Acitrétine : tératogène connu et pourtant toujours des grossesses…

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Rédigé par Estelle B. et publié le 25 juillet 2017

L’acitrétine est un médicament utilisé depuis plusieurs décennies dans le traitement de certaines affections cutanées sévères. Son effet tératogène est bien connu et fait l’objet de règles de prescription et de délivrance particulières. Malgré ces dispositions, encore trop de grossesses surviennent chez des femmes sous traitement ou dans les mois qui suivent l’arrêt du traitement.

Acitrétine et effet tératogène

Acitrétine et effet tératogène

L’acitrétine est un dérivé de la vitamine A (rétinoïde) prescrite en France depuis 1988 dans plusieurs indications thérapeutiques :

  1. Les formes sévères de psoriasis (seul ou en association avec la PUVAthérapie) ;
  2. Les dermatoses liées à des troubles sévères de la kératinisation ;
  3. Les formes sévères de lichen plan en cas d’échec des traitements habituels.

Comme tous les rétinoïdes, l’acitrétine est un agent tératogène (susceptible de provoquer des malformations chez le fœtus) puissant, qui justifie que sa prescription et sa délivrance soient soumises à des règles strictes, pour éviter toute grossesse :

  1. Une contraception efficace pendant toute la durée du traitement et les deux ans suivant son arrêt ;
  2. Un test sanguin de grossesse dans les trois jours qui précèdent chaque renouvellement mensuel d’ordonnance ;
  3. Un test sanguin de grossesse deux mois après l’arrêt du traitement, puis régulièrement pendant les deux ans qui suivent ;
  4. Une délivrance du médicament dans la semaine qui suit la prescription ;
  5. La présentation du carnet patient à chaque consultation médicale et lors de chaque délivrance à la pharmacie ;
  6. L’interdiction de consommer de l’alcool pendant le traitement et durant les deux mois qui suivent l’arrêt.

Les professionnels de santé doivent bien informer les femmes en âge de procréer que l’acitrétine est incompatible avec une grossesse pendant toute la durée du traitement, mais aussi dans les deux années qui suivent. En effet, dans l’organisme, le médicament peut se dégrader en un composé tératogène, stocké dans les graisses. La formation de ce composé est favorisée par la consommation d’alcool.

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Un renforcement des mesures en 2014

Ces mesures sont-elles suffisantes pour limiter le nombre de grossesses sous acitrétine ? Entre 2007 et 2012, une étude de cohorte a été réalisée sur 7 663 femmes en âge de procréer, pour évaluer le respect des mesures instaurées pour la prescription et la délivrance de l’acitrétine. Cette étude a révélé plusieurs résultats importants :

  1. Le test de grossesse dans les trois jours précédant la délivrance n’est effectué que dans 11 % des cas ;
  2. 65 % des femmes n’ont eu aucun test de grossesse pendant toute la durée de leur traitement ;
  3. 77 % des femmes n’ont effectué aucun test de grossesse dans les deux ans suivant l’arrêt de l’acitrétine.

Au total, 357 grossesses ont été observées en cours de traitement ou dans les deux années suivantes, dont près de 40 % ont été interrompues (interruption volontaire ou médicale de grossesse, fausse couche spontanée).

Face à ce constat, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) avait rappelé en Février 2014 l’importance du strict respect des mesures mises en place, tout en renforçant l’encadrement de la prescription d’acitrétine :

  1. La prescription initiale annuelle réservée uniquement aux dermatologues (seul un dermatologue peut instaurer le traitement et il doit obligatoirement renouveler l’ordonnance au moins une fois par an) ;
  2. La mise en place de courriers de liaison entre le dermatologue et le médecin traitant ;
  3. Le renforcement des mesures de prévention de la survenue d’une grossesse, auprès des professionnels de santé et des patientes.

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Encore des dizaines de grossesses chaque année…

Quel est l’état de la situation en 2017 ? Pour répondre à cette question, une nouvelle étude a été menée entre 2007 et 2015 sur 10 402 femmes en âge de procréer.

Les principaux résultats sont les suivants :

  1. Le taux de tests de grossesse augmente (19 % en 2012, 37 % en 2015) mais reste insuffisant.
  2. En 2015, 20 % des instaurations de traitement sont effectuées par des médecins généralistes, contrairement à la réglementation de 2014.
  3. La réalisation des tests de grossesse est mieux respectée lorsque la prescription émane d’un dermatologue (53 %) et non d’un médecin généraliste (12 %).
  4. Sur la période étudiée, 694 grossesses ont été recensées.

Par ailleurs, des études récentes semblent montrer que le risque tératogène perdure au-delà des deux ans suivant le traitement. Compte-tenu de l’ensemble de ces données, l’ANSM prend les mesures suivantes :

  1. Un rappel de la nécessité de respecter strictement les règles de prescription et de délivrance de l’acitrétine ;
  2. Une extension de la contraception pendant les trois ans suivant le traitement ;
  3. Une limitation du traitement aux seuls cas où il est indispensable et sans alternative possible ;
  4. L’impossibilité de donner leur sang pour les hommes et les femmes traités et au cours des trois années suivantes.

A l’heure où l’effet tératogène de certains médicaments fait débat, les mesures mises en place et renforcées par les autorités de santé pour limiter le risque de grossesse sous acitrétine semblent malgré tout insuffisantes. Pourtant, avec un risque de malformations fœtales graves estimé à 25 %, aucune grossesse ne devrait débuter pendant ou après un traitement par ce médicament !

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Estelle B., Docteur en Pharmacie

– Soriatane (acitrétine) : Renforcement des mesures de minimisation du risque tératogène. Point d’information. ANSM. Le 26 Février 2014.
– Conditions de prescriptions et de délivrance de l’acitrétine (Soriatane®) chez les femmes en âge de procréer : Étude d’impact du renforcement de la réglementation. Rapport final. ANSM. Février 2017.
– Étude d’impact des mesures de réduction du risque tératogène de Soriatane (acitrétine) : persistance de grossesses en cours de traitement ou dans les mois suivant son arrêt – Point d’information. ANSM. Le 22 Juin 2017.
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