En France, le cancer colorectal représente aujourd’hui la troisième cause de cancer. Son incidence augmente d’année en année et selon les dernières estimations, en 2020, 45 000 nouveaux cas pourraient être recensés. Dans ce contexte, la prévention constitue un enjeu majeur pour lutter contre la maladie. Et le microbiote intestinal pourrait bien être une des pistes à explorer. Explications.
Cancer colorectal et bactéries intestinales
Le cancer colorectal est l’un des cancers les plus fréquents en France et est en constante augmentation au fil des années. Si un dépistage organisé a été mis en place chez les adultes de 50 à 74 ans pour améliorer le pronostic des patients, la prévention constitue un enjeu majeur pour réduire le nombre de cas de la maladie.
Plusieurs études ont mis en évidence un rôle de l’alimentation sur le développement du cancer colorectal, par exemple la consommation importante de viande rouge et de charcuterie. Mais le microbiote intestinal, et plus particulièrement sa composition, pourrait également jouer un rôle important.
Deux études menées en parallèle viennent en effet de mettre en évidence un rôle pro-cancérogène de deux bactéries présentes dans le microbiote intestinal :
- Des souches spécifiques d’Escherichia coli;
- Des souches particulières de Bacteroides fragilis.
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Un duo de bactéries pro-carcinogènes
La première étude, dont les résultats ont été publiés dans la revue scientifique Science, a été menée chez 6 patients atteints de polypose colique familiale et 20 personnes en bonne santé. Lorsque les deux bactéries étudiées sont présentes simultanément dans le microbiote intestinal, elles peuvent former ensemble un biofilm gluant. Ce biofilm constitue un milieu privilégié pour que les bactéries se multiplient et adhèrent aux cellules de l’épithélium intestinal. Cette situation se retrouve beaucoup plus fréquemment chez les patients atteints de polypose colique familiale, que chez les sujets en bonne santé.
À savoir ! La polypose colique familiale est une affection, caractérisée par une prédisposition génétique à présenter de multiples polypes intestinaux. Cette affection est reconnue comme un facteur de risque majeur de développer un cancer colorectal.
La seconde étude, publiée dans la revue scientifique Cell Host and Microbe, a été menée sur des souris transgéniques, utilisées comme modèle de polypose colique familiale. Chez ces souris, la co-infection par les deux bactéries étudiées entraînait le développement de tumeurs coliques, tandis que l’infection par une seule des deux bactéries ne provoquait pas de développement tumoral.
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Une cible pour la prévention du cancer colorectal
Les résultats de ces deux études aboutissent à des conclusions similaires. La toxine de Bacteroides fragilis pourrait dégrader le mucus du côlon, en le rendant plus gluant. Les bactéries Escherichia coli pourraient alors adhérer plus facilement aux cellules de la muqueuse intestinale. La présence simultanée des deux bactéries serait responsable d’une inflammation locale, favorisant le développement des bactéries et la production de toxines, des éléments favorables au processus tumoral.
Même si ces études restent théoriques et doivent être poursuivies par des études complémentaires – notamment pour démontrer formellement le lien de causalité entre la présence des bactéries et la formation d’une tumeur, elles révèlent l’importance de la composition du microbiote dans le développement d’un cancer colorectal, en particulier chez les sujets à risque. Des applications cliniques pourraient être mises au point pour agir sur ces bactéries pro-oncogènes. Elles pourraient constituer un aspect fondamental dans la prévention du risque de cancer colique.
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Estelle B., Docteur en Pharmacie
– Bacteroides fragilis Toxin Coordinates a Pro- carcinogenic Inflammatory Cascade via Targeting of Colonic Epithelial Cells. . Chung, L. and al..Consulté en 2018.