Sclérose en plaques : le danger des solvants organiques

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Rédigé par Julie P. et publié le 10 septembre 2018

Les personnes exposées à la peinture, aux vernis et aux autres solvants organiques seraient plus à risque de développer la sclérose en plaques, une maladie auto-immune affectant le système nerveux central et touchant une personne sur 1000 en France. Retour sur les résultats de l’étude parue récemment dans la revue Neurology.

Des solvants organiques

Hypothèses de départ : gène de susceptibilité et exposition aux solvants organiques

Avant de commencer ces travaux, l’équipe du Docteur Anna Karin Hedström de l’institut Karolinska de Stockholm, en Suède, est partie d’une hypothèse sur un mécanisme de mise en place de la sclérose en plaques (SEP).

Pour eux, différentes substances irritantes pour les voies respiratoires peuvent déclencher une réaction immunitaire (réaction de défense de l’organisme) au niveau des poumons qui va progressivement se généraliser en SEP si la personne est susceptible, d’un point de vue génétique, à la maladie.

Dans cette première expérience, ils ont décidé d’élucider l’influence de l’exposition aux solvants organiques sur le développement d’une SEP.

À savoir ! Les solvants sont des substances qui ont la propriété de dissoudre, de diluer ou d’extraire d’autres substances sans les modifier chimiquement. Les solvants sont utilisés dans des secteurs très diversifiés tels que le dégraissage, les peintures, les encres, la détergence, la synthèse organique. Un solvant est dit « organique » lorsqu’il contient des atomes de carbone. Neuf classes de solvants organiques sont répertoriées : les hydrocarbures aromatiques, les solvants pétroliers, les esters, les éthers, les alcools, les cétones, les hydrocarbures halogénés, les éthers glycolés et les solvants particuliers. Ils ont un effet néfaste sur la santé lorsque leurs vapeurs sont inhalés ou quand ils sont au contact de la peau.

Afin de mesurer cet effet, les chercheurs ont réuni 2042 patients diagnostiqués récemment avec une SEP et 2947 personnes témoins (ne souffrant pas de SEP) et ayant le même âge et le même sexe. La moyenne d’âge des participants était de 34 ans.

Dans un premier temps, ces 4989 personnes ont réalisé des tests sanguins pour déterminer si elles avaient la version du gène HLA les rendant plus susceptible ou plus résistant à la maladie.

À savoir ! Il y a plus de 40 ans, il a été découvert qu’une variation du gène dit HLA (Human Leucocyte Antigen = Antigène des leucocytes humains) présent sur le chromosome 6 est le facteur de risque le plus important pour développer la maladie. Ce gène HLA est responsable de la production de molécules, par les globules blancs, impliquées dans le système immunitaire. Des chercheurs suédois de l’institut Karolinska ont découvert récemment que les personnes présentant la version HLA-DRB1 du gène ont un risque plus accru de développer la maladie. Ce gène est soumis à une régulation dite « épigénétique » dans laquelle des facteurs environnementaux vont venir freiner ou accélérer son expression. En parallèle, ils ont découvert une nouvelle variante du gène HLA qui réduit le risque de développer une SEP.

Ensuite, les chercheurs ont invité les participants à répondre à un questionnaire pour évaluer leur niveau d’exposition à des solvants organiques, de la peinture ou du vernis et à la fumée de cigarette.

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Gènes de susceptibilité, solvants, fumée de tabac : une lourde combinaison de facteurs aggravants

En analysant l’ensemble des données collectées, les chercheurs ont mis en évidence que :

  • Les patients exposés à des solvants et porteurs du gène de vulnérabilité à la SEP ont sept fois plus de risques de développer la maladie comparativement aux patients non exposés aux solvants et non porteurs de ce gène ;
  • Les fumeurs exposés aux solvants et porteurs du gène de vulnérabilité sont 30 fois plus susceptibles de souffrir de la maladie par rapport aux personnes n’ayant pas été soumis à ces trois facteurs aggravants.

Les chercheurs ont estimé que l’association du gène impliqué dans la SEP avec l’exposition aux solvants était responsable d’environ 60 % du risque de développer la SEP.

Ces résultats viennent confirmer l’hypothèse selon laquelle l’exposition aux solvants et le tabagisme pourraient favoriser une inflammation pulmonaire et une irritation, susceptibles d’entraîner une réaction immunitaire pouvant atteindre le système nerveux central (cerveau et moelle épinière).

Afin de se protéger au mieux de la survenue d’une SEP, les chercheurs recommandent d’éviter la fumée de cigarette et l’exposition inutile aux solvants organiques, et surtout l’association des deux.

À savoir ! Selon le comité national contre le tabagisme, la combustion du tabac produit des nombreuses substances toxiques pour l’organisme dont les goudrons, des gaz toxiques comme le monoxyde de carbone et des métaux lourds. La fumée de cigarette recèle jusqu’à 4 000 composés chimiques (dont des solvants organiques comme le toluène) et 50 d’entre eux, au moins, sont cancérigènes. Elle représente un danger mortel aussi bien pour les fumeurs que pour les non-fumeurs.

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Exposition aux solvants organiques : tous concernés

De nombreux solvants présentent des risques pour la santé, ce qui est d’autant plus inquiétant qu’en 2003, l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) précisait que 14,7 % de la population salariée était exposée à des solvants contre 12,3 % en 1994.

Les professionnels de la peinture, de la plasturgie, de l’imprimerie, du nettoyage, du funéraire, de la blanchisserie ou des salariés d’usine travaillent au contact des solvants organiques quotidiennement. Des mesures de prévention sont mises en place dans les entreprises et l’utilisation de ces solvants organiques sont soumis aux dispositions du Code du travail relatif à la prévention des risques chimiques.

En parallèle, l’air des habitations peut également contenir de solvants organiques qui émanent des colles, des peintures, des vernis et des produits d’entretien. Même si la composition des matériaux d’habitationest moins nocive que par le passé (réduction des COV des peintures, programme européen REACH sur la déclaration des composés chimiques, déclaration environnementale obligatoire), il reste néanmoins nécessaire d’aérer les pièces au moins 10 minutes par jour !

Pour plus d’informations sur les solvants organiques, n’hésitez pas à consulter la fiche de l’INRS.

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Julie P. Journaliste scientifique

– L’exposition aux solvants organiques, associée à un risque accru de SEP. JIM. C. Vrancken. Consulté le 10 septembre 2018.
– Organic solvents and MS susceptibility. Neurology. A.K. Hedström AK et al. Consulté le 10 septembre 2018.
– Mechanism controlling multiple sclerosis risk identified. Karolinska Institutet. Consulté le 10 septembre 2018.
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