De nombreux médicaments sont capables d’agir négativement sur les reins. Prévenir, repérer et prendre en charge la néphrotoxicité de ces médicaments est essentiel pour limiter les atteintes rénales d’origine médicamenteuse et leurs conséquences.
Le rein : principal organe d’élimination des médicaments
Les reins sont un organe important pour le métabolisme des médicaments. En effet, nombreux sont ceux qui sont éliminés, après transformation, par voie urinaire, mais beaucoup de médicaments sont également susceptibles de perturber le fonctionnement des reins.
La prescription de médicaments ayant un impact sur les reins nécessite un certain nombre de précautions, en particulier une évaluation de la fonction rénale du patient, pour limiter les risques d’effets secondaires médicamenteux. Le médecin peut alors prescrire des analyses sanguines, afin de déterminer :
- Le taux sanguin de créatinine (une protéine présente dans le sang) ;
- La clairance de la créatinine, qui compare la créatinine éliminée par voie urinaire et celle présente dans le sang ;
- Le débit de filtration glomérulaire, qui indique l’état de la fonction rénale.
Une surveillance médicale régulière est également recommandée pour les traitements longs.
Les précautions doivent évidemment être maximales chez les personnes atteintes d’insuffisance rénale. Ces patients sont exposés à un risque élevé d’accumulation des médicaments normalement éliminés par voie urinaire, et ainsi à des effets indésirables médicamenteux importants.
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Deux types de toxicité rénale d’origine médicamenteuse
Les médicaments capables d’altérer le fonctionnement des reins sont appelés des médicaments néphrotoxiques. Ils sont divisés en deux catégories, selon l’atteinte rénale qu’ils provoquent :
- Les médicaments responsables d’une insuffisance rénale fonctionnelle, qui régresse généralement dès l’arrêt du médicament en cause. Parmi ces médicaments sont retrouvés notamment les diurétiques, les antiinflammatoires non stéroïdiens ou certains antihypertenseurs (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, sartans).
- Les médicaments responsables d’une insuffisance rénale organique, impliquant des lésions des tissus rénaux parfois irréversibles. Ces médicaments sont par exemple certains antibiotiques (aminosides), les cytotoxiques, des immunosuppresseurs, le lithium ou les produits de contraste iodés.
Il est recommandé de limiter l’association de plusieurs médicaments néphrotoxiques. Chez les personnes dont la fonction rénale est altérée, la prescription de ces médicaments est limitée autant que possible. Lorsqu’ils doivent absolument être prescrits, une surveillance de la fonction rénale est instaurée pendant et après le traitement qui doit être le plus bref possible.
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Mieux anticiper la néphrotoxicité médicamenteuse
Malgré les recommandations instaurées pour limiter les conséquences de la néphrotoxicité des médicaments, les atteintes rénales des médicaments représentent toujours un problème clinique important.
Si l’évaluation initiale de la fonction rénale reste un prérequis essentiel en prévention, d’autres aspects représentent des pistes d’amélioration :
- La connaissance et la prise en compte des facteurs de risque ;
- Le diagnostic précoce d’une atteinte rénale médicamenteuse ;
- L’arrêt ou l’ajustement de posologie du médicament.
Les facteurs de risque interviennent à deux niveaux distincts :
- Ceux liés au patient, notamment les personnes âgées, les femmes, les personnes atteintes de maladies rénales, la survenue de vomissements ou de diarrhées, l’existence de certaines pathologies (insuffisance hépatique, insuffisance cardiaque) ;
- Ceux liés au médicament lui-même, en particulier la nature du médicament, ses caractéristiques pharmacologiques, sa posologie, la voie d’administration, la durée du traitement et les éventuelles associations avec d’autres médicaments.
Le Consortium International pour les Evènements Indésirables Graves suggère quatre formes de néphrotoxicité :
- L’insuffisance rénale aigüe (arrêt brutal de la fonction rénale correspondant à une urgence médicale) ;
- L’atteinte glomérulaire (lésions des glomérules rénaux qui constituent les unités fonctionnelles des reins) ;
- L’atteinte tubulaire (lésions des tubules rénaux qui constituent les unités fonctionnelles des reins) ;
- La néphrolithiase (formation de calculs au niveau des structures rénales).
En pratique, les médecins disposent d’un outil pour diagnostiquer rapidement la néphrotoxicité, l’algorithme de NARANJO. Basé sur dix questions concernant les signes cliniques du patient, il permet d’incriminer la toxicité rénale d’un médicament pour réagir rapidement. Les marqueurs biologiques rénaux classiques (substances dosées dans le sang ou les urines pour mettre en évidence une atteinte rénale) ne permettent généralement pas de diagnostiquer précocement la néphrotoxicité. D’autres marqueurs sont actuellement développés pour aider les médecins à repérer dès les premiers stades une atteinte rénale d’origine médicamenteuse.
Si la toxicité rénale de certains médicaments est bien connue, une meilleure anticipation de la néphrotoxicité est capitale pour réduire les effets secondaires, parfois graves, de ces médicaments et ne pas entacher leur intérêt thérapeutique.
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Estelle B. / Docteur en Pharmacie
– Néphrotoxicité médicamenteuse. Izzedine, H. and al. 2018. Néphrologie & Thérapeutique.