatre OMA ou plus en une année.
En comparant ces résultats avec ceux des études datant de l’époque pré-vaccinale, les scientifiques ont remarqué une diminution de l’incidence et de la prévalence des OMA et un remaniement dans la répartition des germes otopathogènes isolés impliqués dans l’OMA (réduction des germes Streptococcus pneumoniae et augmentation des germes Moraxella catarrhalis). Ces résultats seraient liés à la vaccination anti-pneumococcique.
A savoir ! L’incidence d’une maladie est le nombre de nouveaux cas de cette maladie par unité de temps divisé par la taille de la population. La prévalence est le nombre total de personnes présentant la maladie à un moment donné divisé par la taille de la population analysée.
Si les germes ont changé, les facteurs de risque d’apparition des OMA, sont quant à eux restés identiques :
- Fréquentation d’une crèche ;
- Sexe masculin ;
- Origine caucasienne ;
- Antécédents d‘OMA dans la fratrie ;
- Age de l’enfant au moment de la première OMA (plus l’enfant est jeune et plus il a de chances de récidiver) ;
- Affections atopiques (eczéma, rhinite allergique, asthme)
Lire aussi – L’OMS liste les bactéries les plus résistantes
Un traitement alternatif
D’après les auteurs de l’étude, la modification de la répartition des bactéries pathogènes pour l’oreille implique de modifier le traitement à l’amoxicilline, habituellement donné en première intention. Ils préconisent donc une association d’amoxicilline et d’acide clavulanique, à fortes doses, plutôt que l’amoxicilline seule, à doses usuelles. Par ailleurs, ils estiment que le traitement antibiotique peut être raccourci de 10 à 5 jours et recommandent le recours à la paracentèse pour soulager les maux d’oreille.
A savoir ! La paracentèse est une intervention chirurgicale simple qui se déroule sous anesthésie locale et qui consiste à percer le tympan pour évacuer le pus accumulé dans la caisse du tympan. Cette technique est de moins en moins employée car les traitements par antibiotiques sont généralement suffisants.
Les résultats de cette étude sont cependant contestés par plusieurs spécialistes qui en soulèvent les failles méthodologiques et critiquent la prise en charge des OMA du jeune enfant avec une paracentèse et une cure de 5 jours d’amoxicilline + acide clavulanique à fortes doses. Selon eux, il est nécessaire de respecter les recommandations officielles qui préconisent à titre curatif d’utiliser l’amoxicilline pendant 10 jours et à titre préventif de faire le vaccin anti-pneumococcique.
Mais cette confrontation d’idées risque de durer jusqu’à ce qu’un essai thérapeutique compare enfin les différentes molécules antibiotiques utilisables dans les OMA du jeune enfant.
Lire aussi – Un enfant sur dix dans le monde ne reçoit aucune vaccination !
Déborah L., Docteur en Pharmacie