Une stratégie alternative pour le traitement de la tuberculose pharmaco-résistante ?

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Rédigé par Deborah L. et publié le 19 janvier 2024

Maladie infectieuse grave comptant parmi les plus mortelles, la tuberculose peut se compliquer en tuberculose dite « pharmaco-résistante ». Et s’il était désormais possible d’envisager une stratégie alternative pour le traitement de la tuberculose « pharmaco-résistante » ? C’est ce que suggèrent les conclusions d’une nouvelle étude scientifique qui met en lumière un composé chimique présentant une double action contre cette pathologie. On fait le point.

Tuberculose-resistante

Tuberculose et risque d’antibiorésistance

La tuberculose est l’une des maladies infectieuses graves les plus mortelles. En 2022, on estime qu’elle a causé 1,3 million de décès dans le monde ! Cette maladie est due à une bactérie, Mycobacterium tuberculosis, qui touche le plus souvent les voies respiratoires et les poumons et s’accompagne de symptômes comme la toux, des expectorations sanguinolentes et des douleurs thoraciques. Mais elle peut également toucher d’autres organes ou se loger à l’état de dormance dans certaines cellules ! La transmission de la tuberculose d’une personne à une autre se fait aisément par dispersion de gouttelettes par voie aérienne lorsque la personne infectée tousse, éternue ou crache.

Du fait de la diversité des organes pouvant être touchés, la tuberculose fait l’objet d’une polythérapie. Elle se traite en effet au moyen de quatre antibiotiques pendant 2 mois suivis de deux antibiotiques pendant 4 mois. Mais c’est sans compter le risque chez le patient de développer une antibiorésistance s’il ne suit pas correctement son traitement. La bactérie devient résistante à un ou plusieurs antibiotiques et le patient développe alors ce que l’on appelle une tuberculose résistante ou « multi-résistante ».

À savoir ! La tuberculose « multi-résistante » désigne une résistance simultanée de la bactérie responsable de la tuberculose aux deux principaux antibiotiques efficaces. Lorsque la souche est résistante à beaucoup plus d’antibiotiques, on parle alors de tuberculose « extra-résistante ».

Or, le traitement d’une tuberculose multi-résistante est beaucoup plus lourd et long que celui d’une tuberculose sensible du fait que les molécules soient moins efficaces. Le traitement d’une tuberculose multi ou extra-résistante associe le plus souvent 5 à 6 antibiotiques auxquels la souche est sensible pour une durée de 18 à 24 mois !

Un composé double action contre la tuberculose multi-résistante

Conscients de cette problématique, des chercheurs français et allemands ont entrepris de chercher une stratégie alternative de traitement de la tuberculose multi-résistante. Pour mener à bien leurs travaux, ils ont ainsi analysé des milliers de molécules chimiques grâce à une technologie à haut débit. L’objectif ? Evaluer leur capacité à cibler un facteur de virulence de la tuberculose pour bloquer la multiplication des bactéries au sein des cellules immunitaires humaines. Cette façon de procéder a ainsi mené les scientifiques à l’identification de composés d’intérêt capables de viser des cibles différentes de celles des antibiotiques classiques.

En analysant le mécanisme d’action de ces composés de plus près, les scientifiques ont ensuite remarqué que certains d’entre eux avaient un double rôle : s’attaquer aux facteurs de virulence de la tuberculose et renforcer l’efficacité antibiotique de l’éthionamide. Parmi ces composés, les chercheurs ont ainsi identifié un composé chimique appelé l’oxadiazole à l’action double contre la tuberculose pharmaco-résistante :

  1. Bloque la multiplication des bactéries dans les cellules immunitaires humaines.
  2. Tout en boostant l’efficacité de l’antibiotique éthionamide.

Vers une meilleure prise en charge de la tuberculose multi-résistante ?

Publiés dans la revue Cell Chemical Biology, les résultats de ces travaux sont encourageants en ce sens qu’ils ouvrent de nouvelles perspectives pour le traitement de la tuberculose multirésistante. En ciblant deux mécanismes d’action différents, il pourrait donc être envisageable de réduire le phénomène d’antibiorésistance tout en augmentant l’efficacité des antibiotiques classiques.

Pour les auteurs de ces travaux, combiner la lutte contre les facteurs de virulence à la lutte contre l’antibiorésistance « représente une voie inexplorée dans la lutte contre les infections mycobactériennes ». Une découverte d’autant plus intéressante qu’elle intervient dans un contexte mondial préoccupant marqué par l’émergence de mycobactéries résistantes en Asie.

Déborah L., Dr en Pharmacie

Sources
– Tuberculose pharmacorésistante : découverte encourageante d’une stratégie alternative de traitement. www.lequotidiendumedecin.fr. Consulté le 15 janvier 2024.
– Discovery of dual-active ethionamide boosters inhibiting the Mycobacterium tuberculosis ESX-1 secretion system. www.cell.com. Consulté le 15 janvier 2024.