Depuis le début de la pandémie de la Covid-19 au début de l’année 2020, les scientifiques s’interrogent sur la grande variabilité clinique des cas d’infection par le SARS-Cov2. Des formes symptomatiques aux formes graves nécessitant la mise en place d’une respiration artificielle, quels sont les facteurs qui déterminent la gravité de la Covid-19 ? Si certaines comorbidités ont rapidement été identifiées comme des facteurs de risque de formes sévères, des chercheurs français ont récemment découvert que certains facteurs génétiques et immunologiques pourraient expliquer le développement d’une fraction des pneumopathies. Explications.
Covid-19 et pneumopathie hypoxémique
L’évolution d’une infection par le SARS-Cov2 vers une forme sévère nécessitant une admission en réanimation passe par le développement d’une pneumopathie affectant les capacités respiratoires du patient. Dès les premiers mois de la pandémie, les chercheurs et les médecins ont mis en cause certaines comorbidités dans l’évolution vers une forme grave de la Covid-19, entre autres :
- L’âge ;
- Le surpoids et l’obésité ;
- Certaines maladies chroniques, comme l’hypertension artérielle ou le diabète ;
- Les pathologies associées à une immunodépression plus ou moins sévère.
Au-delà de ces comorbidités, la grande variabilité clinique des cas de Covid-19 interroge les médecins depuis le début de l’épidémie. Pourquoi certains patients ne développent aucun symptôme ? Pourquoi d’autres patients développent une pneumopathie nécessitant une respiration artificielle et pouvant conduire au décès ?
La voie de l’interféron 1 mise en cause
Pour comprendre ce phénomène, des chercheurs français, en collaboration avec des équipes internationales, ont passé en revue les résultats de plusieurs études scientifiques. Ils livrent leurs conclusions dans un article publié dans la revue scientifique Nature. Pour les 10 % de patients qui développent une pneumopathie associée à une défaillance de la fonction respiratoire, les chercheurs ont montré que tous présentent un déficit d’une voie immunitaire spécifique, activée lors d’une infection virale, la voie de l’interféron de type 1. Lorsque cette voie est activée, pas moins de 17 protéines sont produites successivement dans le but d’inhiber la réplication du virus dans les cellules infectées.
Les chercheurs ont également découvert l’association entre les formes sévères de la Covid-19 et certaines mutations génétiques, affectant deux gènes en particulier, ces gènes étant impliqués dans la production des interférons de type 1. Ces mutations se produisent dans deux types de cellules :
- Les cellules de l’épithélium respiratoire ;
- Des cellules immunitaires (cellules dendritiques plasmacytoïdes).
Rechercher des auto-anticorps dès les premiers jours
Enfin, certaines études ont révélé la présence d’auto-anticorps ciblant les interférons de type 1 chez certains patients atteints de la Covid-19. La production d’auto-anticorps serait plus élevée chez les hommes et les personnes âgées de plus de 70 ans, ce qui expliquerait que ces deux catégories de population ont un risque majoré de développer une forme sévère de la Covid-19. Les chercheurs estiment que cette altération de la voie des interférons de type 1 chez certains patients pourrait expliquer au moins 20 % des pneumopathies à la Covid-19. Reste à expliquer les autres cas de pneumopathie sévère, sans doute liée à d’autres facteurs qui restent à déterminer.
De telles conclusions pourraient permettre de prévenir certaines formes graves de la Covid-19 en recherchant la présence d’auto-anticorps chez les personnes à risque de développer une forme sévère de la Covid-19. Il serait alors possible d’administrer à ces patients des traitements à base d’interférons pour stimuler la réponse immunitaire contre le SARS-Cov2 dès les premiers jours suivant l’infection. Parallèlement, les personnes présentant un déficit de la voie de l’interféron 1 pourraient être considérées comme prioritaires pour les doses de rappel dans le cadre de la campagne vaccinale.
Estelle B., Docteur en Pharmacie
– COVID Human Genetic Effort. et al. Human genetic and immunological determinants of critical COVID-19 pneumonia. doi.org. Consulté le 2 janvier 2022.