Binge Drinking : mieux comprendre pour mieux prévenir

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Rédigé par Julie P. et publié le 2 août 2018

Hospitalisations, accidents de la route, dépendance physique et psychique… les conséquences de la consommation excessive d’alcool sont dramatiques. Depuis quelques années, la mode du « binge drinking« , consommer beaucoup d’alcool très rapidement, suscite de vives craintes. Quelles sont les conséquences, sur le long terme, de ce comportement ? Comment mieux cibler les profils de binge drinker pour mieux prévenir les risques encourus ? Focus sur les travaux d’une équipe de l’INSERM qui a récemment réussi à mimer ce comportement chez des rats.

Le binge drinking observé à travers les jeunes

Quelques mots sur le binge drinking

Le « binge-drinking », encore appelé « biture express » ou « beuverie express » est un mode de consommation d’alcool qui consiste à en boire de grandes quantités le plus rapidement possible. En moyenne, 6 à 7 verres standards (60 à 70 g d’éthanol pur) sont avalés en l’espace de deux heures. Le niveau d’alcoolémie atteint est d’au moins 0,8 g/L.

Cette pratique est davantage observée chez les jeunes de 15 à 25 ans et elle est associée à un sur-risque de problèmes de consommation d’alcool à l’âge adulte.

Le « binge drinking » est notamment favorisé par :

  • L’effet de groupes avec la mise en place de rites d’appartenance et de reconnaissance ;
  • Les Happy hours dans les bars et brasseries ;
  • Les challenges lancés sur les réseaux sociaux.

Mickael Naassila, responsable du groupe de recherche INSERM sur l’alcool et les pharmacodépendances d’Amiens s’intéresse tout particulièrement aux effets sur le cerveau du binge drinking : « Nous nous intéressons aux conséquences cérébrales et cognitives de ce genre de pratique et nous avons notamment montré qu’elles provoquent des atteintes de la substance grise et de la substance blanche ».

Par exemple, le binge drinking altère la mémoire de travail (mémoire à court terme) en agissant sur les récepteurs à dopamine (neurotransmetteurs). Les chercheurs essaient de comprendre si ce trouble est réversible ou non.

À savoir !  La mémoire de travail permet à une personne de disposer d’un espace de travail mental afin de maintenir des informations pendant une période de plusieurs secondes. Elle joue également un rôle crucial dans le développement du raisonnement et de la logique..

Les autres effets sur le cerveau du binge drinking sont :

  • Une mauvaise tolérance au stress, un développement de troubles anxieux et  dépressifs,  voire d’idées suicidaires ;
  • Déficits d’attention et difficultés à planifier et à prendre des décisions ;
  • difficultés à gérer ses émotions.

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Un nouveau modèle expérimental

Comment mettre au point un modèle préclinique mimant un binge drinker ? Les chercheurs ont récemment répondu à cette question dans leur publication parue dans la revue Addiction Biology.

Chez des rats mâles adultes, les chercheurs ont provoqué des alcoolisations excessives en diminuant régulièrement la durée de leur auto-administration d’éthanol de 1 heure à 15 minutes.

Sans surprises, les chercheurs ont observé que certains rats étaient des binge drinkers modérés avec un arrêt de consommation à une alcoolémie de 0,8 g/litre et d’autres, les plus « accros », consommaient jusqu’à atteindre une alcoolémie de 2.0 g/litre.

« Nous pouvons faire un parallèle avec nos travaux chez l’humain », explique Mickael Naassila.

Après le binge drinking, les rats présentaient :

  • Des altérations de la coordination locomotrice ;
  • Une performance altérée dans une tâche de prise de décision.

Finalement, cette modélisation animale, même si elle présente certaines limitations, a montré de fortes similitudes avec ce qui est observé chez l’humain.

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Cerner les profils de binge drinkers

L’OMS définit le binge drinking par une prise de 5 à 6 verres d’alcool par occasion. Pourtant, il existent des différences entre les individus et certains consomment 10 verres par heure tandis que d’autres visent les 15 ou 20 verres. Certains consommateurs répètent le binge drinking deux fois par semaine alors que d’autres le font une fois par mois.

Les motivations sont diverses : faire la fête ou consommer de l’alcool pour faire face à leurs problèmes ou à leur anxiété.

L’équipe souhaite donc identifier les déterminants individuels (sexe, génétique, impulsivité, âge) et les facteurs environnementaux (niveau socio-économique, relations avec la famille, fréquentations, types d’alcool consommés, indépendance financière, autres addictions en parallèle) qui expliqueraient que certaines personnes sont plus sensibles que d’autres à ce genre de pratiques.

« Pour qu’une prévention chez l’humain soit efficace, il est nécessaire qu’elle soit ciblée. D’où l’intérêt de définir des sous-groupes » conclut Mickael Naassila dans un communiqué de presse de l’INSERM.

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Julie P., Journaliste scientifique

– Effets néfastes de l’alcool : impact du binge drinking sur le cerveau INSERM. Consulté le 31 juillet 2018.
– Un modèle expérimental innovant pour étudier le binge drinking. INSERM. Consulté le 31 juillet 2018.