La nouvelle a été annoncée le 10 janvier 2022, et c’est une prouesse médicale inédite : la première greffe mondiale de cœur, à partir d’un cœur de porc génétiquement modifié, transplanté à un patient atteint d’une maladie cardiaque au stade terminal. Une prouesse réalisée par une équipe de chirurgie américaine. Explications.
Pénurie d’organes et organes issus de porcs
En France comme dans le monde, les organes manquent pour couvrir l’ensemble des besoins des patients atteints de maladies graves, dont certains organes sont irréversiblement défaillants. Face à cette pénurie d’organes qui touche tous les organes pouvant être transplantés, les chercheurs et médecins travaillent sur différentes alternatives. Parmi les alternatives étudiées, figurent les organes issus de porcs. Les organes du porc constituent en effet un réel espoir de guérison pour des milliers de malades en attente de greffe.
A travers le monde, plusieurs greffes d’organes de porc ont déjà été tentées, parfois avec succès. Après le succès d’une greffe de rein de porc génétiquement modifié en septembre 2021, des médecins américains viennent de réussir une nouvelle première mondiale, la greffe d’un cœur de porc génétiquement modifié à un homme de 57 ans, atteint d’une pathologie cardiaque grave, en phase terminale.
Des modifications génétiques pour réduire le risque de rejet
Cette première mondiale est un exemple réussi de xénogreffe, c’est-à-dire une transplantation dans laquelle le donneur et le receveur d’organes ne sont pas de la même espèce animale. Dans ce cas précis, le greffon cardiaque a été prélevé chez un porc génétiquement modifié. Les modifications génétiques étaient multiples :
- Le blocage de trois gènes impliqués dans la réaction de rejet immédiat des organes porcins par les tissus humains ;
- L’insertion de six gènes humains responsables de la tolérance immunitaire du cœur étranger ;
- Le blocage d’un autre gène pour prévenir une prolifération excessive des tissus issus du cœur porcin.
Pour augmenter les chances de réussite de la greffe, les médecins ont ajouté au traitement antirejet habituel un médicament antirejet spécifique pour la xénogreffe. Les porcs sont déjà utilisés depuis plusieurs années en chirurgie cardiaque, comme source de valves cardiaques. Et les porcs se révèlent d’intéressants donneurs d’organes pour l’homme pour trois raisons principales :
- Les organes porcins ont une taille proche de celle des organes humains ;
- Les porcs ont une croissance rapide ;
- Les portées des porcs sont nombreuses, augmentant la disponibilité des organes porcins.
Un espoir pour tous les patients en attente de greffe
Trois jours après cette greffe inédite, le patient de 57 ans se porte bien, sans signe de rejet immédiat de greffe. En effet, dans le cas d’une xénogreffe, le principal risque réside dans la survenue d’une réaction vive et immédiate du système immunitaire, en réponse à la transplantation d’un organe issu d’une autre espèce. Si cette greffe se révèle un succès, ce type de greffe à partir d’organes de porcs génétiquement modifiés pourrait représenter un formidable espoir pour tous les patients en attente d’un organe. Rien qu’aux USA, plus de 6 000 patients meurent chaque année faute de pouvoir bénéficier à temps d’une greffe d’organes.
La greffe de cœur, réalisée avec succès il y a seulement quelques jours, fait désormais l’objet d’une surveillance post-opératoire étroite, pour s’assurer de l’évolution de l’état de santé du patient et du bon fonctionnement de l’organe greffé. Pour le patient de 57 ans nouvellement greffé cardiaque, l’organe issu d’un porc génétiquement modifié constituait la dernière chance de transplantation, son état de santé l’ayant peu de temps avant contre-indiqué définitivement à une transplantation cardiaque classique.
Estelle B., Docteur en Pharmacie