Dans quelles mesures les saisons influencent-elles les performances cognitives des séniors ? C’est en voulant répondre à cette question que des chercheurs canadiens, américains et français ont étudié les données de 3 353 volontaires. Résultats : les personnes âgées avec ou sans maladie neurodégénérative (comme la maladie d’Alzheimer) ont de meilleures facultés cognitives à la fin de l’été et au début de l’automne. Retour sur cette étude ayant des implications thérapeutiques importantes.
Un cerveau plus jeune de 4 ans entre le printemps et l’automne
Pour commencer cette étude supervisée par le Docteur Andrew Lim de l’hôpital Sunnybrook de Toronto, les chercheurs ont collecté des données provenant de plus de 10 années de recherche dans les centres spécialisés sur l’étude de la maladie d’Alzheimer au Canada, aux États-Unis et en France.
Les données de 3 353 séniors, ayant passé des tests cognitifs et des analyses biologiques, ont été collectées.
Globalement, l’équipe de chercheurs s’est aperçue que les capacités cognitives des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer ou non variaient en fonction des saisons.
Ainsi, les participants ont obtenu de meilleurs résultats à l’automne par rapport au printemps : la performance gagnée entre ces deux saisons était l’équivalent de 4 années de rajeunissement cérébral.
De plus, cette tendance était la même chez les adultes atteints ou non de la maladie d’Alzheimer (MA).
Autres faits remarquables : les performances cérébrales étaient à leur point le plus haut autour de la date de l’équinoxe d’automne et c’est, notamment, la mémoire de travail (mémoire à court terme) qui était davantage impactée par les changements de saison.
À savoir ! La mémoire de travail permet à une personne de disposer d’un espace de travail mental pour retenir des informations pendant quelques secondes. On sollicite cette mémoire lorsque l’on retient un numéro de téléphone, une action à faire dans une recette de cuisine. Elle est sollicitée lors de la recherche d’information, du raisonnement et la compréhension de lecture.
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Comment expliquer cette variation de performances cognitives en fonction des saisons ?
Après avoir mis en évidence un lien entre performance cognitive et saisons, les chercheurs se sont interrogés sur les raisons qui pouvaient expliquer ce phénomène.
Plusieurs hypothèses sont envisagées dont :
- La variation saisonnière des concentrations de la protéine bêta-amyloïde et de la protéine tau dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) ;
- Le changement de la durée du sommeil et donc, du taux de vitamine D ;
- La variation des hormones sexuelles (testostérone) et de la mélatonine ;
- L’exposition à la lumière (cependant ici la cognition maximale était à l’automne, plutôt que l’été, quand la lumière du jour est la plus longue) ;
- La température ambiante ;
- Les apports nutritionnels ou les changements dans l’activité physique.
À savoir ! La protéine TAU est présente dans l’organisme en tant que constituant du squelette cellulaire (cytosquelette). Or, dans la maladie d’Alzheimer, elle est modifiée et provoque une déstructuration des cellules nerveuses et engendre ce que l’on appelle la dégénérescence neurofibrillaire à l’origine de la mort des neurones. La protéine bêta-amyloïde est présente, quant à elle, de manière naturelle dans le cerveau. Au cours de la maladie, cette protéine va s’accumuler en dehors des neurones et former des amas, toxiques pour les cellules nerveuses, les plaques amyloïdes ou plaques séniles.
Au stade actuel de la Recherche, il est encore nécessaire de faire des études de suivi pour examiner le rôle de chacun de ces facteurs pouvant faire le lien entre performance cognitive et saison.
La compréhension des mécanismes liés à la saisonnalité induisant une perte ou un gain des performances cérébrales est très importante pour la prévention et le traitement de tout un ensemble de pathologies induisant un affaiblissement des performances cognitives.
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Implications de cette découverte dans la prise en charge des séniors
Cette découverte présente de nombreuses conséquences pour :
- Améliorer les diagnostics ;
- Améliorer la prise en charge comportementale et pharmacologique des séniors souffrant de troubles neurodégénératifs ;
- Développer rapidement de futures thérapies ou de futurs médicaments.
Pour les chercheurs, les aidants et les familles des personnes âgées doivent savoir que :
- Une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer continue de changer tout au long de l’année et que les changements saisonniers peuvent entraîner une amélioration cognitive ;
- L’hiver et le printemps peuvent s’accompagner d’une aggravation temporaire de la cognition et qu’il peut être judicieux de mettre en place, à ce moment de l’année, un soutien renforcé.
A ce stade, les chercheurs vont entreprendre des travaux supplémentaires visant à comprendre les mécanismes sous-jacents qui contrôlent cette plasticité cérébrale.
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Julie P., Journaliste scientifique
– Older adults do their best thinking in the fall, study suggests. Sunnybrook. J.Palisoc. Consulté le 24 septembre 2018.
– Seasonal plasticity of cognition and related biological measures in adults with and without Alzheimer disease: Analysis of multiple cohorts. Plos Medicine. A.S.P. Lim et al. Consulté le 24 septembre 2018.