Chaque année, en France, 3 000 nouvelles personnes sont touchées par le glioblastome, un cancer du cerveau très agressif pour lequel l’espérance de vie est, en moyenne, de 15 à 18 mois sous traitement. L’une des pistes thérapeutiques les plus prometteuses est l’injection, chez le patient, de nanoparticules magnétiques guidées à distance. Zoom sur ce projet de trois ans réalisés par plusieurs unités de recherche de l’INSERM (Institut National de Santé et de Recherche Médicale).
Mise au point des nanoparticules téléguidables
Associer une molécule thérapeutique efficace avec un système d’adressage précis pour lutter contre le glioblastome, telle est l’ambition d’un projet, supervisé par Joel Eyer, directeur de recherche INSERM à l’université d’Angers, et intégrant deux autres équipes de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) Centre-Val de Loire.
À savoir ! Les glioblastomes surviennent à tout âge, mais dans 70% des cas entre 45 et 70 ans. Ici, la tumeur touche un type de cellules gliales (astrocytes) c’est-à-dire les cellules de soutien. Ils siègent le plus souvent au niveau des hémisphères cérébraux mais peuvent être localisés partout dans le système nerveux central. Les signes neurologiques ne sont pas spécifiques ; ils traduisent une pression intracrânienne au-dessus de la normale (céphalées et vomissements) qui s’associe souvent à des changements du comportement ou à des déficits neurologiques.
Initialement, ce projet a débuté avec les travaux de Joel Eyer et son équipe. En étudiant de près la physiopathologie du glioblastome sur des modèles expérimentaux, ils ont découvert qu’un type de peptide (petite protéine) constituant les neurofilaments pénètre exclusivement dans les cellules de glioblastome et non pas dans les neurones sains.
À savoir ! Les neurofilaments sont des fibres protéiques fines, regroupées en faisceaux, qui constituent l’élément de soutien du neurone.
« Ce peptide s’introduit dans les cellules cancéreuses mais il ne pénètre pas dans les neurones sains. Nous avons alors eu l’idée de l’utiliser pour injecter des produits anticancéreux spécifiquement dans les cellules de glioblastome et ainsi épargner les tissus non touchés » précise le directeur de recherche dans un communiqué de presse de l’INSERM.
Pour mettre au point leur stratégie thérapeutique, les chercheurs ont développé des nanocapsules, c’est à dire des gélules de l’ordre du nanomètre (un milliardième de mètre) renfermant une molécule thérapeutique et tapissées par le peptide qui pénètre exclusivement dans les cellules tumorales.
En couplant ces données avec l’expertise en nanorobotique de l’INSA de Bourges, les chercheurs veulent mettre au point une gélule dotée de particules magnétiques qui peuvent être pilotées dans un fluide biologique comme le sang.
Cette méthode repose sur l’utilisation d’électroaimants qui vont faire varier un champ magnétique et déplacer, en conséquence, les particules aimantées dans le corps.
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Vers les premiers tests de téléguidage chez le rat
« Les premiers tests de téléguidage de nanocapsules magnétisées devraient avoir lieu sur des rats en début d’année prochaine » poursuit Antoine Ferreira.
Pour ce faire, les chercheurs vont positionner au centre d’un électroaimant, un rat modèle de la maladie chez qui ils auront administré par voie intraveineuse des nanoparticules magnétiques intégrant la substance anti-tumorale et le peptide.
Les particules seront orientées, et tracées en temps réel, dans le réseau sanguin du rat pour atteindre le cerveau. Une fois arrivées au niveau de la boîte crânienne, les nanocapsules devront traverser la barrière hémato-encéphalique puis se diriger préférentiellement dans les cellules du glioblastome pour y déverser leurs substances thérapeutiques.
À savoir ! La barrière hémato-encéphalique (BEH) est un groupement de cellules jointes bloquant le passage de certaines molécules du sang vers le cerveau. Elle joue un rôle protecteur à l’égard du système nerveux en empêchant le passage de certains agents pathogènes ou toxiques. La plupart des molécules sont arrêtées sauf l’eau, l’oxygène, le sucre, le café, l’alcool, la nicotine, l’insuline, certains lipides, les psychotropes et certains médicaments. Elle permet aussi au cerveau de se débarrasser de ses déchets. Pour augmenter la perméabilité de cette barrière, il est possible d’utiliser les ultrasons ou augmenter la température des nanoparticules qui viendra dilater les pores de la BEH..
Avant de passer à l’étape clinique et sous réserve que cette expérience sur l’animal montre son efficacité, les chercheurs devront s’assurer de la non-toxicité de ces nanoparticules sur l’Homme.
Rendez-vous prochainement pour faire le point sur ces expériences qui promettent de révolutionner le traitement du glioblastome mais aussi la prise en charge d’autres maladies cérébrales comme la maladie d’Alzheimer ou les Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC).
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Julie P., Journaliste scientifique