Contamination de l’eau potable aux PFAS et augmentation de l’incidence des cancers aux Etats-unis : une corrélation observable en France ?

Par |Publié le : 31 janvier 2025|Dernière mise à jour : 5 février 2025|5 min de lecture|

Une étude américaine récente associe la contamination de l’eau potable aux substances chimiques PFAS (per- et polyfluoroalkylées) à l’incidence des cancers dans la population américaine. Où retrouve-t-on les PFAS ? Quelles sont les informations à retenir sur ces travaux récents de l’université de la faculté de médecine Keck de Los Angeles ?

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PFAS dans l’eau en France : que dit l’étude de Radio France réalisée en 2024 ?

Même si l’alimentation est la principale source d’exposition aux PFAS, « polluants éternels », l’eau potable constitue aussi une source d’exposition importante. Elle l’est notamment pour ceux vivant à proximité d’une source émettrice de PFAS. Celles-ci incluent par exemple des industries ou services techniques (traitement de métaux, peinture et lubrifiant, fabrication de revêtements (téflon) ou de papier, centre d’entrainements des pompiers (mousse anti-incendie), aéroports).

À savoir !Les PFAS, représentent une vaste famille de plusieurs milliers de composés chimiques (4000 répertoriés actuellement) qui sont persistants dans l’environnement (eau, air, sol, sédiments). Antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, ces substances sont largement utilisées depuis les années 1950 dans diverses applications industrielles. On les trouve aussi des produits de consommation courante : textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, gaz réfrigérants, revêtements antiadhésifs, cosmétiques, dispositifs médicaux, produits phytopharmaceutiques, etc.

Actuellement, seuls 20 PFAS figurent dans la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Leurs recherches en routine ne seront obligatoires qu’à partir du 1er janvier 2026. Cependant, depuis le 1er janvier 2023, cette recherche est devenue obligatoire dans un cas. Il s’agit des points où la présence de PFAS a déjà été identifiée par l’administration.

 La norme associée est de 100 ng/L dans les eaux destinées à la consommation humaine (ECDH) et de 2 000 ng/L dans les eaux brutes utilisées pour produire celles-ci.

En septembre 2024, Radio France, en coopération avec les antennes locales de France Bleu, a prélevé et fait analyser des échantillons d’eau potable, dans près de 89 villes françaises.

Les 20 PFAS inclus dans la directive EDCH ainsi que 5 autres PFAS problématiques ont été recherchés. Résultats ? Sur les 89 échantillons analysés, 43% contiennent des substances PFAS quantifiables. Parmi eux, 27 échantillons révèlent des PFAS interdites ou classées comme cancérogènes. 5 échantillons possèdent des taux préoccupants. 3 dépassent la future norme européenne (Martres Tolosane en Haute-Garonne, Cognac et à Saint Symphorien d’Ozon, au sud de Lyon).

Des travaux menés par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sont en cours pour préciser le niveau de contamination en France. Ils ont aussi pour but de fixer les seuils autorisés et réglementer leurs usages.

Une étude américaine fait le lien entre cancers et PFAS dans l’eau

On sait que les PFAS s’accumulent dans l’environnement et dans notre organisme. Une étude de Santé publique France montre que 99 % des Français en ont dans le sang. Les répercussions sur la santé sont nombreuses. Ils provoquent des perturbations endocriniennes, cancérigènes avérés ou possibles. Ils entrainent des dysfonctionnement du métabolisme avec une action sur le cholestérol par exemple. Leur impact touche également le système immunitaire, le foie et les reins. Enfin, ils ont une action sur la fertilité et le fœtus.

À savoir !En 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le PFOA comme « cancérogène pour l’Homme » (Groupe 1) et le PFOS comme « peut-être cancérogène pour l’Homme » (Groupe 2B).

Une étude américaine a été financée par le National Health Institutes (NIH) et publiée dans la revue Journal of Exposure Science & Environmental Epidemiology. Celle-ci montre que les citoyens américains exposés à de l’eau potable contenant des PFAS (45 % des échantillons d’eau potable aux États-Unis) augmente les risques de cancer. Les citoyens exposés ont une incidence jusqu’à 33 % plus élevée de cancers, dont certains rares.

