Relation soignant – patient : le poids des mots !

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Rédigé par Estelle B. et publié le 10 juin 2017

Le dialogue entre soignant et soigné est capital pour la relation avec le patient et la qualité de la prise en charge. Mais quel est le poids des mots utilisés par les soignants ? Une récente étude australienne suggère que certains termes du langage médical pourrait influencer l’intensité des symptômes ressentis par les patients.

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Médecine et vocabulaire médical

Le langage médical est souvent désigné comme impersonnel, strictement scientifique, et largement incompréhensible du grand public. La médecine possède effectivement son propre langage, avec une terminologie bien précise pour chaque maladie, chaque symptôme ou chaque traitement. Ce vocabulaire est très souvent mal compris des patients et peut installer une distance entre les professionnels de santé et leurs patients. L’usage d’un langage médical très spécialisé peut en effet amener à une dépersonnalisation du patient, qui ne se sent pris en compte qu’au travers de sa maladie.

Pour expliquer au patient la maladie, ses conséquences ou sa prise en charge, le soignant doit adapter son discours, pour s’assurer que le patient comprenne l’ensemble des informations transmises. L’établissement de ce dialogue est une étape incontournable dans la création d’une relation de confiance entre l’équipe médicale et le malade. Mais les mots utilisés par le professionnel de santé peuvent-ils devenir suggestifs pour le patient ?

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Des mots à bannir

Pour évaluer l’impact du langage médical, un obstétricien et anesthésiste de l’hôpital pour femmes et enfants d’Adélaïde en Australie a présenté une nouvelle étude lors du dernier congrès scientifique du Collège des Anesthésistes d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Elle vise à mettre en évidence la puissance du langage suggestif sur les patients.

En fonction des mots utilisés par les médecins, les patients ressentent différemment les symptômes associés à une intervention médicale. Ainsi, au cours de l’étude, les patients ont noté des douleurs plus intenses et une anxiété plus forte, lorsque la douleur a été suggérée verbalement par le médecin, juste avant une intervention susceptible d’être douloureuse. Ce phénomène est accentué dans certaines situations :

  • Lorsque les patients sont particulièrement anxieux ou angoissés par l’intervention à venir ;
  • Pendant la grossesse ;
  • Chez les enfants.

Certains mots se révèlent particulièrement inducteurs de douleurs, par exemple les termes « essayer », « douleur », « vomir » et « panique ». D’autres ont un impact négatif sur les patients, tels que «  piquer », « blesser », « démanger » ou encore « inquiéter ». Ces mots devraient être évités au maximum par les soignants, sauf dans les cas où le patient les évoque de lui-même et attend une réponse à ses questions.

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Informer sans suggérer

Face à ces résultats, quelle devrait être l’attitude des soignants ? Selon l’auteur de l’étude, les médecins anesthésistes et spécialistes devraient concentrer leur discours sur les raisons de l’intervention, sans essayer de prédire ce que ressentira le patient. Se focaliser sur les suites de l’opération et sur l’ensemble des moyens disponibles et mis en œuvre pour améliorer le confort des patients constitue également une piste intéressante, puisqu’elle permet au patient de se projeter vers la récupération et la guérison.

Ainsi, l’auteur de l’étude développe une stratégie de communication thérapeutique baptisée LAURS (Listening, Acceptance, Utilisation, Reframing and Suggestion, ce qui signifie écoute, acceptation, utilisation, reformulation et conseil). Il insiste également sur l’importance de l’écoute du patient, afin d’adapter au mieux son discours à chaque patient.

Cette étude met l’accent sur le pouvoir de suggestion des mots utilisés par les professionnels de santé, particulièrement avant une intervention médicale redoutée par les patients. Sans rien cacher au patient, il apparaît inutile d’adopter un discours suggérant à l’avance anxiété et douleur.

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Estelle B., Docteur en Pharmacie

– The power of suggestion: How small words can have a big impact on patients’ experiences. Australian and New Zealand College of Anaesthetists. Australian and New Zealand College of Anaesthetists (ANZCA) Media Release. 2017.
– The power of suggestion: How small words can have a big impact on patients’ experiences. Media Release. 2017.
– Le langage de la médecine : les mots pour le dire. Balliu, Christian. ISTI Haute École de Bruxelles. Consulté le 9 juin 2017.
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