Les PFAS concernés sont les PFOA, PFOS, PFHpA, PFHxS, PFNA et PFBS. Ces acronymes désignent des substances chimiques appartenant à la classe des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), connues pour leur persistance dans l’environnement et leur impact potentiel sur la santé humaine. Voici ce que chaque acronyme signifie :

  • PFOA : Acide perfluorooctanoïque (Perfluorooctanoic Acid)
  • PFOS : Sulfonate de perfluorooctane (Perfluorooctane Sulfonate)
  • PFAS : Substances per- et polyfluoroalkylées (Per- and Polyfluoroalkyl Substances)
  • PFHpA : Acide perfluoroheptanoïque (Perfluoroheptanoic Acid)
  • PFHxS : Sulfonate de perfluorohexane (Perfluorohexane Sulfonate)
  • PFBS : Sulfonate de perfluorobutane (Perfluorobutane Sulfonate)

Caractéristiques communes des PFAS :

Stabilité chimique : Ces composés sont extrêmement stables en raison des liaisons carbone-fluor.

Persistance : Ils s’accumulent dans l’environnement et les organismes vivants.

Toxicité potentielle : Certains de ces composés, comme le PFOA et le PFOS, sont associés à des effets sur la santé, tels que des perturbations hormonales, des cancers et des problèmes de reproduction.

Ces substances font l’objet d’une réglementation accrue et de recherches pour évaluer leurs impacts environnementaux et sanitaires.

À savoir !Selon l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments), les produits de la mer, les œufs et les viandes sont les aliments contribuant le plus à l’exposition au PFOS et au PFOA.

Les résultats sur l’incidence des cancers entre 2016 et 2021 montrent :

  • Une hausse de 2 et 33 % des cancers digestifs, endocriniens, cutanés, respiratoires et ORL ;
  • Une hausse de 33% de cancers ORL lors d’une contamination en PFBS ;
  • Une hausse de 28% de cancers thyroïdiens avec les PFNA.

Les associations variaient selon le sexe. Ainsi, les hommes étaient plus touchés par des leucémies, et des cancers du système urinaire et du cerveau. Les femmes étaient quant à elle davantage touchées par des cancers ORL (bouche et gorge) et ceux touchant la thyroïde.

Contaminations des PFAS dans l’eau en France : quelles actions ?

Pour le Haut Conseil de la santé publique, une des priorités est de rendre public les niveaux de contamination de l’ensemble des eaux de boisson

« Il est indispensable de publier le plus rapidement possible les niveaux de concentration en PFAS cibles (et autres polluants émergents) détectés dans les eaux conditionnées commercialisées ainsi que dans toutes les autres boissons, a-t-il recommandé. Une synthèse nationale trimestrielle doit être réalisée concernant les données PFAS dans les ressources en eau servant à la production des EDCH et dans les eaux minérales naturelles (EMN) à usage de boisson. Ces éléments doivent viser à déterminer les zones et territoires à risque prioritaire. »

Concernant la gestion de cette contamination dans les eaux potables, en attendant l’avis de l’ANSES, le Haut Conseil de la santé publique a élaboré de nouvelles vigilances. Ainsi, en parallèle de la limite de qualité de 100 ng/l pour la somme des concentrations des 20 PFAS de la directive Eau potable, il préconise une vigilance accrue sur quatre PFAS. Ceux-ci sont : le PFOA, le PFOS, le PFNA et le PFHxS.

Pour ces derniers, il conseille de retenir une valeur seuil provisoire de 20 ng/l pour la somme des concentrations dans les ECDH et les EMN.

Sources
– La contamination de l’eau potable aux PFAS contribuerait à plus de 6 800 cas de cancers par an aux États-Unis. www.lequotidiendumedecin.fr. Consulté le 17 janvier 2025.
– Plan d'actions interministériel sur les PFAS. www.ecologie.gouv.fr. Consulté le 17 janvier 2025.
– Perturbateurs endocriniens : les nouveaux défis de la recherche. www.anses.fr. Consulté le 17 janvier 2025.

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Julie P.
Journaliste scientifique
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